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Déconstruire les mécanismes de discrimination

Déconstruire les mécanismes de discrimination
Edwin Arsenio Ramirez Garcia - par Valerie Reding et Mahalia Giotto

Familiariser le public jeune aux thématiques queer et féministes, c'est le projet artistique et politique HVNGRY de l’artiste Valerie Reding.

Le projet artistique et politique HVNGRY de l’artiste Valerie Reding a l’ambition de toucher un public jeune et moins familiarisé avec les thématiques queer et féministes. Interdisciplinaire, interactif et à la croisée de plusieurs médias, le projet itinérant passe par Genève. À ne manquer sous aucun prétexte.

Comment est née l’idée du projet interdisciplinaire et itinérant HVNGRY?
HVNGRY mêle une exposition photographique avec une performance interactive, de la musique en live ainsi que des workshops de voguing, de maquillage et de costume. Il s’agit d’une tentative de déconstruire les stéréotypes sexistes de genre et de créer un espace pour une exploration ludique de représentations alternatives des identités de genre fem* et queer les plus diverses. Tout en étant fortement ancré dans mon expérience personnelle du sexisme et de l’homophobie au quotidien, le projet HVNGRY, né en 2019, est également une réaction aux déchaînements de haine sexiste et homophobe liés à l’élection de Trump et est nourri par les mouvements #metoo et #iamanastywoman (Nasty Woman par Nina Donovan).

A qui s’adresse le projet?
Il ne s’adresse pas uniquement à un public fem* ou queer, mais également à un public plus général, particulièrement aux jeunes. En effet, il y a encore très peu de possibilités pour les jeune·x·s (queer) en Suisse pour discuter des questions d’identités et de sexualités dans des safe spaces. Comme ma pratique artistique en général, le projet HVNGRY est aussi interdisciplinaire, mêlant plusieurs médias afin de toucher le public à travers des biais différents. Le projet s’adressant aussi aux jeunes et à des personnes moins familiarisées avec les thématiques queer et féministes, un grand accent est mis sur l’interactivité et la participation.

HVNGRY for more – auto-portrait par Valerie Reding et Mahalia Giotto

Quelles ont été les réactions du public jusqu’à présent?
Jusqu’à présent, les événements HVNGRY ont pu avoir lieu dans trois cantons suisses ainsi qu’à l’étranger, à chaque fois dans des contextes et communautés très différents. Avec l’événement à Lausanne à La Datcha et celui à Sion à Alpagai fin 2019, avec l’événement à Zurich au sein du festival queer Lila. à la Rote Fabrik en collaboration avec la Milchjugend ainsi qu’avec une exposition au Centre de création chorégraphique luxembourgeois et une autre dans le cadre du festival Queer Little Lies à Esch au Luxembourg en 2020, nous avons déjà pu toucher presque 2000 personnes directement par ce projet! Malgré les défis imposés par Covid-19 et les difficultés générales pour financer et réaliser des projets mêlant des pratiques artistiques et communautaires à des questions sociales et politiques en Suisse, HVNGRY a donc pu susciter un grand intérêt public et une participation enthousiasmée, comme en témoignent certains propos rapportés: «Incroyable et cela m’a donné plus confiance en moi et en mon corps», se réjouit V., 18 ans, à Sion. «J’ai apprécié de me sentir vulnérable et forte à la fois. J’ai apprécié la performance interactive. Elle m’a vraiment remué d’une manière inattendue», constate S., 27, de Bâle. Enfin, R., 26 ans, de Uster, observe: «C’était magnifique de voir des gens se soutenir et se célébrer mutuellement, quel que soit leur type de corps ou leur sexe». 

Que racontent les sept figures archétypales du projet et les insultes sexistes qui s’y rapportent? 
La genèse des sept portraits a été fortement inspirée par sept figures archétypales – Sorcière, Salope, Hystérique, Vieille, Gouine, Frigide et Furie. Ce choix est ancré dans mon expérience personnelle et surtout dans les vécus des personnes fem* et queer de mon entourage, notamment des sept personnes portraiturées. L’exploration de ces archétypes, souvent utilisés dans notre société pour dévaloriser des personnes fem* et queer, m’ont permis de mieux comprendre les mécanismes systémiques de marginalisation, nourrissant la haine et la violence contre elles. Le point commun entre ces figures est de diaboliser, d’objectifier et de pathologiser les personnes en question en les déshumanisant, afin de pouvoir nier leurs revendications d’avoir les mêmes droits que les autres. HVNGRY est ainsi une tentative d’empowerment et de réappropriation de l’insulte sexiste tout en utilisant des éléments du grotesque, de l’esthétique drag et camp, ainsi que des références à l’iconographie religieuse.

Quels sont les messages et les réflexions que tu souhaites diffuser avec ce projet?
HVNGRY cherche à donner des moyens à tou·te·x·s de comprendre ces mécanismes de discrimination. D’un côté, le projet veut motiver chacun·e·x à se libérer soi-même de ces stéréotypes de genre sexistes, afin de se les réapproprier et de s’en émanciper. C’est aussi une invitation à l’auto-réflexion, afin de ne pas reproduire inconsciemment envers autrui ces mêmes stéréotypes qui nous oppriment. Ici encore, l’aspect interactif et participatif des événements joue un grand rôle: Le but est de créer un safe space pour des personnes fem* et queer afin de pouvoir explorer ces questions collectivement, pour mieux comprendre soi-même et autrui à travers une pratique communautaire.

Observes-tu plus de violences envers les personnes queer ces dernières années ?
C’est difficilement évaluable, mais personnellement, j’ai l’impression qu’il n’y a pas plus de violences qu’avant envers des personnes queer – les gens se mobilisent plus pour les dénoncer! Les violences, non seulement contre la communauté queer, mais aussi les violences sexistes, racistes et autres, sont enfin moins banalisées et les gens s’organisent collectivement pour lutter contre ces violences systémiques ensemble. En outre, les média sociaux figurent également comme un important vecteur de réseautage et comme un porte-voix qui permettent à ces problèmes de devenir plus médiatisés et donc plus visibles, ce qui permet de donner des forces aux individus souhaitant sortir de l’isolement et du silence – même si les algorithmes en vigueur sur les réseaux sociaux essaient d’empêcher ces alliances.

Comment l’expliques-tu?
J’ai l’impression que nous nous trouvons actuellement dans un moment charnière: nous vivons la plus grande crise du capitalisme depuis le début du XXe siècle – un capitalisme patriarcal, sexiste, hétéronormatif, raciste, validiste et classiste. L’augmentation de la violence policière est juste un exemple de l’acharnement des dominant·e·x·s de délégitimer la parole de tou·te·x·s celleux qui mettent en question l’ordre en vigueur et qui se révoltent contre ces violences systémiques.

HVNGRY – The Frigid – Giulia Essyad – par Valerie Reding

En tant qu’artiste, estimes-tu que ton travail a une portée politique?
Dans tous mes projets, il y a une forte dimension politique, même si elle n’est pas toujours explicite. Comme notre vie privée, tout ce que nous vivons et donc aussi mon art est inscrit dans un système social, et pose donc forcément des questions politiques.
 
L’art contemporain est-il un safe space pour les personnes queer?  
Non! L’art contemporain est un espace traversé par les mêmes mécanismes d’exclusion, rapports de force et systèmes de valeurs que toute notre société. C’est un espace capitaliste, dominé par des hommes blancs, riches, valides et cis-hétéronormés. Ainsi, les institutions artistiques (à part quelques précieuses exceptions) privilégient la production d’œuvres qui sont destinées au marché de l’art, aux galeries et aux collections privées et non pas à un public queer, fem* ou racisé. Si des sujets queer sont traités dans l’art contemporain, c’est plutôt à la surface, comme une mode, sans pour autant prendre au sérieux les réelles intentions et questions politiques brûlantes qui se cachent derrière cette esthétique «flamboyante» et «excentrique» si convoitée. Ceci est également reflété par la difficulté en Suisse de trouver du soutien financier durable et juste pour des projets artistiques qui touchent explicitement aux questions queer et féministes. Cependant, il y a de l’espoir et la volonté de beaucoup d’artistes et de quelques institutions de créer des micro safe spaces pour ces communautés marginalisées, notamment dans le domaine de la performance et surtout aussi en collaboration avec le monde de la nuit. Ces espaces éphémères permettent aux personnes queer de se connecter et de se construire ensemble.

Le projet HVNGRY for more apporte-t-il des angles différents?
Bien qu’au cours des dernières années, de nombreuses avancées législatives aient été réalisées qui accordent davantage de droits et de protection aux personnes queer et au BIPOC (Black, Indigenous and People Of Colour), il reste un grand besoin de réforme avant que l’on puisse parler d’une société où tou·te·x·s auraient des droits égaux. En Suisse, le droit pénal précédemment applicable contre le racisme a finalement été étendu pour inclure la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle – l’homophobie est désormais punissable en Suisse. Cependant, la discrimination fondée sur l’identité de genre n’est toujours pas incluse – la violence contre les personnes trans* et intersexes n’est actuellement pas punissable en Suisse. Ma nouvelle série photographique HVNGRY for more est une suite du projet HVNGRY. Composée de portraits de personnes non-binaires, de personnes trans* et de QTPOC (Queer and Trans People Of Colour), la série traite moins de la réappropriation d’insultes sexistes. Il s’agit plutôt de donner aux personnes représentées l’espace pour exprimer librement leurs identités de genre, leurs sexualités et leurs corps de façon authentique, non-censurée et en accord avec leurs désirs les plus intimes. HVNGRY for more, fortement influencée par l’esthétique du monde des jeux vidéos, représente un collectif de créatures queer dans lequel l’altérité, l’individualité et la vulnérabilité partagées sont célébrées et deviennent un terrain propice au développement du sentiment de communauté, à la solidarité et aux rencontres interpersonnelles.

Découvrez et participez à l’événement HVNGRY, de Valerie Reding, à l’espace d’art contemporain Forde de Genève, les 22 et 23 octobre.
valeriereding.com