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"J'aurais pu lâcher l'affaire": Barbara Butch raconte son difficile combat contre la grossophobie

Barbara Butch en train de mixer à Paris.

Barbara Butch en train de mixer à Paris. - Instagram

La DJ parisienne Barbara Butch a été élue "personnalité LGBTQ+ de l'année lors de la 4e édition de la cérémonie des Out d'Or. L'artiste, lesbienne et qui préfère se définir comme "grosse", raconte à BFMTV.com son combat contre la grossophobie.

Pour se faire un nom sur la scène musicale parisienne avec son style disco et pop engagé, Leslie Barbara Butch a dû batailler. En tant que femme lesbienne et qui se définit comme "grosse", car l'obésité est pour elle "une maladie, pas un adjectif", la DJ parisienne ne cache pas qu'elle "aurait pu lâcher l'affaire depuis lontemps".

Mais jeudi dernier, elle a été élue personnalité LGBTQ+ de l'année 2021 à l'occasion de la 4e cérémonie des Out d'Or de l'Association des journalistes LGBT (AJL). L'avènement d'un véritable parcours du combattant, sur lequel elle a accepté de revenir pour BFMTV.com.

"J'ai été agréablement surprise". Au micro de BFMTV.com, Barbara Butch se réjouit de cette distinction, après "un parcours qui a été difficile": "c'est pour toutes ces années où j'ai lutté contre les LGBT-phobies, où j'ai essayé de rendre visibles les personnes différentes comme moi, la difficulté à prendre de la place là où on ne m'en donnait pas".

"On a souvent essayé de me freiner"

Barbara Butch, qui a commencé à mixer à Paris il y a 15 ans, s'est fait connaître lors du 1er confinement au printemps 2020 en organisant des soirées virtuelles chaque samedi soir depuis son appartement. Elle est également connue pour son engagement contre la grossophobie et l'homophobie sur les réseaux sociaux, ce qui lui vaut d'être régulièrement victime de violentes vagues de harcèlement en ligne.

En février 2020, la jeune femme avait déffrayé la chronique en faisant la une du magazine Télérama pour un article sur la grossophobie. La photo d'elle, dénudée mais pourtant pas explicite, avait été censurée par les géants du numérique Facebook et Instagram. Avec l'aide de nombreux internautes, elle avait alors dû se battre pour pouvoir conserver la photo sur ses comptes. Enfin en février dernier, l'artiste est devenue égérie de la marque de luxe Jean-Paul Gaultier pour une campagne de parfum.

À maintenant 40 ans, Leslie Barbara Butch considère que ces différentes "identités fortes" qu'elle cumule ont été des freins dans sa carrière musicale. "On a souvent essayé de me freiner sur ma route, et en fait j'ai tenu tête. J'ai tenu la route en levant la tête et puis en retroussant mes manches", raconte-t-elle. "Je ne me suis pas laissé abattre par les remarques (...) Déjà, le fait d'être une femme a été un combat, le fait d'être lesbienne et grosse... On tend encore à être invisibilisée. (...) Forcément, quand on cumule comme ça, on met du temps à arriver là où on veut arriver, mais on y arrive avec de la volonté et de la force".

D'abord, la jeune femme raconte son combat contre l'invisibilisation "des corps et des identités qui sont différentes". Et cela passe nécessairement par le cyberharcèlement auquel la musicienne doit faire face "tous les jours". Elle raconte les insultes et les injonctions qu'elle reçoit quotidiennement de la part de parfaits inconnus. "C'est ça qui fait que j'aurais pu lâcher l'affaire depuis longtemps: me faire harceler, agresser, insulter. On essaie de m'enterrer au 3e sous-sol parce que je n'ai pas le droit d'exister. On va me dire 't'as qu'à perdre du poids, t'as qu'à faire ci, t'as qu'à faire ça'".

"Les gens ne supportent pas de voir une personne grosse prendre de la place, au-delà de son physique, dans les médias quels qu'ils soient", témoigne Barbara Butch. "Ils n'aiment pas les personnes grosses, ça leur renvoie à quelque chose qu'ils détestent en eux (...) On a tellement grandi avec l'idée qu'il faut détester les gros, que d'être gros c'est sale, c'est être en mauvaise santé, c'est d'être fainéant, c'est se laisser aller.... Toutes ces croyances sont tellement ancrées dans la tête des gens depuis des dizaines d'années, qu'on ne peut pas s'en défaire comme ça..."

"On existe, on est là, on a le droit d'être représentés"

"J'aurais très bien pu tomber là-dedans, mais j'ai refusé", poursuit l'artiste à notre micro. "Je me suis dit 'je vais le faire pour moi mais aussi pour toutes les personnes qui ne se sentent pas à leur place et qui malgré tout ont des objectifs. J'aimerais leur dire à toutes et tous que c'est possible, peu importe le corps qu'on a".

Barbara Butch précise aussi ne pas faire l'apologie de l'obésité, comme on le lui reproche parfois sur les réseaux sociaux. "Moi je fais l'apologie de l'acceptation de soi: on existe, on est là, alors on a le droit d'être répresentés", explique encore celle qui reçoit aussi "des messages positifs de personnes" qu'elle inspire. "Certaines n'avaient jamais réussi à se mettre en maillot de bain en 10 ans, et elles ont franchi le pas grâce à moi. Ça, ça donne de la force, c'est ça mon objectif".

Aujourd'hui, la quadragénaire ne prête plus autant d'attention aux messages de haine qu'elle peut recevoir. "Plus jeune, ça m'aurait détruite, aujourd'hui ça ne m'atteint pas", confie la DJ, qui se dit toutefois consciente "des ravages" que peut faire le cyberharcèlement "dans les milieux scolaires ou encore dans le militantisme".

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV