AidesPourquoi le 10 octobre sera une date importante dans la lutte contre le Sida

Par Aurélien Beaucamp le 17/05/2019
Pourquoi le 10 octobre sera une date importante dans la lutte contre le Sida

TRIBUNE. A l'occasion de la Journée mondiale contre l'homophobie, Aurélien Beaucamp, président de Aides, rappelle que dans certains pays, les politiques répressives entraînent souvent une augmentation des contaminations. Et appelle Emmanuel Macron à tout faire pour que le 10 octobre prochain, le Fonds mondial contre le Sida récolte des contributions à la hauteur des enjeux.

 

De nombreux pays criminalisent encore les personnes LGBTI partout dans le monde. 50 ans après les émeutes de Stonewall, nous assistons à une augmentation sans précédent de violences et de mesures répressives ou discriminantes portant atteinte aux droits des minorités sexuelles et de genre, ce qui nuit à leur santé et à leurs droits fondamentaux, les poussent dans la clandestinité voire à l’exil. Ces politiques entrent directement en conflit avec les engagements pris au niveau international pour lutter contre l’épidémie de VIH d’ici 2030.

Il est toujours utile  de rappeler encore le lien étroit entre politiques répressives, stigmatisations et discriminations et dynamique de l’épidémie. Plus les personnes LGBTI sont réprimées et violentées, notamment les personnes trans et les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes), plus elles sont isolées et sujettes aux contaminations faute d’accès aux structures et outils de prévention.

Les HSH sont 28 fois plus exposés au risque de contamination par le VIH que le reste de la population. Les femmes trans le sont 13 fois plus. Chaque année, les hommes gays, bis et autres HSH représentent à eux seuls 18 % des 2 millions de nouvelles contaminations dans le monde.

Face à l’urgence, la solidarité internationale peine à s’organiser faute de moyens suffisants et de soutien aux associations sur place.

Pourtant des outils existent, comme le Fonds mondial de lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose qui, en plus de financer l’accès aux traitements antirétroviraux des pays à faible revenu, met en place des programmes de soutien aux populations clés de l’épidémie, dont les HSH et personnes trans, dans les pays où la répression reste forte.

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Les associations, actrices incontournables de la riposte à l’épidémie

Le Fonds mondial soutient le travail de plaidoyer des associations communautaires locales dans le changement non seulement des mentalités dans leurs pays, mais aussi des législations quand elles sont LGBTI-phobes. Ses programmes permettent d’agir sur les discriminations subies par les minorités sexuelles et de genre et en faveur d’un meilleur accès aux services de santé.

Ainsi, le Fonds mondial soutient la défense des droits des personnes trans en Amérique latine, en finançant notamment les associations de femmes trans à se structurer pour leur permettre de porter leur parole et leurs revendications.

À Haïti, l’association LGBTI Kouraj représente officiellement les populations clés dans l’instance qui rassemble tous les acteurs et actrices de la lutte contre le VIH et permet de mettre en adéquation les subventions du Fonds mondial avec les besoins des populations vulnérabilisées.

Au Cameroun, les subventions du Fonds mondial ont même permis de former les forces de l’ordre aux enjeux de la lutte contre le VIH/sida et de l’accès aux droits et aux soins des hommes gays et bis. Dans un contexte où la loi criminalise toujours les relations sexuelles entre hommes, ces actions permettent de lutter contre les discriminations et stigmatisations. Des personnes incarcérées en raison de leur homosexualité réelle ou supposée ont pu bénéficier d’un soutien juridique efficace, financé par le Fonds mondial.

Enfin, en sus des interventions « classiques » de prévention à destination des populations clés (préservatifs, information, etc.), le Fonds mondial favorise l’innovation et la prévention diversifiée, et finance ainsi des projets pilotes de délivrance de la Prep pour les HSH. C’est notamment le cas au Maroc.

Une conférence aux enjeux peu connus, mais vitaux

Tous les trois ans, le Fonds mondial reconstitue ses ressources, qui proviennent pour plus de 80% des pays riches membres du G7. Le point d’orgue de cette discussion sera la Conférence de reconstitution qui se tiendra pour la première fois en France, à Lyon, le 10 octobre prochain.

En tant qu’hôte de cet événement, il appartient au Président français de mobiliser ses homologues étrangers-es pour les inciter à augmenter leurs contributions et faire de cette conférence l’événement qui nous donnera enfin les moyens de mettre fin du sida.

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La dernière conférence de reconstitution avait laissé un goût amer aux activistes du monde entier, avec des contributions qui n’étaient ni à la hauteur des attentes, ni à celle des enjeux de l’épidémie à l’échelle mondiale. En cas d’échec de cette conférence, les programmes de plaidoyer et les programmes de prévention spécifiques, notamment à destination des LGBTI, seront fortement menacés.

Nous devons donc tout faire pour que cette conférence  permette de lever les fonds nécessaires et y porter la voix des communautés les plus concernées. La société civile dans son ensemble, et en particulier le mouvement LGBTI, doit être à la pointe de la mobilisation pour pousser le président Emmanuel Macron à faire preuve d’une volonté politique à la hauteur de l’enjeu.

Faisons de cette journée internationale de lutte contre les LGBTI-phobies (17 mai) et de nos Marches des Fiertés les premiers rendez-vous de notre mobilisation pour que le 10 octobre soit un succès.

 

 

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