Personnes transgenres exilées
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Société

Ces réfugié·es LGBT+ ont fui leur pays à cause de leur orientation sexuelle

La Belgique a été leur terre d'accueil, mais là-bas, tout n'a pas été simple non plus.
Inke Gieghase
Ghent, BE

Il y a un mois, j'ai reçu un appel en plein milieu de la nuit. C'était un ami qui avait fui la Géorgie il y a quelque temps à cause de son orientation sexuelle, et qui vit maintenant en Belgique. Il m’a dit que quatre personnes avaient frappé à sa porte parce qu'elles avaient fui le centre de réfugié·es après avoir subi des violences homophobes. Iels sont arrivé·es à lui grâce à des connaissances communes en Géorgie. Ces réfugié·es m'ont demandé si je pouvais les aider ; ce qui n'était pas chose facile.

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Après cet événement, je me suis de plus en plus immergée dans les histoires personnelles de ces gens. J'ai demandé à trois personnes LGBT+ ce qu’implique le fait de devoir quitter son pays à cause de leur orientation sexuelle et comment iels avaient été accueilli·es en Belgique.

Lucy (28 ans, Tanzanie)

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« En Tanzanie, si vous êtes une femme et que vous avez une petite amie, vous devez toujours la voir en secret ou la présenter aux autres comme votre cousine. C’était dur. J'ai subi beaucoup d'abus et de violences homophobes. La goutte qui a fait déborder le vase, c'est quand une voiture m’a délibérément renversée. Je suis très tenace et je voulais rester là-bas pour me battre, mais ma petite amie — qui avait déjà quitté le pays — craignait que je ne finisse par y rester. Finalement, j'ai fui la Tanzanie en 2016.

« Quand j'ai dit que je demandais l'asile à cause de mon orientation sexuelle, on m'a demandée comment je pouvais être à la fois chrétienne et lesbienne. J'étais choquée. »

L'une des premières choses que j'ai dû faire en Belgique, c’était de passer un entretien. Beaucoup de questions m’ont été posées, sur mon voyage par exemple. Mais la vraie question était de savoir si j'avais demandé l'asile à cause de mon orientation sexuelle. Quand j'ai dit que c’était le cas, on m'a demandé si j'étais lesbienne et comment je pouvais être à la fois chrétienne et lesbienne. J'étais choquée.

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Au moins, j'étais enfin dans un pays qui pouvait me protéger, moi et mes droits ; alors j'ai décidé de m’assumer en tant que lesbienne dès mon arrivée au centre de réfugié·es. Il y a un moment où je l’ai beaucoup regretté. J'ai été rejetée, j’étais isolée et les gens me disaient des choses terribles. On m’a beaucoup répété que j’allais me faire lapider à mort. Mais je n'ai pas demandé de transfert et je suis restée. Toute ma vie j’ai dû fuir ; c'était le moment pour moi d'utiliser ma voix, non seulement pour moi, mais aussi pour toutes les autres personnes qui vivaient au centre et qui étaient dans la même situation.

« La communauté bisexuelle aussi fait l'objet de beaucoup de discrimination. On leur dit qu'iels ne sont pas assez gays. »

Le personnel n'avait pas la moindre idée de la manière dont il pouvait traiter les questions LGBT+, ni même de la manière dont il pouvait gérer les demandeur·ses d'asile et les procédures en général. Et d'après l'expérience que les personnes LGBT+ partagent avec moi, il semble que peu de choses changent, surtout du point de vue des procédures.

La communauté bisexuelle aussi fait l'objet de beaucoup de discrimination. On leur dit qu'iels ne sont pas assez gays. On a eu un souci avec un homosexuel très macho, et selon les personnes qui l'ont interrogé, il était « trop macho pour être gay ». De plus, vous devez parler de ces questions d’identités sexuelles avec un interprète qui n'est pas toujours ouvert d’esprit. Tout cela doit vraiment changer.

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Monica (23 ans, Géorgie)

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J'ai travaillé pendant environ six ans comme journaliste pour une chaîne publique en Géorgie. Quand j'ai quitté ce travail et que j'en ai commencé un autre, j’ai fait mon coming out en tant que transexuelle. Au moment où je l'ai dévoilé, tout s’est écroulé. Ma vie sociale est passée de cent à zéro en un rien de temps. Ma famille et mes amis ont perdu tout respect pour moi parce que j'étais ouvertement transexuelle.

Après mon coming out, je suis devenue

travailleuse du sexe

parce que je ne pouvais pas trouver un autre emploi. Je devais être en mesure de payer mes besoins de base, comme le loyer et les vêtements. Après environ quatre mois, j'ai trouvé un emploi dans une ONG LGBT+.

« Mais un jour, dans mon quartier, deux personnes transexuelles ont été assassiné·es par un groupe d'hommes. Depuis, j’avais toujours un couteau sur moi pour aller travailler, parce que j'avais peur d’être la prochaine. »

Mais un jour, dans mon quartier, deux personnes transexuelles ont été assassiné·es par un groupe d'hommes. Depuis, j’avais toujours un couteau sur moi pour aller travailler, parce que j'avais peur d’être la prochaine.

J'ai dû partir. À la fin, je ne pouvais même plus sortir. Ma santé mentale en a beaucoup souffert. Malheureusement, beaucoup de personnes LGBT+ sont dans une situation similaire en Géorgie. Quand on est une femme transexuelle, on n'obtient aucune aide et on est considérée comme inexistante. Je voulais vraiment changer la situation, mais je devais aussi penser à ma sécurité.

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« En Géorgie, quand on est une femme transexuelle, on n'obtient aucune aide et on est considérée comme inexistante. Je voulais vraiment changer la situation, mais je devais aussi penser à ma sécurité. »

Finalement, je suis venue seule en Belgique. J'ai d'abord été choquée parce que l'une des premières choses que j'ai vues, c’est une masse de gens qui attendaient pour demander l'asile. J'ai des frissons quand je repense à cette période. Il y avait tellement de gens qui n'avaient pas l'air bien et qui voulaient simplement vivre une vie normale.

Là, je vis en Belgique depuis un an. J'ai le sentiment que je peux être libre ici. Je me sens en sécurité. Ce n'était pas le cas en Géorgie. J'attendais juste que quelqu'un vienne me tuer. En Belgique, au début, j'étais seulement nerveuse parce que je ne savais pas trop si les gens me regardaient mal quand je marchais dans la rue.

Mais j'ai de grands projets maintenant. Je suis chanteuse de pop et d'opéra et j’aimerais lancer ma propre chaîne YouTube ou participer à une émission comme Belgium's Got Talent. Je veux aussi ouvrir un petit restaurant géorgien ici avec mes amis. Retourner en Géorgie n'est pas sur ma liste des priorités. La Géorgie m'a trop blessée. Quand j'entends le nom de mon pays, j'en ai la chair de poule tant c'était effrayant.

Beka (23 ans, Géorgie)

Koppel Beka et son partenaire, Vaska (22 ans)

Le 5 juillet dernier a été le jour le plus douloureux de ma vie. J'ai reçu un appel de ma mère. Apparemment, elle avait découvert que j'avais un petit ami. Elle a dit qu'elle voulait me couper les parties génitales et m’a menacé de mort. Quand j'ai essayé de lui parler le lendemain, elle m'a giflé. C'est là que j'ai décidé de partir de chez moi. J'avais mis de l'argent de côté, et j'ai pris un aller simple pour la Belgique. Maintenant je vis ici avec mon petit ami. Tout ce que je veux, c’est pouvoir être moi-même, vivre en sécurité et avec la personne que j'aime.

« Ma mère m'a dit qu'elle voulait me couper les parties génitales et m’a menacé de mort. »

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Mais lorsqu’on est arrivés au centre de réfugiés, on a subi beaucoup de violence verbale et on a aussi essayé de nous attaquer physiquement. On a appelé la police et quand iels sont arrivé·es, iels nous ont juste dit de ne pas montrer notre amour, parce que c'est ce qui les a provoqués. J'étais sous le choc. J'ai réalisé que ça ne servait à rien de parler à la police, alors on a quitté le centre, accompagnés par un couple de lesbiennes.

Je ne me souviens même pas clairement de ce qui s'est passé parce que j’étais tout le temps stressé. Quand tu es à l'étranger, tu ne peux pas simplement aller dormir chez un·e pote. Mais on ne pouvait pas non plus rester dans le camp parce que c'était trop dangereux. On vivait dans une tente dans le camp, sans cadenas. On pouvait facilement y entrer et nous faire du mal. Quand on est allés à Fedasil, à Bruxelles, pour parler de ce qui se passait, iels n'ont littéralement rien fait et nous ont juste dit de retourner au camp pour voir ce qui se passerait.

« D'un autre côté, j'ai aussi été choqué d'une manière plus positive. Des personnes qu’on n’avait jamais rencontrées essayaient de nous aider. »

Je suis venu en Belgique pour ne pas être tué, mais je ne me sentais pas en sécurité du tout. Heureusement, nous avons découvert un refuge LGBT+ à Bruxelles, « Le Refuge ». Iels n'avaient pas de place pour nous, mais nous ont trouvé une auberge pour quelques nuits. Les Géorgiens qui nous ont menacés ont finalement été virés du camp et on y est retournés. Mais ça reste quand même dangereux. On est toujours ensemble, parce qu’on a peur d'être attaqués.

D'un autre côté, j'ai aussi été choqué d'une manière plus positive. Des personnes qu’on n’avait jamais rencontrées essayaient de nous aider. Si on avait été en Géorgie, personne n’aurait bougé. On n’a pas eu la chance de vivre ensemble tous les jours là-bas. On est très reconnaissants des possibilités qui nous sont offertes ici. On n’a qu'une vie, alors pourquoi la passer à se cacher à cause de ce que les autres pensent de nous ?

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