Au Brésil, la clinique Apolônia aide les femmes, cis et trans, battues et édentées « pour ne plus plaire »

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Un réseau de dentistes bénévoles a décidé de reconstruire la dentition – et la vie – de femmes victimes de violences conjugales. Depuis deux ans, leur clinique, Apolônia, accueille aussi les personnes trans.

clinique Apolônia
Image extraite d'une vidéo de la clinique Apolônia - Capture d'écran / Youtube

Au Brésil, des millions de femmes, cis et trans, sont victimes de violences conjugales. Dans presque tous les cas, les hommes visent la bouche et les dents dans la volonté d’anéantir la féminité de celles qui resteront confinées chez elles. Un phénomène devenu si banal qu’un réseau de dentistes bénévoles, de la clinique Apolônia, a décidé de reconstruire la dentition – et la vie – de ces femmes.

Un réseau de dentistes

C’est en 2012 que le dentiste Fabio Bibancos a fondé l’ONG Apolônias do Bem à Sao Paulo. Depuis, « on a traité plus de 1 000 femmes », poursuit son associé, le Dr Piva. Le programme vient du nom d’Apolline d’Alexandrie, la patronne des dentistes, une martyre chrétienne dont les bourreaux auraient arraché les dents. Aujourd’hui, un réseau de 1 700 dentistes au Brésil, dans 12 autres pays d’Amérique latine et au Portugal, redonne le sourire à des femmes victimes de violences et à faibles revenus. À condition qu’elles ne vivent plus avec leur agresseur. Depuis deux ans, la clinique Apolônia accueille aussi des personnes trans.

« J’ai été victime de violences depuis que je me suis affirmée comme une personne transgenre, donc abandonnée par ma famille, par la société et condamnée à la marginalité »

« Vous n’avez aucune idée de ce que c’est que de vivre sans dents », confirme Thaïs de Azevedo, interrogée par l’AFP à Sao Paulo.

« Quand j’ai eu mes dents, ça a été sensationnel de manger une pomme », dit cette femme trans de 70 ans qui a reçu des implants, grâce à Apolônia.

« J’ai été victime de violences depuis que je me suis affirmée comme une personne transgenre, donc abandonnée par ma famille, par la société et condamnée à la marginalité », explique-t-elle. Au Brésil, l’espérance de vie des personnes trans est de seulement 35 ans.

Thaïs dit pudiquement avoir perdu ses dents « dans son combat pour la vie ». Elle était devenue « experte » pour se façonner des dents avec du chewing-gum.

Les dentistes d’Apolônia lui ont posé des implants à 68 ans. « Ce qu’ils m’ont apporté est bien plus profond et grandiose que ce que je pouvais imaginer ».

Au Brésil, 27 % des femmes âgées de plus de 16 ans, soit 16 millions disent avoir été victimes de violences physiques ou psychologiques l’an dernier, dont 42 % à leur domicile, selon le Forum brésilien de la sécurité publique (FBSP). Les femmes noires sont les plus touchées.

« Le désir des agresseurs est de couper l’envie de sourire aux femmes », explique le jeune chirurgien-dentiste Armando Piva.

Avec l’AFP