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Don du sang : fin de la période d’abstinence pour les homosexuels

LGBT +dossier
Depuis la loi bioéthique promulguée en août, le code de la santé publique indique que les critères de sélection des donneurs ne peuvent pas être différents selon le sexe de leurs partenaires sexuels. Le décret ministériel doit être signé ce mercredi 12 janvier, pour une entrée en vigueur le 16 mars.
par Mathilde Roche
publié le 7 janvier 2022 à 12h19
Question posée par Karel le 2 janvier.

Un droit qui s’est fait attendre. En juin 2021, dans le cadre des débats sur le projet de loi bioéthique, l’Assemblée nationale avait accepté de lever la période d’abstinence de quatre mois demandée aux homosexuels pour pouvoir donner leur sang. L’article de Têtu félicitant cette avancée mentionnait une entrée en vigueur pour le 1er janvier 2022, selon la date donnée par le ministère de la Santé. Une information reprise notamment Libération. Vous nous avez demandé si cette disposition a bien été mise en place en ce début d’année. Le ministère indique, ce mardi, que l’arrêté ministériel nécessaire à l’application de la mesure sera signé mercredi 12 janvier, pour une entrée effective à partir du 16 mars.

Contexte législatif

L’amorce de cette réforme date de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, qui a introduit un article 1211-6-1 dans le code de la santé publique. Article qui mentionne que «nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle». Cependant, les critères de sélection des donneurs sont fixés par un arrêté, dont la dernière version datait de décembre 2019, et dans lequel les conditions pour les hommes homos et bis étaient différentes de celles pour les femmes et les hommes hétéros. Dans l’annexe II, est en effet indiqué que les hommes ayant eu un ou des rapports sexuels avec un autre homme ne sont éligibles que quatre mois après lesdits rapports. Cela excluait les hommes en couple exclusif avec un autre homme. En comparaison, les hétérosexuels ne devaient observer cette période d’abstinence que s’ils avaient eu des rapports avec plusieurs partenaires. Les femmes lesbiennes n’étaient pas mentionnées.

Lors des débats sur la loi relative à la bioéthique, deux amendements − n°510 et n°873 − ont été proposés et adoptés par la commission de l’Assemblée nationale en deuxième lecture du texte, le 1er juillet 2020. En résultait un article 7bis de la loi bioéthique, qui complétait l’article 1211‑6‑1 du code de la santé publique, en ajoutant une phrase : «Les critères de sélection du donneur ne peuvent être fondés sur le sexe du ou des partenaires avec lesquels il aurait entretenu des relations sexuelles.»

Comme le montre ce tableau retraçant l’évolution du texte, le gouvernement avait proposé aux députés une formulation de l’article 7bis en trois phrases, en faisant disparaître la mention de relations sexuelles : «Les critères de sélection des donneurs de sang sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ils ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur. Les critères sont régulièrement révisés pour tenir compte notamment de l’évolution des connaissances, des dispositifs de sécurisation et des risques sanitaires.» La volonté affichée de cet amendement n°2279, proposé le 23 juillet 2020 : «réaffirmer la compétence du ministre chargé de la santé pour fixer les critères de sélection».

Dans la loi, pas dans les faits

Un an plus tard, un nouvel amendement du gouvernement, adopté le 9 juin 2021, a réintroduit la notion d’égalité entre les différentes orientations sexuelles. Le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture précisait donc que les critères de sélection des donneurs «ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe des partenaires avec lesquels les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles, non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur». Lors de la promulgation de la loi du 2 août relative à la bioéthique, l’article 7bis disparaît du texte, mais son contenu apparaît tel quel dans l’article 12, en vigueur aujourd’hui. De fait, dès le lendemain de sa publication au Journal officiel, l’article 1211-6-1 du code de la santé publique a bien été modifié.

Pour autant, au 7 janvier 2021, la loi n’avait pas été mise en application par un nouvel arrêté ministériel. «Celui en vigueur est toujours celui de 2019, donc pour l’instant on est tenu de demander quatre mois sans rapports sexuels entre hommes, confirmait alors l’Etablissement français du sang à CheckNews. On attend, dès que l’arrêté sera paru, il y aura un petit délai le temps que l’ANSM nous fournisse les nouveaux questionnaires, mais nous ferons le nécessaire pour appliquer au plus vite la loi.» Contacté, le ministère de la Santé indiquait qu’un calendrier serait donné prochainement sur ce sujet. Il indique désormais qu’un arrêté sera signé ce mercredi.

Une mise en application au 16 mars

L’évolution des conditions d’accès au don du sang a été présentée ce mardi, par le conseiller chargé de la sécurité sanitaire et de la santé publique au cabinet d’Olivier Véran, accompagné de la Direction générale de la Santé (DGS), de l’Etablissement français du sang (ESF) et de l’Agence Nationale de sécurité du médicament (Ansm). Le «calendrier de mise en œuvre de la levée de l’ajournement pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes» indique donc que le changement sera effectif à partir du 16 mars. A partir de cette date, les nouveaux questionnaires distribués avant le don ne feront plus «aucune mention de l’orientation sexuelle» ni «du sexe des partenaires» mais seulement de leur nombre et des pratiques à risques.

A noter, les personnes sous Prophylaxie Pré-Exposition (PrEP), le traitement préventif contre le VIH, seront inéligibles au don. Or, selon la dernière étude annuelle d’EPI-PHARE sur l’évolution de l’utilisation de ce traitement à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) : «les utilisateur.trice.s de la PrEP restent principalement des hommes (97%)» et il est «raisonnable de faire l’hypothèse qu’il s’agit principalement d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes». Le ministère justifie ce choix, qui sera amené à évoluer : «La prophylaxie est très efficace mais elle est prescrite en cas de prise de risque». Il ajoute que ces antirétroviraux puissants peuvent interagir avec le dépistage du VIH dans le sang.

Mise à jour : le 11 janvier, ajout du calendrier suite à l’annonce de la signature de l’arrêté ministériel.


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