3 questions à Vincent-Viktoria Strobel, co-porte-parole de Bi'Cause, à l'occasion de la Journée Internationale de la Bisexualité

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« On doit respecter la vie privée, d’accord. Mais aussi, et d’abord, respecter le droit de s’identifier comme on le veut, sans susciter des commentaires à n’en plus finir, sans que des familles se sentent trahies, sans rejet des autres ! »

Marche pour la journée internationale de la bisexualité, 23 septembre 2017 à Paris
Marche pour la journée internationale de la bisexualité, 23 septembre 2017 à Paris - Christophe Martet

Mercredi 23 septembre a lieu la Journée Internationale de la Bisexualité. Créée en 1999, cette journée a pour but de promouvoir la visibilité bi et lutter contre la biphobie. Vincent-Viktoria Strobel, co-porte-parole de l’association Bi’Cause, répond aux questions de Komitid.

Komitid : Quelles ont été les évolutions depuis la dernière Journée Internationale de la Bisexualité en France ?

Vincent-Viktoria Strobel : Si je regarde un an en arrière, je n’ai pas vraiment noté d’évolution. Je me suis – en fait, nous nous sommes impliqué.e.s dans des dossiers globaux tels que la PMA, les droits des personnes intersexes, mais jusque là on ressent plutôt une situation de blocage. Plein d’associations font remonter en cette période de crise sanitaire des phénomènes de fragilisation des personnes LGBTI+. Alors, clairement, la bisexualité et la pansexualité, des thématiques un peu minoritaires, peu visibles, passent d’autant plus à l’as… Nous avons aussi eu des difficultés à rebondir depuis quelques mois, y compris pour activer la finalisation et la parution du rapport de l’enquête biphobie et panphobie, qu’on a initiée à 5 associations.

On observe un grand nombre de coming out bi de personnalités à travers le monde récemment (Auli’i Cravalho, Lili Reinhart, Tinashe, Andrew Gillum…), mais peu dans notre pays. Pourquoi si peu de personnes bi sont visibles en France ?

On a détecté de longue date ce décalage de connaissance ou de perception. Dans la première enquête sur la bisexualité, dont les données ont été recueillies en 2012, les personnes les plus citées ont été des vedettes états-uniennes, deux à six fois plus que le premier chanteur français le plus mentionné… C’est réellement un problème d’affirmation.

« On doit respecter la vie privée, d’accord. Mais aussi, et d’abord, respecter le droit de s’identifier comme on le veut, sans susciter des commentaires à n’en plus finir, sans que des familles se sentent trahies, sans rejet des autres ! »

La bisexualité dérange un schéma très normatif en France, qu’il provienne de l’esprit religieux, cartésien ou « républicain triomphant ». Notre cofondatrice Catherine Deschamps le disait dans son livre Le miroir bisexuel : « la bisexualité, davantage qu’une identité elle-même, est une formidable fouteuse de merde, une délatrice de l’invisible ». Comme la transidentité, ou la non binarité de genre, qui choquent encore tant de personnes dans notre pays.

On doit respecter la vie privée, d’accord. Mais aussi, et d’abord, respecter le droit de s’identifier comme on le veut, sans susciter des commentaires à n’en plus finir, sans que des familles se sentent trahies, sans rejet des autres ! Rejets qui parfois proviennent de personnes gays ou lesbiennnes…

Que faire pour améliorer la visibilité bi  ?

Bi’Cause milite pour la visibilité bi et pan ; précisément, d’une part pour une bisexualité non binaire où l’attirance éprouvée ne se cantonne pas forcément aux femmes et aux hommes ; et d’autre part, pour une pansexualité définie comme une affinité envers la personne, sans considération du genre de celle-ci. Donc nous mettons en avant à égale importance le drapeau bi et le drapeau pan.

Nous voulons développer l’implication sur ces thématiques du mouvement organisé, principalement lesbien et gay. Et ça marche : sur certains événements, si des associations non centrées sur la bisexualité, si des personnes non bi n’avaient pas été là, le résultat aurait été catastrophique ; parfois même, ce sont elles qui suggèrent, qui incitent, qui nous aiguillonnent…

Je parlais du rapport d’enquête biphobie panphobie : il faut qu’on le finalise, qu’on le publie, cela nous sera très utile pour aller voir les institutions, les partenaires, les centres LGBTQI+ en région, etc.

Dans l’immédiat, nous avons décidé de faire contre mauvais virus, bon moral, et d’organiser ce 23 septembre un rassemblement à Paris ; 18 associations y appellent, et d’autres encore relaient l’événement, alors nous sommes persuadé.e.s que le résultat sera là !

En fait, l’important est aussi la société qu’on contribue à construire pour les jeunes générations. La visibilité bi et pan, celle qu’on peut mettre en avant, est indispensable à bon nombre de jeunes pour leur montrer le champ des possibles, et il en est de même pour les associations qui permettent l’expression des transidentités et l’avancée des droits de ces personnes.

En réalité, nos convictions sont proches, et nos combats sont liés !