SEXUALITE« On a vu émerger toute une population cachée adepte du chemsex »

Lyon : « On a vu émerger toute une population cachée » adepte du chemsex, révèle une étude pilotée par les HCL

SEXUALITEUne étude, pilotée à Lyon, révèle que cette pratique, autrefois répandue dans la communauté gay, se diffuse désormais dans tous les milieux. Et touche aussi les femmes
Drogues: Le phénomène du chemsex se diffuse en France
Caroline Girardon

Caroline Girardon

«Au départ, les patients viennent pour des problématiques bien identifiées, une addiction à l’alcool ou à la drogue. Mais lorsque l’on creuse, on découvre autre chose ». Cet « autre chose », c’est la pratique du « chemsex », le « chemical sex », autrement dit le fait d’avoir des relations sexuelles sous l’emprise de stupéfiants. Cette pratique, venue du Royaume-Uni, est en plein essor en France depuis le début des années 2010. Dans son cabinet, Yann Botrel, hypnothérapeute addictologue à Saint-Genis-Laval (près de Lyon), le constate quotidiennement. Ce qui l’inquiète grandement.

« La prise de psychotropes ou drogues de synthèse permet d’être totalement désinhibé, d’intensifier et de prolonger les rapports. On ne ressent plus la fatigue, on a un sentiment de toute-puissance. On se lance dans un marathon du sexe », développe-t-il. Les sensations et la durée de l’acte peuvent être multipliées par trois. « Le chemsex a rapidement un pouvoir très addictif. Certains ne vivent plus que pour cela », poursuit Yann Botrel. Seulement, il se révèle « très dangereux », prévient-il. Les risques sont multiples.

Un nombre de morts « sous-estimés »

« Cela procure une addiction en général qui devient habituelle et qui échappe à la sexualité », précise Philippe Lak, médecin à l’hôpital de la Croix-Rousse de Lyon. L’homme a supervisé Sea, sex and Chems, la première étude sur le sujet, fruit de la thèse en médecine de Dorian Cessa, l’un de ses anciens internes. « Il y a également un risque cardiovasculaire et un risque psychiatrique, engendré par l’absorption de produits. On peut avoir des sensations quasiment délirantes. Cela peut atteindre les circuits neurologiques et provoquer de graves dépressions », continue d’énumérer le spécialiste. Sans oublier les transmissions de maladies, le risque de coma provoqué par le mélange d’alcool et de drogues. Et parfois, la mort au bout.

En 2018, une vingtaine de décès ont été imputés au chemsex dans la région lyonnaise. Des chiffres « que l’on sait sous-estimés », indique Yann Botrel, précisant que cette pratique touche désormais tous les milieux. « De plus en plus de jeunes se laissent embarquer. Avant, cette pratique touchait essentiellement la communauté gay et des hommes âgés de 35-45 ans. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », observe-t-il.

« Cela concerne aussi les femmes »

Ce que confirme Philippe Lak : « Avec l’apparition des réseaux sociaux, cela s’est démocratisé. Cette pratique se diffuse de plus en plus, l’étude le montre bien. On a vu émerger toute une population cachée. » Sur les 2.767 personnes ayant répondu à l’étude, 1.196 ont déclaré avoir déjà pratiqué le chemsex, dont 43 % une fois par mois et 13 % chaque semaine. 13 % des répondants ont indiqué être hétérosexuels. Mais ce n’est pas le seul enseignement. « Cela concerne aussi les femmes. 27 % d’entre elles sont pratiquantes, dont 44 % d’hétérosexuelles et 28 % de bisexuelles », développe le médecin. Dans son service, environ 70 patients sont pris en charge pour des problèmes de chemsex, chaque année depuis trois ans.

« Le problème est que la plupart des pratiquants n’en ont pas conscience. Pour eux, c’est simplement un moyen de perdre le contrôle. Ils expliquent leur dépendance aux produits dans un contexte de sexualité mais ils ne mesurent pas réellement la profondeur de leur addiction », poursuit Philippe Lak soulignant qu' « il n’est jamais trop tard pour consulter ».

Aujourd’hui, Yann Botrel alerte sur la nécessite que les « pouvoirs publics prennent les choses en main ». « Beaucoup de médecins font très bien les choses mais il y a une urgence à sensibiliser la population à grande échelle et développer massivement les mesures de prévention », conclut-il.

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