[PREMIUM] Quelque part entre "Week-end" et "Seule La Terre", "Entre Les Roseaux" raconte l'histoire d'amour entre deux hommes dans la campagne finlandaise. TÊTU a discuté avec ses deux acteurs principaux, Boodi Kabbani et Janne Puustinen, que l'on a d'ores et déjà hâte de revoir sur grand écran.
C'est l'un de nos films préférés de 2019. « Entre Les Roseaux » sort le 20 mars. Cette romance LGBT finlandaise, réalisée par Mikko Mäkelä, raconte la naissance de l’histoire d’amour entre deux hommes : Leevi (Janne Puustinen), un Finlandais vivant à Paris, et Tareq (Boodi Kabbani), un Syrien vivant en Finlande. Leevi rend visite à son père, qui rénove leur maison de vacances située au bord d'un lac finlandais. Ce dernier embauche un ouvrier immigré syrien, Tareq, pour l'aider. Les trois hommes vont travailler ensemble à retaper la résidence secondaire.
"Entre Les Roseaux" est le premier film de son réalisateur, mais aussi des deux acteurs principaux. Le trio accouche pourtant d'une petite merveille (notée 100% sur Rotten Tomatoes), dont l'ambiance tendre et contemplative rappelle à la fois « Week-End » et « Seule La Terre ». TÊTU se devait donc de discuter avec les deux comédiens, dont le regard froid de l'un et la voix rieuse de l'autre ne peuvent laisser indifférent.
Ce contenu n'est pas visible à cause du paramétrage de vos cookies.
A LIRE AUSSI : Six films et documentaires que l’on ira voir en mars
Des vécus qui se font écho
Pour leur premier grand rôle au cinéma, les deux hommes incarnent de personnages très proches de leur propre vie. "Je partage la passion de Leevi pour la littérature", observe Janne Puustinen, que l'on avait entraperçu dans "Tom of Finland". "Mon personnage et moi avons fait les mêmes études. Contrairement à lui, je n’ai pas vécu à Paris, mais comme lui j’adore cette ville et la langue française. Leevi me fait penser à moi plus jeune, dans sa manière de voir le monde. Et peut-être dans sa naïveté."
"J’y ai mis beaucoup de mon histoire personnelle."
Même constat pour Boodi Kabbani : "Tareq et moi venons du même pays, de la même ville, nous sommes tous les deux gays et nous avons tous les deux déménagé en Finlande, énumère-t-il au sujet de son personnage. Le comédien n'avait qu'une seule pièce de théâtre à son compteur lorsqu'un ami lui a envoyé l'annonce postée sur Facebook pour les auditions du film. Les dialogues étaient en grande partie improvisés. J’y ai mis beaucoup de mon histoire personnelle."
Partir, une étape obligatoire pour les jeunes LGBT ?
Le réalisateur met en parallèle "les exils" des deux personnages. L'un de la Syrie vers la Finlande, l'autre de la campagne vers Paris. "Tareq et Leevi ont en commun d'être partis vers un ailleurs où ils espéraient vivre mieux et être plus libres, analyse Boodi Kabbani. C'est quelque chose dont j'ai fait l'expérience en quittant Damas pour la Finlande."
Il nous a confié s'être tout de même constitué "une communauté d'amis queer" lorsqu'il vivait en Syrie. "Il y a beaucoup de personnes gays là-bas, mais tout est underground. Les rencontres, les soirées... Tout est caché."
L'acteur au regard tendre aimerait tourner avec Félix Maritaud, qu'il a croisé à Cannes en 2017. C'est également un grand admirateur du jeu d'Elisabeth Moss ("The Handmaid's Tale").
https://www.instagram.com/p/Bn--te1n4Ig/
Dans un contexte très différent, le personnage de Leevi quitte la campagne finlandaise pour la capitale française. Ce parallélisme entre les deux "exils" rappelle le départ pour Paris que raconte Didier Eribon dans "Retour à Reims". Comme si la fuite de l'endroit où l'on a grandi était une étape obligatoire pour s'assumer pleinement.
"Ne plus avoir à me cacher a été une libération."
Le réalisateur pointe-t-il avec "Entre Les Roseaux" l'existence d'un "exil gay" ? "Ce phénomène n'est pas universel. Mais beaucoup d'homosexuels ressentent ce besoin de partir, estime Janne Puustinen. J’ai déménagé à Helsinki pour faire carrière. Je n’ai réalisé que plus tard à quel point ce départ m’a permis d’être moi-même. Ne plus avoir à me cacher a été une libération."
https://www.instagram.com/p/BpHeJRynA_w/
Des scènes de sexe marquantes
Ces deux personnages en fuite vers la liberté vont trouver dans la cabane qu'ils rénovent un havre de tendresse mutuelle. Une relation qui se concrétise à l'écran par des scènes de sexe, longues et sans fausse pudeur. Des passages dont on s'est demandé s'ils était vraiment simulés, tant ils sont réalistes. Les acteurs, novices en la matière, s'accordent comme un seul homme : "C'était plus facile à tourner que ce que nous avions imaginé". Ils nous ont également confirmé qu'il ne s'agit, bel et bien, que de cinéma.
"J'aime beaucoup ce que Mikko a fait de ces moments de tournage, complète Boodi Kabbani. Ces scènes n'étaient pas chorégraphiées, c'est la caméra qui nous suivait dans nos improvisations. Surtout, les scènes de sexe ne sont pas gratuites : elles servent le récit. Je les vois comme un prolongement des dialogues, par le langage corporel."
"Nous nous sommes chacun évidemment inspirés de nos expériences personnelles", explique quant à lui Janne Puustinen sur l'improvisation des scènes de sexe.
Rôles gays = acteurs gays ?
Car les deux acteurs sont eux-mêmes gays. Une volonté du réalisateur que Janne Puustinen a découvert après le tournage. "Lors de questions du public, à la fin d’une avant-première, Mikko a dit qu'il avait volontairement choisi des acteurs gays pour jouer les rôles gays, explique le comédien, qui rêve de tourner pour les Français Olivier Ducastel et Jacques Martineau depuis qu'il a vu « Théo & Hugo dans le même bateau ». Il ne m’a pourtant jamais demandé si j'étais gay !" (rires).
Même absence de question auprès de Boodi Kabbani. "Mais c'est parce que mon homosexualité est criante !", s'amuse-t-il à son tour.
"Nous devons pouvoir raconter nos histoires nous-mêmes."
La question des acteurs gays pour jouer des personnages homosexuels importe de toute façon peu à celui qui incarne Leevi. "Quand tu joues, ton personnage est toujours plus que son orientation sexuelle. Elle ne représente qu'une partie des nombreuses facettes que tu dois 'inventer'".
L'avis de son camarade de jeu diffère. "Les acteurs, hétéros ou gays, peuvent tout jouer, commente celui qui donne vie à Tareq. "Sauf que, d'un point de vue politique, la représentation importe mais ne suffit plus. La participation des personnes queer aux oeuvres grand public est désormais nécessaire. Nous devons pouvoir raconter nos histoires nous-mêmes." Un point de vue qu'il mettra d'ailleurs bientôt en pratique : Boodi Kabbani travaille en ce moment à la rédaction d'un scénario de film qui racontera une histoire d'amour entre deux hommes.
"Entre Les Roseaux" (Outplay Distribution), réalisé par Mikko Mäkelä, sort en salles le 20 mars 2018.
Crédit photo : Outplay.
