Tatouages, piercings, implants : les modifications corporelles, des pratiques queer ?

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Il n’est pas rare de croiser, en manif ou en soirée LGBT+, bien de nos adelphes avec toute une collection de tatouages et de piercings. Bien plus, semble-t-il parfois, qu’en milieu hétéro. Est-ce une simple impression face à notre propre fabulosité ? Komitid s’est penché sur la question.

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Tatouages, piercings, implants : les modifications corporelles sont-elles des pratiques queer ? - Frankie Cordoba / Unsplash
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Edit : Notre titre était initiallement « Tatouages, piercings, implants : les modifications corporelles sont-elles queer par essence ? », ce qui pouvait prêter à confusion et n'a pas manqué de faire régir. Or, l'article ne traite pas des origines géographiques et culturelles des modifications corporelles, mais de leur usage chez les personnes LGBTQI. De plus, l'article aborde la question du privilège blanc vis-à-vis de la visibilité ainsi que la problématique de l'accessibilité financière de ces pratiques. Nous avons donc modifié le titre afin qu'il reflète mieux le contenu de ce décryptage. Bonne lecture !

 

Coupes extravagantes et couleurs de cheveux licornesques, piercings, tatouages, implants, scarifications... Les personnes LGBT+ n'ont jamais manqué de panache stylistique et un tour d'horizon dans un rassemblement militant, un bar gay ou un évènement en non-mixité aura vite fait de nous confirmer cette impression. Autre ressenti : nous avons l'air sensiblement plus tatoué.e.s, piercé.e.s, que nos ami.e.s les hétéros. Plusieurs sondages, réalisés le plus souvent par des plateformes communautaires, comme le site lesbien américain Autostraddle, confirment et nuancent cette observation.

La démarche de modifier son enveloppe corporelle serait-elle queer par essence ? « Oui et non », d'après Veronica Carol Blades, militante trans et body positive polonaise, pierceuse au salon Extreme Needle à Londres qui a accepté de nous répondre en appel vidéo entre deux client.e.s. « Pour moi, être queer, être out, c'est tout simplement la liberté de pouvoir dire merde à tous ceux qui voudraient nier le droit de vivre, et c'est pareil pour les modifications corporelles, en tant que forme d'expression », poursuit celle qui compte plus de 62 000 followers sur Instagram, sous le pseudonyme de Miss X Ronix.

« Je pense que les modifications corporelles sont toujours plus ou moins liées à l’identité », affirme en revanche Dwam, tattoo artiste et photographe queer non-binaire basé.e à Nantes. « Quand j'ai commencé à me faire tatouer, ce qui était socialement accepté pour une personne assignée femme à la naissance était encore très très limité et pesant, donc faire des gros tattoos visibles, c'était pour moi une façon d'aller contre ces stéréotypes », poursuit-iel. « Je ne rentrais déjà pas beaucoup dans le moule, de part mon identité, mon militantisme et mon caractère, et je savais qu'avec ces marques visibles, je me fermais la porte de beaucoup de jobs. C'était aussi voulu. » 

« Me faire tatouer ou me tatouer moi même est, entre autres, une manière de réclamer mon droit à objectifier mon corps. »

Pour Rami, alias Chupocabrx, tatoueur auto-formé résidant à Marseille, les modifications corporelles ont aussi permis un nouveau départ. « Ayant été exposé à des doctrines ultra-toxiques par le biais d’une éducation dans un pays qui venait à peine de sortir d’une dictature fasciste, mes expériences non-hétéros ont commencé sur le tard », raconte-t-il. « Me faire tatouer ou me tatouer moi-même est, entre autres, une manière de réclamer mon droit à objectifier mon corps. Ça me rappelle que je n'ai pas à demander la permission à un autre que moi pour faire ce que je veux avec lui. »

Un exemple du travail de chupocabrxs - chupocabrxs / Instagram

Un exemple du travail de Chupocabrxs - chupocabrxs / Instagram

Une « violence » pour faire la paix avec son corps

« Je pense que rétrospectivement, oui, mes modifications corporelles ont un lien avec mon identité queer », confie à son tour Mylooz, tatoueuse genderfluid bisexuelle. « Cette démarche de modification de mon apparence m’a permis de m’approprier un corps en dissonance avec mon ressenti profond de moi-même », poursuit celle qui a monté le salon The Tattooed Lady à Montreuil. « Ça a sans doute pu paraître mutilant vu de l’extérieur, mais ces modifications m’ont permis de prendre le contrôle et de m’affirmer en tant qu’individu unique, à part entière »

Pour sa collègue Mademoiselle Hirondelle, à voile et à vapeur elle aussi, le besoin de marquer sa différence physiquement était aussi lié à sa neuroatypie. « Adulte, j'ai appris que j'avais un fonctionnement mental différent », raconte-t-elle. « Ça m'a permis de réaliser que j'avais longtemps souhaité avoir un handicap qui soit visible plutôt que cette vague étrangeté non identifiée qui me faisait souffrir. Je pense que l’une des raisons qui font qu'on se fait tatouer de manière visible peut provenir de ce besoin là ».

Un exemple du travail de Mademoiselle Hirondelle - mademoiselle_hirondelle / Instagram

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