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témoignages"Quand je sens qu'un mec arrive à dépasser mon handicap, ça me rend heureux"

Par Antoine Patinet le 27/09/2019
handicap

Thomas a 28 ans. Il est gay, et atteint d'infirmité motrice cérébrale. Mais il tient à faire savoir que cela ne l'empêche pas de vivre... ni d'aimer.

Mercredi matin. Nous recevons un message sur le compte Facebook de TÊTU.  "Je suis le protagoniste gay de ce documentaire. N'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions." En lien, la bande-annonce de "Laisser moi aimer", un film sensible diffusé sur Arte, et visible en replay sur le site de la chaîne, où des personnes en situation de handicap apprennent à aimer leur corps à travers la danse contemporaine. Et par la même occasion, s'ouvrent à leur propre désir, et au désir de l'autre.

Dans le film, il y a Thomas. Il a 28 ans, vit a Toulon, et a rejoint la compagnie 6è Sens il y a 23 ans déjà. Il est infirme moteur cérébral. "C'est un problème entre mon cerveau et mes muscles, nous explique-t-il. Mes muscles ne répondent pas correctement aux ordres qui sont envoyés là haut. Mais la danse m'a aidé à me sentir bien dans mon corps et dans ma tête. Elle m'a montré que le corps d'une personne handicapée aussi pouvait être regardé pour sa grâce et sa beauté. Ça m'a permis d'aller davantage vers les autres."  Pourtant, accepter ce corps n'était pas gagné. "Quand j'étais petit, je voulais cacher le plus possible mon corps mince, raconte Thomas. Maintenant, je le trouve potable."

Une belle rencontre

Dans le documentaire, on le voit balader son charme et son sourire communicatif dans son fauteuil roulant, boire des verres en terrasse avec des copines à qui il raconte sa vie sentimentale, et on rencontre Maxime, son petit ami. Ils sont restés ensemble deux ans. Et puis il est parti. "Il a fait des choix de vie qui ne pouvaient pas coller avec les miens. Il était plus jeune que moi, avait besoin de découvrir la vie, de voyager. Et moi je suis un peu limité par mon corps." Cette rupture, on y assiste presque en direct. "Je ne peux pas le satisfaire parce que je suis handicapé", dit-il à son aide à domicile. "Mon handicap est à 80% la raison de la rupture, confie-t-il à TÊTU. Je me suis pris une réelle claque dans la gueule. " 

Alors, comme on le fait tous après une rupture, il s'est remis en selle. Il a repris le chemin des applis, rencontre des mecs pour un verre, et plus si affinités. "Je m'amuse", résume-t-il mais il avoue quand même espérer "faire une belle rencontre". "J'angoisse parfois sur l'honnêteté des mecs. Une fois un type m'a volé". Parfois aussi, ses rencards ne savent pas vraiment comment se comporter avec lui, à cause de son handicap, mais quand ils le traitent juste normalement, ça change tout. "Mon moment préféré, c'est quand je vois qu'il arrive à dépasser mon handicap. Qu'il s'intéresse à moi, qu'il me pose des questions, qu'il engage un contact physique... Ça me rend heureux."

Thomas : "Quand je sens qu'un mec arrive à dépasser mon handicap, ça me rend heureux"
Crédit photo : Laissez Moi Aimer / Arte / Troisième Oeil

Des lieux pas vraiment accueillants

Le principal problème, c'est la communication. Son handicap lui pose quelques difficultés pour s'exprimer. "Le plus dur, c'est de me faire comprendre" confie-t-il. C'est pour ça que pour draguer, il préfère les applications. "Cela me permet de me montrer tel que je suis. Sans le problème de communication. Et sans mon fauteuil" (rires). Cela dit, il aimerait bien de temps en temps fréquenter les bars et les clubs gays de Toulon, mais difficile quand ceux-ci n'ont pas de rampe d'accès pour les personnes handicapées, ou d'équipements dédiés. Il hésite : "les lieux de convivialités gays ne sont pas vraiment accueillants..."

Parfois il a l'impression de souffrir de discrimination dans la communauté gay parce qu'il est handicapé. "Le problème aussi, c'est que beaucoup de gays s'arrêtent à la première apparence".  Mais en revanche, quand on lui parle de double discrimination, il tique. "C'est pas écrit sur ma tête que je suis gay, mais je m'en fiche complètement de l'avis des homophobes. Je suis heureux comme je suis. Evidemment, certains propos peuvent me faire mal, mais mon entourage l'accepte. C'est ce qui est le plus important pour moi."

 Son coming-out s'est passé sans heurts particulier. "Mes parents l'ont découvert en me grillant sur MSN, et avec ma famille, j'ai attendu d'être en couple pour le faire. Mais grâce à la danse, ça n'a jamais été un gros problème pour moi". Aujourd'hui, il veut faire tomber les clichés "Ma vie est la même que tout le monde : je travaille cinq jour par semaine pour la compagnie, je suis chargé de communication, je m'assure que tout se passe bien. Et je m'entraîne à la danse quatre heures par semaine." A cette vie déjà bien remplie ne manque plus désormais pour Thomas de trouver l'amour. Mais là dessus, on a vraiment aucun doute.

Crédit photo : Véronique Mas Photographie