L’affaire a fait sourire El País. « C’est une de ces polémiques qu’on ne peut voir qu’en France, mêlant clans irréconciliables, tribunes dans les médias et échanges injurieux », s’amuse le quotidien espagnol le 24 septembre dernier. Alors que le monde traverse une crise sanitaire historique, les Français s’écharpent depuis la rentrée autour de l’éventuelle panthéonisation de deux des plus grands poètes du pays, Arthur Rimbaud (1854-1891) et Paul Verlaine (1844-1896).
Pour être précis, pardon pour Verlaine, c’est surtout sur le cas de l’auteur du Bateau ivre que les esprits s’échauffent. Il y a ceux qui se réjouissent de le voir élevé au rang de grand homme. Et ceux qui s’insurgent contre l’institutionnalisation du rebelle qui a écrit l’essentiel de son œuvre avant 20 ans. Au cœur de cette querelle, selon Frédéric Martel, l’initiateur de la pétition appelant à faire entrer le duo au Panthéon, l’homosexualité dans la vie et l’œuvre du natif de Charleville-Mézières : « Mon intention était de faire émerger cette homophobie que je savais latente chez les rimbaldiens, soutient le journaliste et essayiste. C’est une nouvelle page des études rimbaldiennes qui s’ouvre. »
Au sein des anti-Panthéon, on se défend de nier l’homosexualité de l’auteur, tout en expliquant qu’on ne peut pas réduire le personnage à un porte-drapeau de la cause gay. « En l’état actuel de la recherche rimbaldienne, il est impossible d’affirmer que Rimbaud fut homosexuel toute sa vie », contestent-ils dans une tribune publiée dans Le Monde le 17 septembre. Une réponse qui présage de débats tendus…
Très long carnet d’adresses
Frédéric Martel a l’habitude : en 2019, son livre Sodoma, enquête autour du Vatican, sur l’homosexualité au sein de l’Eglise catholique, avait fait polémique dans de nombreux pays. Pour son nouveau combat, il a convoqué son – très long – carnet d’adresses, et rassemblé une ribambelle de personnalités : aux côtés de l’actuelle comme de tous les anciens ministres de la culture depuis Jack Lang, on trouve les écrivains Annie Ernaux, Alaa Al-Aswany, Daniel Mendelsohn, le metteur en scène et dramaturge Olivier Py, le psychiatre Boris Cyrulnik, le producteur Dominique Besnehard, l’avocat William Bourdon ou des hommes politiques comme Bertrand Delanoë ou Xavier Darcos.
La plupart d’entre eux n’étaient pas particulièrement connus jusque-là pour leur passion pour Rimbaud, contrairement à Frédéric Martel. S’il n’a jamais écrit de livre sur le poète, l’essayiste est l’auteur d’une imposante préface de 70 pages (pour la réédition de la biographie de Jean-Jacques Lefrère, Arthur Rimbaud, en 2020 aux éditions Robert Laffont), intitulée : « Pourquoi nous sommes rimbaldiens ».
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