Contribuer à l’avancée des droits de la communauté LGBT, longtemps stigmatisée, au risque de renforcer politiquement le régime de Miguel Diaz-Canel, responsable de l’emprisonnement d’un millier de personnes après les manifestations contre les pénuries et le manque de liberté de juillet 2021. C’est le dilemme auquel sont confrontés de nombreux Cubains à la veille du référendum sur le code de la famille.
Plus de huit millions de personnes sont invitées à se prononcer, dimanche 25 septembre. Le texte, qui vise à remplacer le code de la famille, datant de 1975, légalise le mariage entre personnes du même sexe, l’adoption pour les couples homosexuels ou encore la « gestation solidaire », pour autrui. Initialement prévu pour être inclus dans la réforme de la Constitution votée début 2019, il en a été extrait du fait de la controverse qu’il soulevait. Vingt-quatre versions ont été rédigées avant que la dernière ne soit approuvée en juillet par l’Assemblée. Sa validation définitive dépend du résultat du référendum. Or, l’issue du vote est d’autant plus incertaine qu’à l’opposition de l’Eglise et des milieux conservateurs s’ajoute celle de nombreux dissidents progressistes.
« Abstention réfléchie »
« Je n’irai pas voter : je ferai une abstention réfléchie, tranche l’opposant social-démocrate Manuel Cuesta Morua, joint par téléphone. Je défends depuis longtemps les droits des minorités, y compris LGBT, mais voter pour ce référendum, alors que les droits civils de l’ensemble de la population sont bafoués, serait non seulement une manière de rafraîchir l’image démocratique d’un régime qui dans les faits ne l’est pas, mais aussi l’aider à asseoir une légitimité politique qu’il n’a pas. »
Dans les différents milieux de l’opposition au régime cubain, le débat est vif. « Nous ne votons pas oui avec le PCC [Parti communiste cubain]. C’est le PCC qui vote oui avec nous », résume sur Twitter Maykel Gonzalez Vivero, journaliste et directeur de la revue en ligne Tremenda Nota, consacrée à la communauté LGBT. Ses nombreux passages en prison ces dernières années, pour avoir informé des troubles sociaux à La Havane, ne l’empêcheront pas de participer au référendum.
A l’inverse, la journaliste indépendante et militante LGBT Maria Matienzo, elle, a décidé de s’abstenir, arguant que « certains droits civiques ne sont pas plus importants que d’autres : ce n’est pas parce qu’on m’autorise à me marier que j’aurai des droits de citoyenne ». Comme de nombreux autres militants LGBT, elle a en outre regretté que le gouvernement ne demande pas « pardon » pour la persécution dont ont été victimes les homosexuels entre 1965 et 1968, lorsqu’ils furent envoyés dans des camps de travail forcé, les unités militaires d’aide à la production (UMAP).
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