Euro 2021

Allemagne-Hongrie : outre-Rhin, les couleurs arc-en-ciel hissées haut contre Orbán

Euro de football 2020 (en 2021)dossier
Le pays entier a affiché ce mercredi sa solidarité après la décision de l’UEFA d’interdire au stade de Munich de s’illuminer aux couleurs de la solidarité à la communauté LGBTQI+ pour protester contre les lois homophobes hongroises à l’occasion du match Allemagne-Hongrie, qui s’est soldé par un match nul 2-2.
par Christophe Bourdoiseau, correspondant à Berlin
publié le 23 juin 2021 à 22h56

Un air de fête règne en Allemagne. Ce mercredi soir, les drapeaux arc-en-ciel flottent partout dans le pays, dans les rues, sur les mairies, les opéras, les églises… mais aussi dans le stade de Munich, où l’UEFA avait interdit les couleurs arc-en-ciel pour des raisons de «neutralité politique».

En réaction à cette décision qui a déclenché une levée de boucliers en Allemagne, plus de 10 000 fanions arc-en-ciel avaient été distribués gratuitement à l’entrée du stade pour dénoncer les lois homophobes votées par le Parlement hongrois. «Il est important de séparer le sport de la politique. Mais là, Orbán a dépassé la ligne rouge», explique un fan devant le stade, fanion à la main.

«Même les conservateurs nous soutiennent»

Les Allemands avaient décidé de troquer, par solidarité, les couleurs nationales pour les couleurs arc-en-ciel en signe de soutien avec la communauté LGBTQI +. Une mobilisation exceptionnelle qui a montré à quel point les mentalités ont évolué en Allemagne. «La situation a complètement changé ces dernières années. Nous avons été surpris par l’ampleur des soutiens. Même les conservateurs nous soutiennent», constate le porte-parole de la Pride (le Christopher Street Day en Allemagne) en Bavière, une région ultracatholique.

La mairie de Munich avait hissé, dès mercredi matin à 10 heures, six drapeaux arc-en-ciel de 16 mètres de longueur sur la façade devant lesquels ont défilé toute la journée des passants arborant ces mêmes couleurs sur leurs vêtements, leurs sacs à main, leurs parapluies ou leurs sacoches de vélo. Les écrans publicitaires numériques du métro munichois étaient illuminés aux couleurs bannies par l’UEFA… Impossible d’entrer ou de sortir de la gare centrale sans passer sous le grand drapeau arc-en-ciel.

Dans le grand stade de Munich, dont l’enceinte est restée grise en conformité avec les instructions de l’UEFA, juste avant le coup d’envoi du match Allemagne-Hongrie un jeune homme a jailli sur la pelouse, derrière les deux équipes, alors que l’hymne magyar retentissait. Il brandissait un grand drapeau arc-en-ciel, mais a été rapidement plaqué au sol par les services de sécurité et expulsé du terrain. Le match s’est achevé sur le score de 2-2, permettant à la Mannschaft de se qualifier pour les huitièmes de finale.

Hypocrisie des grands groupes

Augsbourg, Berlin, Wolfsburg, Francfort ou Cologne avaient éclairé leurs stades aux couleurs de l’arc-en-ciel pendant la rencontre à Munich. Les pompiers, les organisateurs de foire, le musée juif de Munich… Tout le monde affichait sa solidarité. Même la police a mis provisoirement son compte Twitter aux couleurs de la communauté LGBTQI +. «Nous sommes pour la solidarité, la tolérance et l’acceptation. Pas seulement aujourd’hui», a tweeté la police de Munich.

La compagnie ferroviaire (Deutsche Bahn) a également présenté une locomotive aux couleurs arc-en-ciel. Quant aux autres grandes entreprises (BMW, Volkswagen, Siemens, Telekom, etc.), pour un soir, elles s’étaient mises au diapason sur Twitter.

Un élan de solidarité quelque peu hypocrite, regrettaient les commentateurs, de la part des grands groupes qui réalisent une opération de communication à bas prix tout en préservant leurs intérêts dans d’autres régions du monde qui condamnent l’homosexualité. BMW n’a pas changé son logo pour sa page au Moyen-Orient, faisaient remarquer les internautes.

«Chère UEFA, je n’attendais pas beaucoup de vous. Mais vous êtes encore plus ridicules que je ne le pensais», a lâché le secrétaire général du Parti social-démocrate, Lars Klingbeil, résumant le climat général. La majorité des Allemands (55 %) ont condamné l’interdiction de l’institution européenne de foot, selon un sondage de l’institut YouGov (contre 24 % qui l’approuvent). L’Allemagne est l’un des pays les plus tolérants et engagé depuis des années dans la défense des droits LGBT.

Orbán annule sa venue à Munich

Angela Merkel a répété ce mercredi à l’Assemblée, lors des questions au gouvernement, que les lois hongroises «n’étaient pas bonnes», en réponse aux interrogations du parti d’extrême droite AfD, la seule formation politique qui adopte une attitude pro-Orbán en Allemagne. La semaine dernière, un cadre de l’AfD avait insulté le gardien de l’équipe allemande, Manuel Neuer. Il porte un brassard arc-en-ciel en signe de solidarité, qui a été «toléré» par l’UEFA. «C’est un brassard de pédé», a commenté Uwe Junge, avant de s’excuser sous la pression de sa présidente, Alice Weidel… lesbienne déclarée.

Pas étonnant que Viktor Orbán ait annulé sa venue à Munich pour le match mercredi et que les hooligans hongrois se soient sentis en minorité face à une mobilisation exceptionnelle de la société allemande. Le groupe d’extrême droite paramilitaire hongrois, nommé «Brigade des Carpates», avait annoncé sur sa page Facebook l’arrivée de «milliers» de militants à Munich. Ils n’étaient que 200. La police munichoise avait répondu qu’elle poursuivrait et sanctionnerait la moindre insulte homophobe.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus