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Les universités françaises incitées à reconnaître le changement de nom des étudiants transgenres

Le gouvernement demande aux établissements d’enseignement supérieur de faciliter la prise en compte de ces changements d’identité.

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Publié le 02 avril 2019 à 10h29, modifié le 12 octobre 2021 à 14h02

Temps de Lecture 4 min.

A l’université de Lille, les étudiants transgenres peuvent s’inscrire avec leur prénom d’usage depuis mars 2018.

Jules, étudiant de 21 ans à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, a fait son coming out transgenre il y a un an. Régulièrement, cet étudiant en licence d’économie et de sociologie doit s’expliquer auprès des professeurs, qui le connaissaient auparavant par son prénom féminin noté à l’état civil. « Si la plupart des profs ont bien réagi, certains continuent de se tromper. »

Pour éviter toute question sur son identité posée devant un amphithéâtre bondé, Jules s’astreint, avant chaque examen, à informer le chargé de l’appel de sa situation. Entre les cours, il traverse tout le bâtiment pour trouver les uniques toilettes « un peu délabrées », qui n’indique ni « homme » ni « femme » sur la porte, et où il ne sera pas dévisagé par ses camarades. Jules étudie dans l’une des rares universités françaises – comme Rennes-II, Paris-VIII ou Lille – où le changement de nom est accepté par les services administratifs. Ainsi, il a pu demander l’inscription de son prénom d’usage sur sa carte étudiante. A la rentrée, cette possibilité devrait être étendue à l’ensemble des établissements.

La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a annoncé, vendredi 29 mars, qu’elle adresserait « un courrier à l’ensemble des chefs d’établissement de l’enseignement supérieur », également signé par la Conférence des présidents d’université (CPU), pour les inciter à faciliter ces changements de prénoms. La reconnaissance du prénom d’usage « sera possible dès la rentrée 2019 dans les logiciels Apogée et SVE/Scolarix » qui gèrent les inscriptions, annonce le site du ministère.

« Je veux faire en sorte que l’utilisation du prénom d’usage devienne un droit dans l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur. Il faut que chaque personne puisse utiliser le prénom qu’elle souhaite sur les listes d’appel et d’examen, ainsi que sur les cartes étudiantes », a déclaré la ministre dans un entretien au magazine Têtu. « On sent une forte attente des étudiants sur la question, observe Gilles Roussel, président de la CPU. Il s’agit aujourd’hui de s’appuyer sur les initiatives locales, de montrer que la mise en place est possible sans problème grâce aux évolutions des logiciels, dont la rigidité freinait ces avancées. »

« C’est essentiel pour que les étudiants trans puissent se sentir en sécurité à l’université, assure Jules. J’ai commencé mon traitement hormonal, et je passe désormais physiquement pour un homme. Présenter des papiers avec un prénom qui ne correspond pas à mon apparence sociale peut me mettre en danger si je suis face à des personnes transphobes. » Nadège, 23 ans, qui a quitté sa licence d’histoire il y a un an, a souffert de ce problème. Elle était femme, avec un prénom d’homme sur ses papiers. « Cela m’affichait clairement comme transgenre, et un groupe d’étudiants a passé l’année à se moquer de moi », se souvient-elle.

Si les universités sont invitées à plus de flexibilité, Jules, engagé au sein de l’Union national des étudiants de France (UNEF), regrette qu’aucune mesure véritablement coercitive pour les établissements n’ait été annoncée. Le syndicat étudiant revendique une « réforme législative » pour garantir le droit à l’utilisation du prénom d’usage dans la loi. Pour l’Association nationale transgenre, ces mesures prises par les universités seront insuffisantes tant que le changement d’état civil restera « difficile d’accès » pour les personnes transgenres. L’association déplore aussi que la mention du genre (« madame », « monsieur », « homme », « femme »), qui accompagne le prénom d’usage, ne soit pas toujours modifiée sur les documents administratifs ou diplômes.

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Des chambres du Crous pour Le Refuge

Autres combats portés par les associations étudiantes : la mise en place de toilettes neutres (comme à l’université de Tours), et la formation du personnel des universités sur la prise en compte des transgenres. De quoi éviter, selon Alex Pontignies, étudiant de l’université de Lille, des situations désagréables. Il explique qu’il a voulu s’inscrire sous son nom d’usage masculin. A l’issue de ce qu’il présente comme une « bataille » de six mois pour obtenir le changement, l’étudiant en DUT [diplôme universitaire de technologie] métiers du livre se présente au guichet pour récupérer sa nouvelle carte étudiante. La personne qui le reçoit « a appelé son collègue devant moi en lui disant qu“Une monsieur venait chercher sa carte” », témoigne l’étudiant de 19 ans.

Une campagne de lutte contre les discriminations envers les personnes LGBT+ sera lancée à la rentrée 2019-2020. Le ministère de l’enseignement supérieur va également soutenir plusieurs associations engagées dans ce domaine, telles que Le Refuge, SOS-Homophobie, le centre LGBT de Paris, et demandera aux Crous de mettre à disposition des chambres dans les cités universitaires au profit de l’association Le Refuge. En commençant pendant les périodes où ces logements sont vides, pendant l’été et les vacances scolaires. En 2018, l’association a reçu 800 demandes d’hébergement de jeunes, rejetés par leur famille en raison de leur homosexualité ou de leur transidentité.

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