EGALITEJustice et forces de l’ordre appelées à « faire mieux » pour les LGBT+

Haine anti-LGBT : Justice et forces de l’ordre appelées à « faire mieux» pour lutter contre les discriminations et les violences

EGALITEDans son plan d’action national de lutte contre la haine anti-LGBT +, la ministre Elisabeth Moreno souhaite multiplier les « référents » spécialisés dans les commissariats et gendarmeries
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • En France, trois villes – Paris, Marseille et Bordeaux – disposent actuellement d’une personne dédiée à l’accueil « police/gendarmerie » des victimes de LGBTphobies.
  • Sur tout le territoire, des « référents LGBT+ » ont été nommés au sein de très nombreux commissariats, mais les associations déplorent un manque de formation de ces agents.
  • Selon l’état des lieux 2019 de l’Observatoire des LGBTphobies, seules 20 % des victimes LGBT+ d’agressions physiques ont porté plainte l’année dernière.

En France, 1.870 victimes d’actes homophobes ou transphobes ont été recensées par le ministère de l’Intérieur en 2019. Des « statistiques glaçantes », a estimé ce mercredi la ministre chargée de la diversité, Elisabeth Moreno à l’occasion de la présentation d’un plan national de lutte contre la haine anti-LGBT+. Pour répondre à ce triste constat « pas acceptable en France en 2020 », la ministre a dévoilé plus de 150 mesures, à poursuivre ou à engager et ce jusqu’en 2023.

Parmi elles, plusieurs propositions visent à améliorer la prise en charge des victimes et à mieux mesurer l’ampleur de ces actes anti-LGBT+. Un vaste chantier puisque selon un état des lieux publié en mai 2019 par l'Ifop, seules 20 % des victimes d’agressions physiques LGBTphobes ont porté plainte cette même année. Concernant les injures, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales chiffrait à 4% seulement les dépôts de plainte en 2017. Quels dispositifs existent déjà pour lutter contre ce phénomène et quelles difficultés subsistent ? 20 Minutes fait le point.

Une expérimentation à étendre

Dans son rapport annuel sur l'homophobie publié en mai dernier, l’association SOS Homophobie identifiait deux « problématiques » persistantes au sein de la police et de la gendarmerie. « D’abord la tendance à diriger les victimes vers les mains courantes, lesquelles n’ont pas de conséquences pour les personnes à l’origine des actes, et ensuite le refus de retenir les facteurs aggravants d’homophobie ou de transphobie lors des prises de plainte », détaillait-elle. A Paris, cela fait tout juste un an qu’ un officier de liaison a été détaché à temps plein au sein de la préfecture de police pour accueillir spécifiquement les victimes LGBT+. Un poste unique qui vient d’être pérennisé, se félicite Johan Cavirot, président de FLAG !, l’association LGBT des ministères de l’Intérieur et de la Justice.

En lien avec le Dilcrah (délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti LGBT), FLAG ! a milité pour étendre, au niveau national, ce dispositif expérimenté sous une autre forme à Marseille et Bordeaux. « Cet officier de liaison peut être contacté par la victime, par mail et téléphone, et elle peut être reçue sur rendez-vous. Il est en lien avec le tissu associatif, les élus et tous ceux qui accompagnent les victimes. Il a aussi pour vocation de coordonner le suivi des plaintes et il peut faire le lien entre le parquet et la victime », souligne Johan Cavirot.

L’enjeu de la formation

Un poste à différencier des nombreux « référents accueil » déployés depuis 2018 dans les commissariats et gendarmeries. Contacté par 20 Minutes, le service de presse de la police (Sicop) précise que « chaque circonscription de la sécurité publique » dispose de ce type de référent, soit 490 au total. Un dispositif jugé incomplet par Johan Cavirot : « Ils ont surtout vocation à accompagner les collègues en interne pour les prises de plainte. Mais ils ne sont pas suffisamment formés et ils sont désignés d’autorité par voie hiérarchique. Concrètement, cela signifie qu’un fonctionnaire homophobe peut se retrouver en charge de l’accueil de ces victimes ».

Depuis août 2020, les agents référents bénéficient d’une formation de douze heures dédiée à la prise en compte et à l’accueil des victimes LGBT+, complète toutefois le Sicop. Une formation jugée « essentielle » et qui doit s’intensifier insiste le Dilcrah, Frédéric Potier : « On forme déjà dans les écoles de police mais on veut accélérer la formation continue. On l’a fait récemment avec des sous-officiers de gendarmerie chargés de l’enquête par exemple. Et on voudrait l’étendre désormais aux polices municipales ». Pour autant, le déploiement à l’échelle nationale d’officiers de liaison à temps plein sur le modèle parisien pourrait prendre du temps, reconnaît le délégué interministériel : « Il faudra des ajustements localement. On ne peut pas arriver avec une proposition clé en main basée sur réalité parisienne qui n’est pas toujours celle rencontrée par les forces de l’ordre en région. »

Pour quelles suites pénales ?

Dans la continuité de cette proposition, la ministre Elisabeth Moreno souhaite également publier un « bilan annuel des suites pénales » données aux actes anti-LGBT +. « Aujourd’hui, on arrive à avoir accès à ces chiffres parquet par parquet. Mais nous n’avons pas de vision nationale », note Frédéric Potier. Le décompte des condamnations pour lesquelles l’homophobie a par exemple été retenue comme circonstance aggravante serait une avancée majeure estime le président de FLAG ! : « C’est important pour les victimes, pour qu’elles sentent que justice passe. Mais ça l’est aussi pour les auteurs qui trop souvent agissent avec un sentiment d’impunité ».

Sollicitée à ce sujet par l’association au début de l’année 2020, l’ex-ministre de la Justice Nicole Belloubet avait indiqué par courrier un chiffre éclairant, révèle Johan Cavirot : « Entre 2014 et 2018, seules 144 condamnations pour des atteintes aux personnes commises en raison de l'orientation sexuelle et l'identité de genre ont été prononcées par la justice. C’est mauvais, il faut faire mieux ». Pour évaluer l’avancée des mesures annoncées ce mercredi, la ministre s’est engagée à mettre en place un « comité » de suivi. Le prochain se réunira en mars 2021.

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