ON CHOISIT SA FAMILLE (5/5)Pourquoi j’aimerais passer les fêtes avec la famille « Drag Race »

Et si on fêtait Noël dans la famille… de « Drag Race » ?

ON CHOISIT SA FAMILLE (5/5)Toute la semaine, des journalistes Médias de « 20 Minutes » expliquent dans quelle famille pop culture ils et elles aimeraient passer le réveillon de Noël
Les candidates de la première saison de "Drag Race France"
Les candidates de la première saison de "Drag Race France" - Nathalie GUYON / Phototélé
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • On ne choisit pas sa famille, et surtout pas à Noël, où il est de bon ton de consacrer quelques jours à papa, maman et aux autres.
  • Mais la pop culture offre des refuges émotionnels pour celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas passer Noël en famille. Des proches d’adoption imaginaires, et néanmoins très réconfortants.
  • Toute la semaine, des journalistes du service Médias de 20 Minutes racontent leur Noël de rêve dans leur famille pop culture de rêve. Aujourd’hui, Fabien rêve de passer les fêtes dans l’atelier bonbonnière de la franchise Drag Race.

«On ne choisit pas sa famille. » Hum, hum, Maxime Le Forestier, pas si vite ! Les familles choisies existent bel et bien, notamment pour les personnes LGBT dont nombre sont exclues par une partie de leur arbre généalogique. Nous sommes bientôt en 2023 et, même si la loi « mariage pour tous » s’apprête à fêter ses dix ans, homophobie et transphobie demeurent hélas vivace dans notre contrée. Scoop malheureux : la trêve des confiseurs ne s’applique pas pour elles.

J’ai la chance que ce ne soit pas mon cas. Il n’empêche, chaque fin d’année, je n’oublie pas que nombre de mes semblables passeront Noël loin de leurs parents, frères et sœurs, qu’ils l’aient décidé ou qu’ils subissent la situation.

Heureusement, on peut compter sur nos familles choisies. Les « familles logiques », comme l’écrit l’auteur gay américain Armistead Maupin dans son livre autobiographique Mon autre famille. Le romancier sait de quoi il parle : Les chroniques de San Francisco, qui l’ont rendu célèbre, racontent comment des individus de tous horizons, de toutes orientations sexuelles et identités de genre font joyeusement communauté au 28, Barbary Lane. S’entourer de celles et ceux qui nous veulent le meilleur - et réciproquement - n’est-ce pas cela le plus souhaitable dans la vie ?

Des « mères » et des « filles »

Ma famille choisie de pop culture à moi, j’irais la chercher du côté des figures de Drag Race. Cette compétition de drag-queens, dont la première saison française a été diffusée avec succès cet été sur France Télévisions, est devenue un phénomène global. Le grand public a pu découvrir que chez les drags, il y a aussi des mothers ( « mères ») et des daughters (« filles »)… Celles qui ouvrent la voie et celles qui s’inscrivent dans leur sillon avant de devenir des modèles pour celles qui suivront…

Cette notion de lien et de transmission est issue de la scène ballroom, un lieu d’émancipation pour bien des personnes LGBT noires et latinas souvent marginalisées par tout un pan de la communauté gay. Dans la scène ballroom, comme chez les drags, il y a une volonté de résister et de répondre aux injonctions normatives : ce pour quoi vous nous stigmatisez, nous en faisons notre force, en gros.



Bien sûr, avec le temps, ce qui était hier une contre-culture tend à se faire dévorer par une culture mainstream, grand public. Ce n’est pas forcément un mal en soi, mais c’est un problème si l’on en oublie les racines politiques, leurs raisons d’être. Faire du drag n’est pas qu’une affaire de divertissement et de spectacle. Pour beaucoup de personnes LGBT qui en font, c’est une question de survie, un mode de vie. Un rapport au monde.

L’identité drag comme une armure

« Derrière le glam, il y a du drame », disait La Briochée, dans le premier épisode de Drag Race France. La franchise, créée par RuPaul en 2009 aux Etats-Unis, et dont la quinzième saison américaine sera lancée en janvier, a su le démontrer. Dans la werk room, l’atelier où les candidates et candidats se préparent, les confidences sont nombreuses. Agressions homophobes, mise au ban familial, difficultés économiques, dépressions, maladies… les traumas se racontent avant que le spectacle ne recommence. On comprend que, pour beaucoup, l’identité drag est une armure, un double permettant de faire et dire ce que l’on n’oserait faire et dire autrement, une transcendance.

Ces drag-queens, drags kings ou drags queers, je les admire. Elles ont l’audace que j’aimerais avoir. Elles m’inspirent par leur confiance en elle, leur créativité, leur capacité à provoquer des émotions brutes et à provoquer tout court.

Lors de mon Noël rêvé, je pense que j’aurais beaucoup de choses à dire à Paloma, gagnante de Drag Race France. On parlerait de Clermont-Ferrand, d’où nous sommes originaires, de comment Mylène Farmer a construit les personnes que nous sommes, de ce mot, « pédé », que nous avons à cœur de nous réapproprier pour en laver la charge insultante qui nous a si souvent été adressée. Je convierai évidemment le reste du casting français que j’ai eu l’occasion de présenter par ici.

Plus de 300 invitées potentielles

Pour le reste des invitations à ma table, je n’aurais que l’embarras du choix. Rien qu’aux Etats-Unis, plus de 180 drags ont déjà participé à RuPaul’s Drag Race. Le chiffre dépasse facilement les 300 si l’on prend en compte toutes les adaptations internationales qui ne cessent de fleurir.

Alors, côté américain, j’inviterais Trixxie Mattel et Katya, dont la salle Pleyel à Paris reste hantée par leur humour déglingué depuis leur passage en novembre, l’hilarant Bob The Drag Queen aussi, et, côté canadien, Rita Baga - pour avoir des scoops sur l’adaptation belge à venir. Je brûlerais aussi que l’espagnole Sharonne me raconte comment elle se prépare à la sélection Eurovision de son pays.

J’enverrais un carton d’invitation à Xilhouete, la Philippine qui me fascine par son élégance, et compterais sur les Britanniques Tia Kofi et Lawrence Chaney pour l’irrévérence. L’Italienne Farida Kant pourrait parler des tenues qu’elle a créées pour Nicky Doll, présentatrice de Drag Race France. La liste ne peut pas être exhaustive. Est-il nécessaire qu’elle le soit ? Ces paragraphes déroutent sans doute suffisamment les Béotiens comme ça.

Des « local queens » aussi

En réalité, il faudrait que j’invite tout le monde car chacune à sa voix, son mot à dire, son importance. Il serait aussi essentiel d’inclure aussi les drags qui n’ont pas participé à l’émission, ou pas encore, et qui n’ont absolument pas besoin de cette validation-là.

Si vous avez découvert cet univers avec Drag Race, ayez en tête que cet art ne se limite pas à ce format de téléréalité. Soutenez vos local queens et local kings, qui se produisent régulièrement près de chez vous. Du côté de la scène parisienne, je convierai ainsi Bichette, Coco Ricard, Aaliyah Xpress, Cookie Kunty - que vous avez peut-être adorée récemment dans Trois nuits par semaine réalisé par Florent Goëlou (alias Javel Habibi) –, Minima Gesté, Loulou de Cacharel, Lewis Raclette, Père Eustache, La Duchiasse, Angelica Stratrice et Clémence Trü (liste forcément incomplète)… A mon Noël rêvé, on ferait une grande choré zinzin sur Les Rois Mages de Sheila. Ou non, on renverserait la table et les conventions. Ce qui est sûr, c’est qu’on se ferait le cadeau d’être ensemble.

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