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LGBTphobieIl pourrait bientôt y avoir un enseignement obligatoire aux questions LGBT+ à l'école

Par Timothée de Rauglaudre le 12/06/2020
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La députée Laurence Vanceunebrock, qui veut interdire les "thérapies de conversion", souhaite rendre obligatoire l'éducation aux différentes orientations sexuelles et identités de genre à l'école... y compris privée.

C'est un volet sur l'école passé pour le moins inaperçu dans la proposition de loi visant à interdire les "thérapies de conversion". Mercredi 3 juin, comme le révélait TÊTU, la députée LREM de l'Allier Laurence Vanceunebrock a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. L'objectif principal : créer une nouvelle infraction dans le code pénal permettant de qualifier et de pénaliser ces pratiques, qui existent toujours en France, la plupart du temps dans le domaine religieux et parfois même dans le domaine médical.

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Mais ce n'est pas tout. Le chapitre II du texte propose de renforcer l' "éducation des enfants au respect des différentes orientations sexuelles et identités de genre". L'article 5 vise à insérer un nouvel article dans le code de l'éducation formulé ainsi : "Une information consacrée au respect de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre et de leurs expressions est dispensée à tous les stades de la scolarité. Les établissements scolaires, y compris les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger, peuvent s’associer à cette fin avec des associations de lutte contre les discriminations à caractère homophobe ou transphobe."

"Makoumé"

En outre, l'article 6 de la proposition de loi prévoit d'étendre un article déjà existant du code de l'éducation, qui prévoit un "enseignement moral et civique" sur "le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que de la laïcité" aux questions d'orientation sexuelle et d'identité de genre. Quel rapport avec les "thérapies de conversion" ? Au cours de la mission d'information qui s'est tenue à l'automne 2019, Laurence Vanceunebrock a constaté que les discours de "guérison" passaient parfois la porte d'établissements privés confessionnels, explique-t-elle à TÊTU : "Nous avons reçu des représentants de l’Éducation nationale qui disaient que, même s'il y a un programme obligatoire à suivre au sein de ces établissements, certains établissements étaient libres de ne pas choisir d’intégrer ce type de discriminations à l’éducation à la sexualité."

Auparavant, l'ex-policière a observé, lors d'un voyage en Guadeloupe avec son collègue LREM Raphaël Gérard, les pratiques de certains établissements scolaires qui "avaient eu la très bonne idée de mettre en place des référents parmi les élèves qui avaient pour mission d’être vigilants à ce qui pouvait se passer entre leurs camarades en ce qui concerne les termes homophobes". Par exemple, chaque utilisation du terme créole "makoumé", utilisé pour désigner d'une manière péjorative les homosexuels dans les Antilles francophones, donnait lieu à une invitation des référents à "changer son vocabulaire". "Ces jeunes enfants étaient baignés dans l’idée qu’on pouvait être différents en termes de couleur de peau, de handicap, d'orientation sexuelle ou d'identité de genre."

"On laisse les enseignants sans moyens"

À SOS homophobie, on se réjouit que la proposition de loi comprenne un volet sur l'éducation et on espère pouvoir l'enrichir. "On ne peut qu’être contents, dans la mesure où nous avons rencontré malgré le confinement plus de 35.000 élèves dans nos interventions en milieu scolaire (IMS), développe Véronique Godet, coprésidente de l'association, auprès de TÊTU. Nous pensons vraiment que cette éducation est fondamentale. L’obejctif de nos IMS est à la fois de faire réfléchir les élèves sur le sexisme, de les amener à déconstruire les stéréotypes de genre et à s'interroger sur les orientations sexuelles et identités de genre."

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Pourtant, en 2013, le gouvernement socialiste a déjà signé une convention interministérielle, qui visait entre autres à développer des "actions expérimentales pour renforcer l'éducation à la sexualité", qui peuvent inclure un volet sur la "prévention des discriminations en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre". Mais Véronique Godet a constaté sur le terrain qu'un grand nombre d'enseignants étaient "très gênés" et abordaient la question "sous forme d'allusions". Pour l'instant, aucun enseignement obligatoire n'existe sur ces sujets. "En France, on produit des textes mais on ne les applique pas, soupire la militante associative. On laisse les enseignants sans moyens."

ABCD de l'égalité

Si la proposition de loi était adoptée, avec son volet sur l'éducation, ce ne serait pas la première fois que les pouvoirs publics essaie de faire entrer la sensibilisation aux différentes orientations sexuelles et identités de genre dans les établissements scolaires. En 2013, l'expérimentation de l'ABCD de l'égalité dans les écoles maternelles et élémentaires avait pour but d'éduquer les enfants à l'égalité entre les filles et les garçons mais aussi aux questions LGBT+. "Il y avait eu un tel tollé de la droite que le gouvernement a supprimé cet outil", se souvient Véronique Godet.

"Si on ne fait que des choses qui ne font pas peur, on ne fait jamais rien, estime Laurence Vanceunebrock, consciente de la levée de boucliers que pourrait provoquer la mesure, et assurant que les opposants auront la possibilité de s'exprimer. J’ai peur que nos enfants soient en danger parce qu'on ne fait rien et qu’on laisse les religions s’immiscer dans la vie de la République. L’idée n’est pas faire la guerre aux religions, ni de demander qu’il n’y ait plus du tout de messages religieux dans notre société, mais il faudrait que les religieux, les familles et les enseignants comprennent que nos enfants sont le terreau de la société à venir."

 

Crédit photo : Pauline Communication/Wikimedia Commons...