L’annonce de l’entrée du pronom « iel » dans l’édition en ligne du Robert, le 17 novembre, a été davantage critiquée que saluée. En premier lieu par le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, pour qui l’emploi de ce pronom non genré, contraction d’« il » et d’« elle », « n’est bon à aucun titre ». Si l’éditeur s’est défendu en rappelant que sa mission est « d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse, et d’en rendre compte », le débat est loin d’être clos.
Plutôt récente, la polémique autour du pronom « iel » est née en même temps que celle sur le point médian, utilisé dans l’écriture inclusive. Dans Le Monde, « iel » fait son apparition il y a quatre ans, le 13 octobre 2017. Frédéric Joignot consacre ce jour-là sa chronique à la parution d’un manuel scolaire, Questionner le monde (Hatier), qui, tout en pratiquant l’écriture inclusive, féminise les métiers et la syntaxe. Il relate les débats en cours : faut-il vraiment utiliser le point médian ? Dire et écrire « charpentière » ou « prévôte », dont la professeure Eliane Viennot rappelle que l’usage était courant jusqu’au XVIIe siècle ? Ecrire « les électeurs et les électrices », ce que l’Académie française juge « redondant » ?
Brouhaha idéologique
Si certaines de ces questions semblent lointaines, d’autres défraient désormais la chronique : « La critique d’art Elisabeth Lebovici, qui a rédigé un essai entier en inclusif, Ce que le sida m’a fait (JRP Ringier), soulève la question des personnes qui ne se reconnaissent dans aucun genre : elle préconise d’utiliser alors les pronoms “iel” ou “ille” – au pluriel “iels” ou “illes”. »
« Le fait que 99 femmes et un homme deviennent “ils” au pluriel, c’est évidemment scandaleux. » Alain Rey, linguiste, en 2017
Calmons-nous, semble suggérer Alain Rey quelques semaines plus tard, dans un entretien accordé à la journaliste Anne Chemin. La prise de parole du linguiste préféré des Français (décédé en 2020) est attendue, car le débat a tourné au brouhaha idéologique. Ce qui ne surprend pas Alain Rey. « Le caractère belliqueux du débat sur la langue est normal, explique-t-il le 23 novembre 2017, mais il est particulièrement aigu en France, car, dans ce pays, l’unité linguistique ne s’est pas faite toute seule : elle est le fruit d’une volonté politique qui, au fil des siècles, a toujours engendré de violentes bagarres. »
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