« Il y aurait de quoi faire une série ! » : rencontre avec Émilie Jouvet qui signe un documentaire passionnant sur l'histoire de l'homoparentalité

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Deux ans après le sublime « Aria », Émilie Jouvet, réalisatrice féministe ouvertement lesbienne, signe « Mon enfant ma bataille, 35 ans de luttes des familles homoparentales ». Un documentaire passionnant qui retrace plus de trois décennies de combats pour une reconnaissance des parents LGBT+.

« Mon enfant ma bataille, 35 ans de luttes des familles homoparentales », documentaire d'Émilie Jouvet produit par l'Association des parents gays et lesbiens - Capture d'écran
« Mon enfant ma bataille, 35 ans de luttes des familles homoparentales », documentaire d'Émilie Jouvet produit par l'Association des parents gays et lesbiens - Capture d'écran
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Résumer plus de trente ans de luttes pour la reconnaissance des familles homoparentales en 1h20, c'est le défi relevé par Émilie Jouvet. Avec Mon enfant ma bataille, 35 ans de luttes des familles homoparentales, la réalisatrice ouvertement lesbienne signe un documentaire poignant à travers le rôle central joué par l'Association des parents gays et lesbiens (APGL, qui a produit le film) pour grignoter pas à pas toujours plus de droits et de reconnaissance des cellules familiales formées par les parents LGBT+.

Témoignages de parents et d'enfants concerné.e.s, retour sur les grandes avancées historiques à travers la parole de celles et ceux qui se sont battus… le long-métrage d'Émilie Jouvet nous plonge avec force dans une rétrospective de tout ce qui a été acquis sans pour autant mettre de côté les souffrances et les violences qui ont accompagné ces évolutions. Et surtout, sans oublier de nommer combien encore aujourd'hui, de nombreuses familles restent invisibles et laissées pour compte dans notre République. Un travail totalement différent du chemin emprunté pour la réalisation du très personnel Aria, du prénom de sa fille, sorti en 2017. Dans ce documentaire filmé au smartphone, Émilie Jouvet nous avait plongé dans l'intimité de sa grossesse de mère célibataire passée par un parcours de PMA, tout en recueillant des témoignages de son entourage sur ce que c'est d'être parent quand on est une personne LGBT et le parcours du combattant que cela induit.

Projeté en avant-première lors du colloque de l'APGL organisé à Paris début février, Mon enfant ma bataille ne va malheureusement pas être si simple à voir pour vous qui nous lisez. Si nous avons fait le choix de vous en parler quand même, c'est que cette situation est très symptomatique des films qui concernent les minorités. « Les cinémas nous disent : “Rappelez-nous au moment de la Gay pride” », nous a expliqué Émilie Jouvet lorsque nous lui avons posé la question de la distribution. Il n'empêche, vous pourrez voir Mon enfant ma bataille dans le cadre de festivals de cinéma LGBT+ et vous pouvez toujours vous abonner à la page Facebook d'Émilie Jouvet pour être à l'affût des dates de projection. Nous l'avons rencontrée dans un café du XXème arrondissement de Paris au début du mois de février et avons pu aussi bien parler de sa méthode pour rendre compte de ces décennies de combats, des choix qu'elle a opérés et du regard qu'elle pose elle, en tant que mère lesbienne et célibataire, sur la façon dont se déroulent les débats autour de l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Interview, ponctuée de quelques extraits du film.

Komitid : Ce film est né d’une commande de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL). Quelle était la volonté de départ et quelle liberté avez-vous eu dans votre approche ?

Émilie Jouvet : Ça faisait un moment que l’APGL réfléchissait à la meilleure façon de transmettre son histoire. Des membres de l’association sont venus voir Aria (2017) et l’idée de faire un film les a séduit. Il m’a été proposé de le réaliser et on m’a vraiment laissé très libre, en me faisant une confiance totale. Je pense que je n’aurais pas accepté si j’avais senti qu’il y avait trop de contraintes.

L’association m’a beaucoup aidée sur la partie historique, on a eu de longues discussions pour m’expliquer qui était telle ou telle personne, ce qu’elles avaient fait et pourquoi c’était important d’aller leur parler. J’ai rencontré plein de monde, énormément, même trop ! Une fois que j’ai senti que je maîtrisais un peu le sujet, je me suis lancée et j’ai déterminé ce que j’avais envie de montrer dans ce film : la partie historique avec la parole des gens de l’époque, les témoignages de parents que l’on voit très peu dans les médias et ceux des enfants. J’ai essayé de montrer toutes les formes de familles autant que j’ai pu, elles sont très diverses et on ne le réalise pas tellement. Quand on pense homoparentalité, on pense directement à un couple de femmes ou d’hommes, mais c’est beaucoup plus que ça ! Il y a tous les co-parents avec toutes les formes que ça peut prendre, les parents célibataires, les parents trans, c’est très varié !

Ce qui est intéressant dans cette association, c’est que tout le monde se mélange, se rencontre, il y a une vraie diversité. C’est d’ailleurs une des rares associations avec une coprésidence mixte, ce que je trouve très important dans le sens où ça a permis vraiment de mettre en avant des lacunes aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Au tout début, c’était des hommes gays, mariés auparavant avec une femme, à qui on retirait la garde de leurs enfants. C’était les années 1980, on commençait à ne plus avoir honte de l’homosexualité, à vouloir vivre librement. Ces hommes qui voulaient vivre au grand jour étaient d’une certaine manière punis par les juges qui leur retiraient la garde. Ils ont très vite été rejoints par des couples homos qui voulaient adopter en tant que célibataires, mais évidemment c’était très compliqué, puis les femmes sont arrivées.

On apprend dans votre film que le terme « homoparentalité » n’existait pas avant que l’APGL ne l’invente. C’est quelque chose que vous saviez ?

Non, j’ai découvert ça en interview avec Martine Gross (sociologue au CNRS dont les travaux ont principalement porté sur l’homoparentalité et co-présidente de l’APGL de 1999 à 2003, ndlr).

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  • arnosa

    C’est moi où Komitid ressemble de plus en plus a Yagg?!
    Ok le violet a remplacé le bleu mais….