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Maxime Minot, député de droite pro-PMA à contre-pied

L’élu de l’Oise, 32 ans, est l’un des rares du groupe Les Républicains à soutenir la PMA pour toutes. Cet infirmier de formation craint les outrances de «la Manif pour tous», dimanche.
par Laure Equy
publié le 3 octobre 2019 à 20h16

Bien sûr qu'il «redoute la manifestation de dimanche». Avec ses pancartes anti-PMA, ses slogans, trouvailles simplistes de la Manif pour tous. Et ses députés fondus dans le cortège, dont une poignée de ses collègues Les Républicains. En 2013, Maxime Minot, qui n'était pas encore député de l'Oise, se désolait déjà de voir des élus de droite arborer écharpes tricolores et parkas rouges à côté des opposants au mariage pour tous, auquel lui était favorable. Dimanche, le trentenaire pourrait fermer les écoutilles mais il surveillera de loin le défilé parisien : «Je pointerai qui y va !» Dans les couloirs du Palais-Bourbon, il a tenté d'en dissuader quelques-uns. Ils ont peu apprécié.

Depuis le début de l'examen du projet de loi bioéthique, Maxime Minot, l'un des rares partisans à droite de sa mesure phare, la PMA pour toutes, quitte peu son siège. L'image de cette petite guerre de positions est parlante. Sur les bancs LR, il est physiquement entouré par les quelques grognards anti-PMA. Dans ce marathon de trois semaines, ils tiennent leur tranchée contre le gouvernement. Lui reste au milieu. Parfois, on le voit les yeux levés au ciel ou les bras qui lui en tombent. Mais il veut être «présent du début à la fin» pour ne se voir rien reprocher.

Menaces

Tiré à quatre épingles dans son trois-pièces gris clair, cocarde tricolore à la boutonnière, il assume son porte-à-faux, le revendique même. Lors de l'examen en commission, il intervient après Thibault Bazin, désigné principal orateur pour les députés LR, pour rappeler que l'expression de ce dernier «n'est pas celle de l'intégralité du groupe». Dans l'hémicycle, il redit son soutien au projet de loi «malgré le fossé qui [le] sépare du gouvernement et de la majorité» et pointe les «défenseurs de l'équation "un enfant = un papa + une maman"» qui voient encore la famille «comme une institution sociale patriarcale». «Je refuse d'être enfermé dans une droite», ajoute-t-il à la tribune. Dans la foulée de son discours, les ministres Agnès Buzyn et Nicole Belloubet lui ont chacune adressé un mot : «Je les ai gardés, ça n'arrivera pas tous les jours !» Et une fois n'est pas coutume, les députés LREM le «brossent dans le sens du poil»… Sans reprendre ses amendements, ironise Minot. Sa prise de position pro-PMA a valu au jeune homme insultes et menaces de mort sur les réseaux sociaux. La semaine dernière, l'un des rapporteurs LREM s'en est ému durant les débats, faisant applaudir l'hémicycle. Minot n'en avait pas saisi la gravité, il s'étonne lui-même de s'y être habitué.

Approuver l'ouverture de la PMA à toutes et en finir avec «l'hypocrisie» qui consiste à contraindre les femmes à se rendre à l'étranger lui paraît pourtant une évidence. Il a beau tourner la question, il ne voit pas «comment on peut être contre» le fait de «gommer cette inégalité». Voir la droite camper sur ses «schémas archaïques» le désole. D'autant plus quand ce sont des députés de sa génération, nombreux parmi la quarantaine de nouveaux élus LR en 2017, qui s'opposent à ce saut sociétal. «Ils n'ont pas d'amies concernées ? interroge l'ancien directeur adjoint du service animation d'une collectivité, infirmier de formation. Dans mon entourage, je n'ai pas assez de doigts et d'orteils pour les compter !»

Réglages

Celui qui a collé les affiches de Nicolas Sarkozy en 2007 avant d'être élu, en 2014, maire de sa petite commune d'Etouy (Oise) à 26 ans n'est pas tenté de prendre le large. Il se géolocalise juste «à la gauche de LR». Mais après avoir vu tant d'électeurs se détourner «à cause de cette vision trop conservatrice», il veut croire qu'il est utile à son camp : «Ma famille politique aurait tout à gagner à montrer un visage plus ouvert, mais eux le voient plutôt comme un fardeau.»

Il y a un an, lorsqu’il avait fait paraître une tribune favorable à la PMA cosignée avec quatre députés LR, Minot avait agacé en interne. Mais les tensions se sont dissipées. En vue du débat, il a fallu procéder à des réglages, notamment pour concéder aux élus pro-PMA une part du temps de parole imparti au groupe. Ses collègues en font peu de cas, glissant que cette voix discordante n’est pas celle d’un poids lourd et qu’elle n’a pas d’effets sur le reste des troupes. Il faut dire aussi qu’à part pour une petite dizaine d’irréductibles, le sujet n’est plus leur principal cheval de bataille, comme le fut en son temps le mariage pour tous. Nombre d’élus de droite ont, cette fois, renoncé à défiler. Et ils seront probablement nombreux, prédit Minot, à se presser aux toilettes au moment du vote, le 15 octobre. Selon ses calculs, sur les 104 députés LR, ils pourraient être une dizaine à voter pour et une vingtaine à s’abstenir.

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