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«Montrer c’est bien, problématiser c’est mieux!»

«Montrer c’est bien, problématiser c’est mieux!»

Camille et Clémentine, 27 et 29 ans sont chercheuse en droit international et travailleuse sociale, à Bienne.

On peut avoir des parcours diamétralement opposés et vivre une grande et belle histoire d’amour. À l’image de Camille et Clémentine. Elevée dans un foyer homoparental, la première ne semble pas en avoir été influencée outre mesure. «J’ai décidé d’investir le monde Queer et de m’y construire parce que je ne me reconnaissais pas dans un monde hétéronormé, explique-t-elle. Ma maman a toujours essayé de bien scinder les choses, sans rien cacher pour autant. Je ne pense pas avoir été beaucoup plus exposée à cet univers qu’une enfant qui aurait grandi dans un milieu hétérosexuel.»

Elle s’affirme en tant que lesbienne dès l’âge de 14 ans, mais peine à l’annoncer à sa maman. «Elle a eu beaucoup de mal à me prendre au sérieux, jusqu’à ce que je sois en couple. Cela n’a pas été simple pour elle, mais pour des raisons différentes d’une mère hétérosexuelle. Elle craignait notamment que les gens fassent un lien entre sa situation et la mienne. Elle voulait me protéger.» Un amalgame que Camille avait beaucoup anticipé. A tel point que pour se sentir légitimée en tant que lesbienne, elle ne parle pratiquement jamais de l’homosexualité de sa mère. «Bien sûr que cela a eu un impact sur moi et sur ma vie. Mais pas sur mon orientation sexuelle.»

Clémentine quant à elle, a grandi au sein d’un foyer traditionnel, dans un petit village jurassien. «Je n’avais pas de connaissance ou de référence homosexuelle autour de moi. Pas même à la télé. J’ai attendu d’avoir 24 ans pour faire mon coming-out. Il y a eu des passages de recherche de soi qui ont été difficiles et douloureux.» Une nouvelle plutôt bien acceptée par ses parents, même s’ils n’y étaient pas forcément préparés. «Comme je l’ai exprimé tardivement, et que j’avais eu des relations avec des hommes, ils ont été surpris. Mais ils l’ont entendu et accepté assez facilement, sans pour autant s’intéresser ou s’investir dans la communauté LGBT.»

Passés trop présents

Une communauté que Clémentine découvre avec Camille. Mais la nouveauté est telle que le couple ressent le besoin de prendre un peu de recul. «On aime beaucoup le Jura, on y retourne très souvent, assure Camille. Mais nos passés respectifs étaient trop présents. Là-bas, tout le monde se connaît et nous avons eu besoin de partir et de bénéficier d’un certain anonymat pour pouvoir nous construire en tant que couple et le vivre sereinement.»

Un pari réussi puisque une fois installées à Bienne, elles se sont unies le 14 juillet 2018. Un acte symbolique – qui leur a permis de se sentir davantage reconnues –, mais également militant: la cérémonie s’est déroulée avec un drapeau arc-en-ciel posé sur le bureau de l’Etat Civil, qu’elles ont brandi fièrement sur les marches de l’Hôtel de ville. «C’était extrêmement important de marquer notre appartenance à la communauté à ce moment-là, confie Camille. C’était aussi un refus d’assimilation. J’avais envie que les gens se souviennent qu’on se partenariait parce qu’on n’avait pas le droit de se marier. Qu’ils sachent aussi que ce n’est pas parce qu’on conclut un contrat pour régler notre union comme la majorité des couples hétérosexuels, qu’on a pour autant la même réalité de vie qu’eux.»

Un grand point d’interrogation

Et notamment au chapitre des enfants, même si pour l’heure, le projet n’est pas d’actualité. «Très honnêtement, c’est un grand point d’interrogation, avoue Clémentine. Tout dépend d’où la vie nous mènera.» Et Camille de poursuivre: «On ne l’exclut pas, mais on se pose beaucoup de questions quant à la situation juridique. On attend beaucoup de ce qui va suivre au niveau politique prochainement.»

Membre de Juragai, le couple estime qu’il y a plusieurs manières de s’engager pour la cause, notamment en luttant au quotidien contre l’homophobie ordinaire. «La visibilité est essentielle, cruciale dans une société hétéronormée, martèle Camille. Mais au-delà de cela, il est important de problématiser les choses. Montrer c’est bien, mais expliquer, éduquer, exposer les enjeux, les difficultés réelles des personnes LGBT c’est mieux. On a une responsabilité à ce niveau.»

Et pour approfondir leurs réflexions, elles s’intéressent aux Queer studies, et comptent Judith Butler ou Monique Wittig comme source d’inspiration. Des sujets dont elles débattent autour d’un plat de gnocchis, tortelloni ou spaghetti maison, auxquels Clémentine s’est initiée grâce aux origines italiennes de Camille. «J’étais une grande amoureuse des pâtes. A nos débuts, Clémentine m’a dit qu’elle n’aimait pas trop cela. Et maintenant elle en raffole plus que moi. Comme quoi il n’y a pas eu que l’homosexualité comme découverte…»

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