L’Open café, c’est fini à Paris

Bernard Bousset, patron de l’emblématique bar gay du Marais qu’il a créé en 1995, a vendu son affaire à un fonds d’investissement. La fête d’adieu aura lieu le 26 juin, au lendemain de la Gay Pride.

17, rue des Archives (IVe), mercredi 30 mars 2022. «J’ai souffert terriblement de mon homosexualité. Quand j’étais jeune, il fallait vivre caché. Mon existence n’a été qu’un combat pour faire reconnaître que l’homosexualité n’est ni un délit, ni une tare, ni une maladie, c’est un fait», déclare Bernard Bousset, patron de l'Open café.
17, rue des Archives (IVe), mercredi 30 mars 2022. «J’ai souffert terriblement de mon homosexualité. Quand j’étais jeune, il fallait vivre caché. Mon existence n’a été qu’un combat pour faire reconnaître que l’homosexualité n’est ni un délit, ni une tare, ni une maladie, c’est un fait», déclare Bernard Bousset, patron de l'Open café.

    L’Open café fermera définitivement ses portes après une grande fête d’adieu le dimanche 26 juin, au lendemain de la Gay Pride. Ainsi en a décidé Bernard Bousset, patron du plus célèbre bar gay du Marais qu’il a ouvert au printemps 1995 à l’angle des rues des Archives et Sainte-Croix de la Bretonnerie (IVe). Après quatre ans de procédures et de négociations, cet homme chaleureux, bien décidé à 80 ans à tirer sa révérence, nous l’annonce en exclusivité : « J’ai signé le 23 février 2022 la vente du fonds de commerce et des murs au fonds d’investissement français Black Swan, pour un montant que je ne divulguerai pas ».

    Sachant que la cote de l’immobilier commercial dans le secteur se situe dans une fourchette qui va de 11 000 à 16 000 euros le mètre carré, pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que les 205 mètres carrés (sous-sol inclus) de l’Open changent de mains pour une somme qui s’écrit en sept chiffres… Seule certitude : il n’y aura plus de café au 17, rue des Archives, le vendeur ayant conservé la propriété du nom de l’établissement et la licence IV.

    Un nouveau commerce gay disparaît

    Après l’Amnésia et le Central, deux bars de la rue Vieille du Temple remplacés il y a une dizaine d’années le premier par un magasin de fringues, l’autre par une bijouterie, la librairie les Mots à la bouche, qui a quitté la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie pour s’installer dans le XIe au printemps 2020, c’est un nouveau commerce gay qui disparaît au cœur du quartier LGBT parisien.

    Bernard Bousset qui en 2006 a revendu le Raidd bar, rue du Temple - « pour une poignée de cerises », se souvient-il à l’un de ses directeurs, Jean-Claude Houssoy - n’aurait-il pas pu rejouer le même scénario pour que l’Open café lui survive ? « Je n’ai pas trouvé dans la communauté le profil qui corresponde. Sachant que diriger cet établissement de 20 salariés exige un investissement à 100 % sept jours sur sept et qu’il faut aussi avoir les moyens de racheter un commerce qui faisait 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires annuel avant le Covid », répond l’intéressé.

    Un homme au parcours professionnel incroyable

    Insoluble équation d’un homme si doué pour les affaires qu’il a contribué à faire du Marais le quartier branché d’aujourd’hui. « Quand j’ai créé l’Open en 1995, premier café gay avec terrasse ouverte sur la rue, cet endroit ne valait rien. La boutique en face (NDLR : aujourd’hui occupée par l’enseigne The Kooples) était un dépôt de cartons. Sans parler du bar PMU en faillite à côté, devenu la brasserie Les Marronniers. En 1998, lorsque j’ai racheté les murs de l’Open pour 500 000 francs, personne n’en voulait car tout le monde trouvait ça trop cher ! » raconte Bernard Bousset.

    Tour à tour aux commandes du Quetzal rue de Moussy, du Raidd bar rue du Temple où il a importé de New York le spectacle du gogo dancer sous la douche et bien sûr de l’Open café, Bernard Bousset, également fondateur du syndicat national des entreprises gays (SNEG) en 1985, aura fait la pluie et le beau temps dans le gay Marais ces trente dernières années ! Sourire en coin, il évoque les ponts d’or que lui faisaient les grandes marques pour mettre la main sur sa boutique. « Nespresso, John Galliano, Big Mamma… J’ai toujours dit non », s’amuse celui qui fut aussi de 1983 à 1985, le gérant de la piscine Deligny (VIIe) « où tout le monde se retrouvait à poil face à l’Assemblée nationale, c’est dingue ! »

    Résolu à « profiter des quelques années qui me restent pour méditer, écouter de la musique, regarder la nature dans ma maison en Normandie » tout en conservant son appartement dans le Marais, Bernard Bousset affirme partir « sans remords ni regrets ». Au soir d’une vie bien remplie, il confie : « J’ai souffert terriblement de mon homosexualité. Quand j’étais jeune, il fallait vivre caché. Mon existence n’a été qu’un combat pour faire reconnaître que l’homosexualité n’est ni un délit, ni une tare, ni une maladie, c’est un fait ».