INTERVIEWSacrée aux Out d'or 2019 la rédaction du «magazine L'Equipe» est engagée

Out d'or à «L'Equipe»: «Le sport peut nous faire évoluer vers une société plus bienveillante»

INTERVIEWJean-Michel Brochen, rédacteur en chef adjoint du « Magazine L’Equipe » réagit au Out d’or de la rédaction engagée qui a été décerné mardi soir à l’hebdomadaire pour son numéro consacré à l’homophobie dans le sport
Détail de la Une du «Magazine L'Equipe» du 4 mai 2019.
Détail de la Une du «Magazine L'Equipe» du 4 mai 2019. - L'Equipe - Roberto Frankenberg
Fabien Randanne

Propos recueillis par Fabien Randanne

L'essentiel

  • Le magazine de l’Equipe a remporté, mardi, le Out d’or de la rédaction engagée.
  • Il a été choisi notamment pour un numéro spécial sur l’homophobie dans le sport.
  • Jean-Michel Broden, rédacteur en chef adjoint, explique à 20 Minutes en quoi le Magazine L’Equipe est une rédaction engagée.

La troisième édition des Out d’or, organisée par l’Association des journalistes LGBT (AJL) afin de « valoriser les journalistes, artistes et personnalités qui représentent de manière positive les personnes LGBTI dans les médias », s’est tenue mardi soir à Paris. Au cours de la soirée, une dizaine de prix ont été décernés, dont celui de la personnalité LGBTI (lesbienne, gay, bi, trans ou intersexe) de l’année à Bilal Hassani. Dans la catégorie de la rédaction engagée, c’est celle du magazine de L’Equipe qui a remporté le trophée. Une victoire due notamment à son numéro du 4 mai dernier qui abordait, via plusieurs articles, différents aspects du sujet de l’homophobie dans le sport. Jean-Michel Brochen, rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire, réagit à cette récompense et à ce qu’elle signifie pour sa rédaction.

« Rédaction engagée », c’est une expression qui définit bien celle du « Magazine L’Equipe » ?

Je dirais que, plus globalement, cela définit une forme de journalisme sportif moderne. On a la chance et le privilège, et même le devoir, dans la globalité de l’entreprise L’Equipe où il y a un quotidien, un site Internet et une chaîne de télévision, d’aborder des angles qui concernent les dimensions sociétale, humaine et « républicaine », je dirais, du sport. Donc, à ce titre-là, oui, on est engagés parce qu’on essaye d’avoir une vision globale du sport dans le monde tel qu’il est et de regarder les sportifs, les sportives, avec respect, bienveillance. Ce sont des gens qui nous fascinent, quels que soient leur genre, leur couleur, leur orientation sexuelle, etc. Ils nous fascinent pour leurs qualités de champions, leur force, leur courage, leur détermination.

Vous vous attendiez à ce que ce numéro sur l’homophobie dans le sport ait un tel écho ?

On savait qu’on faisait un numéro qui pourrait un petit peu surprendre ou faire parler. La photo de la couverture, prise par Roberto Frankenberg avec les acteurs du film Les Crevettes pailletées, est très belle parce qu’elle détourne un peu un geste sportif en le transformant en geste d’amour. Cette photo a fait un buzz énorme, cela nous a vraiment surpris. L’image a été vue 4 millions de fois sur Internet, c’est impressionnant.

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Aviez-vous anticipé les éventuelles réactions négatives et homophobes ?

Forcément. On sait le monde dans lequel on vit. On sait que la haine est présente sur les réseaux sociaux et Internet, que l’homophobie est un problème dans le sport car il est très compliqué pour les sportifs LBGT de s’afficher. On se doutait bien qu’il y aurait des réactions négatives. Elles ont existé sur Facebook. Sur Twitter, elles ont été globalement plus bienveillantes. Les personnes travaillant au community management [l’animation de communautés, notamment sur les réseaux sociaux] à L’Equipe et qui modèrent les commentaires ont effectivement eu beaucoup de travail pendant trois ou quatre jours...

Le sujet de l’homophobie dans le sport est récurrent, notamment sur le plan médiatique. Pensez-vous avoir, en tant que journaliste et que rédaction, un rôle à jouer dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie ?

On a un rôle à jouer sur le regard que l’on porte sur l’ensemble des sportifs. Il y a la question de l’homophobie, celle du racisme, celle du sexisme… Ce sont des domaines que l’on doit aborder, avec nos spécificités, nos moyens, nos sensibilités et en disant que le sport est quelque chose de noble, de beau, de fort et qui doit permettre de rassembler et de nous faire évoluer vers une société plus ouverte et bienveillante. Tout le monde est convié à cette aventure. Etre journaliste de sport, c’est rencontrer des sportifs d’horizons différents, très différents les uns des autres. Nous, on est au cœur d’une société qui est peut-être plus en prise avec la réalité du monde que d’autres domaines du journalisme, sans dire du mal des confrères. Nous, à travers nos interlocuteurs, on voit le monde tel qu’il est.

La lauréate de l’Out d’or du sport est une sportive trans, la rugbywoman Alexia Cerenys à qui « le magazine L’Equipe » avait consacré un long portrait l’automne dernier…

Oui. On a été très impressionnés par son discours à la cérémonie parce qu’elle disait qu’elle continuait d’être la cible d’insultes, de recevoir des messages [malveillants]. Son discours m’a ému parce que s’apercevoir de la violence qu’elle peut subir est choquant.



Votre collègue Imanol Corcostegui, rédacteur en chef adjoint du « magazine L’Equipe », qui est allé chercher le Out d’or, s’est félicité, dans son discours de remerciement, de ce prix qui irait à l’encontre de l’image que l’on peut se faire des journalistes sportifs, celle de personnes mal dégrossies…

C’est un cliché qui est tellement facile ! C’est tellement grotesque. Le journalisme de sport utilise les mêmes techniques journalistiques que les autres domaines : une information est une information qui est vérifiée, les journalistes sont passionnés par ce qu’ils font, ils essaient de bien faire leur métier. Pendant longtemps le journalisme de sport était mal vu par ceux qui se revendiquent d’une pratique plus « noble » du métier et nous regardaient de haut. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas. On voit de plus en plus de gens qui ont commencé par le sport et qui exercent de grandes responsabilités dans les rédactions, à l’instar de mon camarade de promotion à l’école de journalisme à Lille Jérôme Fenoglio qui a commencé par le sport et est maintenant le directeur du Monde. On fait tous le même métier, dans des domaines différents, que ce soit la culture, la politique, l’économie, le sport, tout ce que vous voulez, on applique les mêmes principes. La profession a plutôt intérêt à faire corps et à se défendre contre les attaques qui viennent de l’extérieur plutôt qu’à se regarder les uns les autres en chiens de faïence en se disant « Ce que je fais est bien mieux que ce que tu fais. »

20 secondes de contexte

Plusieurs journalistes de « 20 Minutes » sont membres de l’AJL, dont l’auteur de cette interview qui n’a cependant pris part à aucun moment à l’organisation des Out d’or 2019.

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