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Reportage

Marche des fiertés à Paris : «On est là pour hurler qu'on veut des droits»

LGBT +dossier
Samedi, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Paris pour une marche des fiertés politique et intersectionnelle, cinquante ans après la première Gay Pride et les émeutes de Stonewall.
par Cassandre Leray, photos Marie Rouge
publié le 5 juillet 2020 à 17h32

Samedi après-midi, place Pigalle, entre 2 000 et 3 000 personnes s'élancent dans les rues de Paris comme une seule et même immense vague multicolore. Au-dessus du cortège, les drapeaux de la communauté LGBTQI flottent aux côtés des parapluies rouges des travailleuses du sexe, des pancartes antiracisme ou encore des symboles féministes. Soudain, la voix de Mimi, présidente d'Acceptess-Transgenres, vient recouvrir les chants et slogans. Debout à l'arrière d'un camion, mégaphone à la main, elle résume en quelques mots l'enjeu de cette marche des fiertés : «Nous sommes là pour la pride la plus radicale, la plus politisée et la plus revendicative, n'est-ce pas ?»

Photo Marie Rouge pour Libération

L'année 2020 marque le cinquantième anniversaire de la Gay Pride. Mais l'événement parisien, initialement prévu le 27 juin, a été reporté au 7 novembre en raison de l'interdiction de grands rassemblements dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Pour Fred Bladou, militant membre du Collectif Irrécupérables et activiste de la lutte contre le sida, il était impensable d'attendre l'automne pour se rassembler dans un contexte «d'oppression politique» : «Le confinement a flingué les minorités déjà précaires comme nous et le gouvernement n'a rien fait pour nous aider. C'est important de montrer qu'on est toujours là !»

Une marche plus politique que jamais

En tête de cortège, les personnes queer racisées mènent le parcours en direction de la place de la République (1). Au milieu de tout ce monde, Pi se faufile entre les manifestants pour rejoindre l'avant de la foule : «C'est un symbole très fort politiquement qu'on soit en tête ! Les minorités parmi les minorités prennent la place», s'exclame la comédienne de 27 ans.

Photo Marie Rouge pour Libération

Politiser cette marche des fiertés, c'est justement ce qui anime les milliers de personnes rassemblées ce samedi. Cette mobilisation, organisée en quinze jours seulement, se passe des multitudes de chars et des haut-parleurs débordants de musique. Selon Giovanna Rincon, icône de la lutte pour les droits des personnes trans, «la musique la plus importante, c'est celle qui va crier notre colère, raconter nos histoires et chanter nos combats. Aujourd'hui, on montre tous à quel point on n'en peut plus du pinkwashing et du capitalisme qui cherche à s'enrichir sur le dos de nos luttes à chaque pride !»

Un besoin de révolte qui s'inscrit pour beaucoup dans la lignée des émeutes de Stonewall, en 1969 : «C'est ce qui a marqué le début des mouvements revendicatifs LGBT. Des femmes trans, racisées et travailleuses du sexe ainsi que des lesbiennes butch étaient en première ligne pour défendre les droits des minorités sexuelles et de genre face à la police», rappelle Cécile Chartrain, présidente de l'association Les Dégommeuses. «Avec cette pride, on réinvente ce qui s'est passé il y a cinquante ans dans un contexte où tout est fait pour nous empêcher d'être là. Ce n'est pas juste une fête, c'est une lutte collective», renchérit Giovanna Rincon.

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«C’est la convergence des luttes»

«Nous sommes fortes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère !» ; «La vie des noirs compte» ; «Et tout le monde déteste la police»… Dans les rues de Paris, les voix s'élèvent en cœur pour scander tour à tour des slogans symbolisant l'ensemble des combats qui réunissent les manifestants. «C'est la convergence des luttes. On est là pour hurler qu'on veut des droits, on veut du travail, un accès à la santé ! On est aussi là pour dire qu'on ne veut plus de la précarisation des travailleuses du sexe, des violences policières et du racisme !», clame Fred Bladou.

Photo Marie Rouge pour Libération

Malgré l'importance de la mobilisation, Anaïs de Lenclos, porte-parole du Syndicat du travail sexuel (Strass), n'ose même pas caresser l'infime espoir de voir les voir choses changer bientôt, face à un gouvernement «absolument pas progressiste» : «Je sais que je lutte pour quelque chose que je ne verrai pas. Mais quand je vois la force de la relève, je croise les doigts pour l'avenir.» Avec plusieurs dizaines d'années de militantisme à son actif, Giovanna Rincon compte elle aussi sur les prochaines générations pour agir pour les luttes intersectionnelles : «Nos slogans sont encore plus beaux quand ils sont criés par la jeunesse queer, car je sais qu'elle ne lâchera pas le combat après nous !»

(1) A la demande de l'organisation, la tête de cortège n'a pas été photographiée afin de protéger l'identité des manifestant·es.

Photo Marie Rouge pour Libération

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