Pride toujours nécessaire
Photo: Laurane Bindelle
Société

9 raisons pour lesquelles la Pride est toujours nécessaire

C’est malheureux qu’il faille encore vivre et présenter ces traumatismes collectifs pour montrer que la Pride est toujours nécessaire et qu'elle devrait être plus qu'une célébration commerciale.
Inke Gieghase
Ghent, BE

Ce samedi 22 mai, on aurait dû célébrer la Belgian Pride dans les rues de Bruxelles. Mais comme en 2020, elle a été annulée, ce qui nous donne l’occasion de nous pencher sur sa signification. 

Au fil des ans, la Pride est devenue de plus en plus commerciale, avec ses chars brandés et les partis politiques qui profitent de l’événement pour gagner en visibilité – coucou le pinkwashing. Chaque année aussi, se pose la question de savoir si elle est encore nécessaire en Belgique aujourd’hui. « Bah, vous avez tous les droits maintenant, non ? »  

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VICE a énuméré 9 raisons qui expliquent la nécessité de la Pride et pourquoi elle ne doit pas perdre son côté protestataire.

1. Les contestations, c’est la base de la Pride
Retour sur les racines. En juin 1969, des émeutes éclataient à New York. Pendant plusieurs jours, la communauté LGBTQ+ s'est mobilisée en masse contre les violences policières et cet événement, qui a été baptisé « les émeutes de Stonewall », a conduit à la création d'organisations LGBTQ+ telles que le « Gay Liberation Front » et « Lavender Menace ». La première Pride a eu lieu un an après. Beaucoup de gens considèrent les émeutes de Stonewall comme le point de départ de la libération LGBTQ+. Il est important de noter que les femmes trans noires et les femmes trans de couleur en général étaient à la tête de ce mouvement de libération. Près d’un demi-siècle plus tard, en 2020, au moins 350 personnes trans ont été assassinées dans le monde - chiffre qui n’englobe que les cas qui ont été un minimum médiatisés. 98% étaient des femmes trans, et aux États-Unis, 79% du temps, il s’agissait d’une femme trans de couleur. Pourtant, ces faits déclenchent généralement peu d’indignation. 

2. C’est l’occasion de lutter contre les inégalités au sein des communautés LGBTQ+
Le racisme et la transphobie sont également présents au sein des communautés LGBTQ+. Les personnes trans de couleur sont parmi les plus marginalisées au sein des communautés LGBTQ+, et de la société en général. Marsha P. Johnson, une femme trans noire, a été assassinée alors qu'elle se battait pour nos droits. Quant aux paroles de Sylvia Rivera, une éminente militante proche de Marsha P. Johnson, elles ont souvent été ignorées par la communauté LGBTQ+ blanche de la classe moyenne. Encore aujourd'hui, ces mécanismes d'exclusion et d’invisibilisation perdurent, dans les communautés LGBTQ+ ou en dehors. Comme l'a dit Marsha P. Johnson, « Nous sommes tou·tes ensemble dans cette course effrénée ! » et c'est exactement ce pourquoi la Pride doit encore être un moment de convergence des luttes.

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3. La violence verbale envers la communauté LGBTQ+ est en hausse
Si on examine de plus près la façon dont les gens réagissent aux publications liées aux thématiques LGBTQ+ en ligne, en particulier sur les réseaux sociaux, on remarque également à quel point l'ignorance et l’incompréhension persistent. Par exemple, Demi Lovato a récemment annoncé sur ses réseaux qu’iel était non-binaire et aimerait utiliser les pronoms « they/them », soit « iel » en français. Certains commentaires sous des publications partagées en Belgique disaient : « À quand les coming-outs en tant que tondeuses à gazon ? », « “Demi Lovato est confuse” serait un meilleur titre », ou « Ne vous droguez pas ! Sinon, vous allez finir comme ça ». Tant en ligne qu’hors ligne, ce genre de commentaires procure un sentiment d’insécurité grandissant pour les personnes LGBTQ+.

Le rapport 2021 du Rainbow Europe, qui montre notamment l'état des droits des LGBTQ+ en Europe, souligne également une augmentation des discours de haine provenant des réseaux sociaux et des politiques. Il y a encore deux mois, Jef Elbers du Vlaams Belang déclarait : « la transexualité est anormale ». Avant ça, il parlait déjà de « maladie transgenre ». En 2019, sept politiques du Vlaams Belang, dont Dominiek Sneppe et Filip De Man, avaient clairement dit qu'ils étaient tout sauf sympathisants des communautés LGBTQ+. Tout ça n’a pas empêché le Vlaams Belang d’obtenir beaucoup de voix lors des élections de 2019.

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4. Les communautés LGBTQ+ ne se sentent pas en sécurité dans l’espace public
L'année dernière, une étude a montré qu'en Belgique, deux tiers des personnes LGBTQ+ n'osent pas marcher main dans la main en rue, alors même que le pays se hissait à la deuxième place du classement Rainbow Europe avec un score de 74%. Malheureusement, l'égalité des droits ne rime pas toujours avec acceptation et liberté, soit des choses pour lesquelles on se bat activement et publiquement depuis des décennies. Dans cette même étude, 42% des répondant·es ont indiqué avoir été harcelé·es au cours de l’année en raison de leur orientation sexuelle, leur identité de genre et/ou de son expression. Une personne sur trois évite même certains endroits pour cette raison. Et moins d'une personne sur trois est complètement out sur son lieu de travail.

5. Les violences envers les personnes LGBTQ+ sont aussi physiques
En mars dernier, David P., un homme gay, a été violemment tué à Beveren après avoir été piégé sur l’app de rencontre Grindr. Les suspects étaient déjà connus pour des faits d’homophobie. Il y a encore quelques jours, lors de l'IDAHOT, la Journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, un jeune ado d'Audenarde s’est fait tabasser et voler son drapeau arc-en-ciel, et la vidéo a pas mal tourné sur les réseaux. Si on remonte un peu plus loin, à l'été 2020, on peut se rappeler du groupe de discussion en ligne Criminal System, qui incitait à la violence envers les personnes LGBTQ+. Hélas, ces événements ne sont que la pointe de l'iceberg et il n’est pas rare d’entendre des propos du style « Il faut éradiquer la communauté LGBTQ+ », ou encore « Si mon enfant est gay, je le tue ».

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6. La thérapie de conversion est toujours légale en Belgique
Comme en 2020, la Belgique reste cette année à la deuxième place du Rainbow Index, avec le même score de 74%. Pas de progrès, donc. D’ailleurs, le rapport nous rappelle que la thérapie de conversion est toujours autorisée chez nous. La thérapie de conversion vise à « guérir » les personnes LGBTQ+ et à s'assurer qu'elles redeviennent hétérosexuelles et/ou cisgenres. 

En 2018, un projet de loi avait déjà été déposé en Belgique pour interdire la thérapie de conversion, mais la proposition est tombée aux oubliettes. Il y a un an, un autre projet de loi a été déposé pour imposer l'interdiction, mais il n'a pas encore été mis en pratique à ce jour. Pour info, l'an dernier, une étude américaine avait montré que les jeunes suivant une thérapie de conversion avaient deux fois plus risques de commettre une tentative de suicide, et même 2,5 fois plus de le tenter à plusieurs reprises.

7. Les mutilations génitales (intersexes) sont toujours légales
Une autre pratique qui a toujours lieu en Belgique : la chirurgie sur les bébés intersexes, c’est-à-dire qui sont nés avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques ou chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins. Avant même que les enfants ne puissent donner leur consentement sur ce qui arrivera à leur propre corps, des opérations sont effectuées presque immédiatement après la naissance alors qu’il n'y a souvent aucun risque pour la santé qui justifie ce genre d’opérations. L’ONU qualifie cette pratique de « mutilations génitales (intersexes) » et assimile ces interventions à de la « torture », parce qu'elles ont un impact traumatique durable sur l'enfant.

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8. Le taux de suicide dans la communauté LGBTQ+ reste inquiétant
Une étude de Çavaria menée en 2020 a montré que la santé mentale des personnes LGBTQ+ est fragile. Plus du quart des participant·es ont indiqué avoir déjà fait une ou plusieurs tentatives de suicide. Le chiffre atteint même les 38,7% pour les personnes trans. Selon un échantillon que j'ai moi-même interrogé récemment, sur 132 personnes non-binaires flamandes ou qui ne se retrouvent pas dans la division classique homme-femme, 85% avaient déjà eu des pensées suicidaires et 31% avaient déjà fait une ou plusieurs tentatives de suicide.

La pandémie a également eu un impact extrêmement négatif sur ces chiffres. Par exemple, les chiffres de Lumi, la ligne d'accueil et d'information de Çavaria pour les questions sur le genre et l'orientation sexuelle, ont montré que dans la période allant de la mi-mars à la mi-mai 2020, le nombre d’appels concernant le suicide a plus que triplé par rapport à la même période dans une année classique. C’est en partie dû à la perte d'un environnement social (plus) sûr et aux longues listes d'attente pour l'assistance psychologique.

9. On sera libres quand tout le monde le sera
Quand on regarde au-delà des frontières belges, on voit pourquoi les contestations sont encore nécessaires. Dans 11 pays, l'homosexualité est passible de la peine de mort. Et c’est un crime dans 69 pays. Le mariage homosexuel n'est quant à lui légal que dans 29 pays du monde. Dans le monde entier, les droits et la vie des personnes LGBTQ+ sont en danger. Tout ça, non seulement à cause de la LGBTQ-phobie, mais aussi à cause du sexisme, du validisme et d'autres formes de stigmatisation et d'oppression.

C’est malheureux qu’il faille encore vivre et présenter ces traumatismes collectifs pour montrer que la Pride est toujours nécessaire et qu'elle devrait être plus qu'une célébration commerciale. Il faut chercher des moyens de concilier le but originel de la Pride (l'activisme) avec la célébration qu'elle est devenue aujourd'hui. Parce que jusqu'à aujourd'hui, la Pride a été une lutte contre la discrimination et l'exclusion vécue par les personnes LGBTQ+, en Belgique et ailleurs.  

Les points ci-dessus représentent la triste réalité quotidienne des personnes LGBTQ+ en Belgique et ailleurs.

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