GPA - Grégory et Dan Merly-Sobovitz, 35 et 36 ans, respectivement consultant en affaires publiques et fonctionnaire européen, sont les heureux parents de jumeaux de tout juste six semaines. Leurs petits garçons sont nés aux États-Unis après un parcours de GPA (Gestation Pour Autrui).
Quatre semaines après la naissance des jumeaux, tous les quatre arrivent en France mi-juillet 2019 pour leur faire rencontrer amis et famille. “Comme tous les bébés de cet âge, après notre arrivée en France, ils avaient des petits problèmes pour manger, au changement de lait et au changement de tétines”, énumère Grégory Merly-Sobovitz, interrogé par Le HuffPost.
Les parents décident de se tourner vers les services de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) dont la mission de service public est de suivre les femmes enceintes et les enfants jusqu’à leurs six ans. Une puéricultrice vient les voir à domicile à trois reprises en quelques jours pour s’assurer que les deux petits garçons vont bien.
“Leur expliquer que leur maman les a abandonnés”
“Dès la deuxième visite, certaines questions et remarques nous ont paru étranges”, se rappelle Dan Merly-Sobovitz. “Il va falloir leur expliquer qu’ils n’ont pas de maman, leur aurait dit la puéricultrice, ils pensent qu’elle les a abandonnés. Leurs troubles viennent peut-être de la rupture qu’ils vivent avec la maman qui leur a donné la vie.”
Dès lors, les deux pères lui expliquent leur parcours, le fait que la mère porteuse n’a pas donné d’ovule et que le contact est si fort entre la famille et elle qu’elle est devenue la marraine des jumeaux. “C’est une faute professionnelle, mais au quotidien, même dans notre famille, on doit aussi faire de la pédagogie”, déplore Grégory.
Son mari, lui, peine à garder son calme quand la même professionnelle, lors de la dernière visite, leur rétorque “c’est normal d’avoir du mal avec les bébés, c’est plus difficile quand vous êtes deux papas.” Juste avant de les quitter, elle leur glisse des feuilles imprimées et leur conseille de regarder le film “Pupille”. Ce film sorti en 2019 avec Gilles Lelouche et Sandrine Kimberlain raconte l’histoire de la naissance sous X d’un petit Théo et des deux mois qui suivent l’accouchement.
“Je ne vois pas le parallèle avec notre histoire, nos fils ne sont pas des enfants abandonnés”, lui assène alors Dan. Après son départ, le couple lit l’article imprimé que la professionnelle de santé leur a remis. Il s’agit d’une tribune d’opinion d’une psychiatre, Anne Schaub, parue dans le journal belge, La Libre sur le traumatisme supposé des enfants nés par la GPA. Cette psychiatre, farouchement opposée à la GPA est régulièrement citée par La Manif Pour Tous.
Depuis les années 1970, la science s’est beaucoup intéressée aux enfants grandissant dans les familles homoparentales en général. En 2002, une première étude anglaise a été publiée sur la santé mentale des enfants nés par GPA dont la conclusion était que ces enfants ne présentaient pas plus de problèmes psychologiques que les autres. Une autre étude de 2014 s’est intéressée à la qualité du lien qui pouvait perdurer entre la mère porteuse et la famille de l’enfant. Les chercheurs ont conclu que les mères porteuses avaient en majorité gardé de bons contacts avec la famille.
“Nous comprenons alors que la puéricultrice est pétrie de stéréotypes sur les familles homoparentales”, conclut Grégory. Le couple décide de lui adresser un courrier qu’ils partagent sur Twitter pour lui exprimer leur émotion:
Les deux hommes précisent qu’ils ne divulguent ni le nom de la professionnelle ni le département duquel dépend cette antenne de la PMI. “Nous ne voulons pas faire de chasse aux sorcières”. Mais qu’ils écriront certainement aux présidents et présidentes de département pour leur demander de faire de la prévention.
Les centres de PMI dépendent de chaque département. Pour l’instant, aucun programme de formation spécifique pour les familles homoparentales n’a été mis en place, selon Jérémy Faledam, le coprésident de SOS Homophobie contacté par Le HuffPost.
“J’ai peur de l’homophobie indirecte que vont recevoir nos enfants.”
Grégory et Dan veulent faire preuve de patience et de pédagogie. “On a expliqué beaucoup de choses sur notre parcours. Notamment que la femme qui a porté nos enfants n’est pas leur mère biologique, que ce sont nos enfants à tous les deux. Mais ça devient lassant”, explique avec émotion Dan. “J’ai peur de l’homophobie indirecte que vont recevoir nos enfants”, ajoute Grégory.
Partager ainsi ce qui leur est arrivé leur aura permis de prendre conscience d’une chose: la diversité des familles qui les entourent. “Parmi les personnes qui ont répondu à mon tweet, on retrouve un couple de lesbiennes qui racontent leur propre expérience avec un pédiatre mais aussi une mère qui élève seule son enfant et qui parle des regards culpabilisants du médecin sur sa famille. Ça me rend furieux. Même si l’on ne partage pas l’avis d’un professionnel de santé, de par sa position, son avis a forcément un impact sur moi ou sur toute autre personne qui est face à lui.”
Alexandre Urwicz, président de l’association des familles homoparentales contacté par Le HuffPost n’est pas étonné par cette histoire. En l’espace de cinq ans, ce n’est certes que la deuxième fois que des adhérents, comme Grégory et Dan, lui font remonter un tel problème avec un centre de PMI mais cela s’explique facilement.
“Généralement, nos adhérents se tournent plutôt vers des pédiatres. On s’échange d’ailleurs, sur nos forums, de bons professionnels. La consultation en PMI, ça reste en cas d’urgence et c’est peut-être justement pour éviter une confrontation avec une personne moins bien informée sur l’homoparentalité qu’un pédiatre qui a déjà des familles homoparentales dans sa patientèle. Le pédiatre est aussi un professionnel qui ne claquera pas la porte à un patient qui est aussi un client”.
Dan et Grégory réfléchissent déjà à comment ils pourront protéger leurs enfants dans le futur. Du choix de la ville qui devra forcément être ouverte aux questions LGBT+ au choix de l’école qui devra accueillir des familles homoparentales. Si les plans sont clairs pour protéger au mieux leurs enfants, ils savent aussi que leurs jumeaux devront composer avec l’homophobie.
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