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Premiers numéros de gai Pied. 1979-1982
EDOUARD CAUPEIL POUR «LE MONDE»

Le procès des « backrooms » du club Le Manhattan, moment symbolique dans l’histoire des luttes homosexuelles

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Publié le 04 août 2022 à 12h40, modifié le 05 août 2022 à 13h07 (republication de l’article du 20 janvier 2022 à 03h11)

Temps de Lecture 7 min. Read in English

« Que personne ne bouge ! » La lumière du projecteur troue l’obscurité de la « backroom », au sous-sol du Manhattan. Elle éclaire crûment les ébats des clients de ce bar du 8, rue des Anglais, en plein cœur de « la Maube », le quartier Maubert, dans le 5e arrondissement de Paris. Stupeur. Est-ce un nouveau jeu ? Une vraie descente de police ? « C’était sidérant. On était entre nous, dans la pénombre, et tout à coup j’entends : “Police !” J’ai d’abord pensé que les flics étaient là pour une histoire de stupéfiants. Puis la lumière s’est faite… »

Michel Chomarat chez lui, à Lyon, le 11 décembre 2021.

Le Lyonnais Michel Chomarat se trouvait au Manhattan, cette nuit du 25 au 26 mai 1977. Père communiste, mère catholique : c’est un pur enfant de l’après-guerre. Il a alors 29 ans, travaille pour une entreprise industrielle à Roanne, dans la Loire, et profite d’un déplacement professionnel – un salon de la communication – pour passer le week-end dans la capitale. « Je pense que les policiers se trouvaient depuis un moment au milieu de nos ébats, raconte-t-il aujourd’hui dans son appartement du quartier de la Préfecture, à Lyon. En tout cas, ils étaient en civil, jeunes et beaux… » Michel Chomarat a 73 ans et on devine qu’il a bien vécu.

A l’époque, Paris s’est mis à la mode américaine des leather bars, des « bars cuir », comme le Daytona, rue Notre-Dame-de-Lorette, ou le Keller, à la Bastille, dont le célèbre billard trouve, paraît-il, d’autres usages que celui auquel il est destiné.

Au Manhattan, le dress code du moment, c’est la tenue disco du groupe Village People : perfecto, jean, moustache si possible. Cette nuit du printemps 1977, Michel Chomarat s’est posté vers minuit devant la porte du club, ouvert jusqu’à l’aube. « Tu es qui ? » « Tu viens de la part de qui ? » C’est le rituel ici : chaque soir, une voix, derrière le judas, questionne le client qui vient de sonner. « O.K., entre ! »

Lire aussi (1982) : Article réservé à nos abonnés Le " poppers ", plus que centenaire

Inauguré en 1974, le Manhattan se distingue des autres bars en proposant des consommations bon marché. Il faut dire qu’on n’y vient pas pour siroter un Vittel-fraise. Michel Chomarat s’attarde d’ailleurs rarement au bar et file vite au sous-sol. L’y attendent trois « caves bouillonnantes comme un chaudron d’enfer », détaille un guide parisien de l’époque, séduit par « l’extraordinaire éclectisme racial, social et hormonal de la clientèle ». Michel Chomarat corrige l’enthousiasme du chroniqueur : « Soyons francs. J’adorais, mais c’était glauque, humide ; ça puait les poppers et la sueur. »

« Ebats sexuels collectifs »

« Police ! » Le petit commando équipé de lampes torches et d’un projecteur est dirigé par l’inspecteur Duval, « spécialisé dans l’outrage public », précisera par la suite Libération, engagé depuis toujours dans la défense des minorités sexuelles. Toujours selon Libé, l’inspecteur intervient sur « dénonciation ». Les jalousies sont vives entre les patrons de boîte depuis que le monde de la nuit se développe à toute vitesse : en cette fin des années 1970, Paris compte 86 lieux de rencontre gay, sans oublier les 65 saunas. La brigade des stupéfiants et du proxénétisme a été informée que le Manhattan reçoit « des individus se livrant à des ébats sexuels collectifs ». Deux incursions discrètes, au printemps, s’étaient révélées vaines : pas d’« outrage » ces soirs-là. Mais les enquêteurs en avaient profité pour repérer les lieux…

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