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A police officer tries to drive back a dozen women participating in a demonstration, with banners and sheaves, proclaiming in particular
AFP

Le gai activisme des Gouines rouges

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Publié le 13 août 2022 à 05h59, modifié le 02 septembre 2022 à 15h56

Temps de Lecture 11 min.

Ce soir-là, la fête a tourné court. Le 26 août 1970, neuf militantes féministes décident de déposer sous l’Arc de triomphe une gerbe en hommage à la femme du Soldat inconnu. Une façon de manifester leur soutien à la grande grève nationale pour le droit des femmes organisée le même jour aux États-Unis par le Women’s Liberation Movement, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la ratification du droit de vote des Américaines.

Les voilà qui débarquent au centre de la place de l’Etoile, banderoles floquées de slogans comme « solidarité avec les femmes en grève aux USA », « il y a encore plus inconnu que le Soldat inconnu, sa femme » ou « un homme sur deux est une femme ». Mais les gendarmes aussi sont là : ils repoussent les manifestantes et les embarquent au poste. Le bouquet ne sera jamais déposé.

Ce happening un peu brouillon sera considéré plus tard comme l’acte fondateur du Mouvement de libération des femmes (MLF). Parmi ses initiatrices : la romancière et essayiste Monique Wittig, l’écrivaine Cathy Bernheim, la sociologue Christine Delphy ou l’universitaire américaine Margaret Stephenson. On l’ignore souvent, mais ces femmes cofonderont huit mois plus tard les Gouines rouges, premier groupe lesbien créé en France.

On pourrait voir un présage dans ces banderoles facétieuses remballées avant même d’être vraiment dépliées. Inconnue du grand public, négligée par les intellectuels, cette aventure iconoclaste et joyeuse qui durera de 1971 à 1973 marque pourtant un pas de géant dans la visibilité des lesbiennes françaises.

Baptême du feu

« Les gens n’imaginent pas à quel point nous étions heureuses de nous retrouver… » Attablée à une terrasse du Quartier latin, Marie-Jo Bonnet, 73 ans, fredonne avec gourmandise quelques chansons inventées par les Gouines rouges. Autrice d’une des premières thèses sur l’histoire des femmes (Les Relations amoureuses entre les femmes. XVIe-XXe siècle, Odile Jacob, 2001), l’historienne évoque ce groupe dont elle a été membre : « Les Gouines rouges, c’est l’entrée du possible dans le réel. Que nous ayons osé nous appeler ainsi alors que nous sortions à peine de la clandestinité est extraordinaire. »

L’aventure des Gouines rouges commence pour Marie-Jo Bonnet au sein du MLF, qu’elle rejoint en 1971. Comme baptême du feu, elle choisit de participer au boycott d’une conférence antiavortement donnée à l’Institut catholique de Paris. Elle se souvient encore de l’odeur du parquet ciré qui lui rappelle ses années de pension à Notre-Dame d’Orbec, en Normandie. Comme si son passé et son futur se télescopaient.

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