Myriam et Marie hésitent (les prénoms ont été modifiés). Entre la volonté de parler, de dénoncer, et l’envie de se faire oublier, de tout effacer. Victimes de violences homophobes, à Lyon, le 15 mars, les deux jeunes femmes sont devenues un symbole national, malgré elles. Traumatisées par l’affaire, elles sont restées plusieurs jours recluses. Sous le choc. Tétanisées par la scène qu’elles ont vécue autant que par l’écho médiatique qui enflait, sans leur donner la parole, comme si elles ne s’appartenaient plus.
« C’est l’occasion de dire à tous ceux qui ne nous acceptent pas que nous vivons, tous, dans un pays où on a le droit de s’aimer comme on veut. » Marie, étudiante en droit
Après beaucoup d’hésitations, elles acceptent un rendez-vous, chez leur avocat, à condition de ne pas être identifiées. « Ce qui nous est arrivé, il faut peut-être y trouver un sens. C’est l’occasion de dire à tous ceux qui ne nous acceptent pas que nous vivons, tous, dans un pays libre, un pays où on a le droit de s’aimer comme on veut », confie Marie, 19 ans, étudiante en droit. Une longue mèche brune cache le côté gauche de son visage. Ses cheveux ondulés dissimulent une estafilade rose, sur la joue, le long de la mâchoire, trace du coup de cutter qu’elle a reçu. « Nous n’avions rien demandé, tout est arrivé d’un coup, on a vu notre histoire à la télé ! On avait l’impression que ce n’était pas nous », ajoute Myriam, 22 ans.
Gorges serrées, les jeunes femmes, en couple depuis six mois, se remémorent ce vendredi, en début de soirée. Elles sortaient du cinéma, dans le centre commercial La Part-Dieu, à Lyon. Elles se tenaient la main en descendant les escaliers roulants. En empruntant le dernier couloir vers la sortie, elles ont échangé un baiser. Derrière elles, des jeunes filles se sont moquées. D’après leur souvenir, une voix forte leur a lancé : « Faites pas ça ici, il y a des mineurs, vous n’avez pas honte ! »
Gendarme réserviste et étudiante, Myriam a les idées assez claires sur la loi et les règles à respecter. Elle s’est retournée en s’adressant franchement au groupe : « Quel est le problème exactement ? » Les jeunes filles étaient six ou sept, âgées de 16 à 20 ans environ, estiment-elles. Des paroles méprisantes ont fusé. Myriam a répliqué : « Il va falloir grandir un peu ! » L’effet de groupe a alors amplifié les tensions.
« Sales gouines »
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