Interview

Plan contre les discriminations LGBT+ : «Les objectifs vont dans le bon sens mais ce n'est pas suffisant»

LGBT +dossier
La ministre chargée de la Diversité, Elisabeth Moreno, a annoncé ce mercredi 42 objectifs pour lutter contre la haine anti-LGBT+. Des mesures qui restent insuffisantes pour SOS Homophobie.
par Marlène Thomas
publié le 15 octobre 2020 à 7h09

L'an passé, 1 870 victimes d'actes homophobes ou transphobes ont été recensées et 55% des personnes LGBT+ ont subi des actes anti-LGBT+ au cours de leur vie. Ces données alarmantes ont été rappelées ce mercredi à l'occasion de la présentation par la ministre chargée de la Diversité, Elisabeth Moreno, du plan pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT. Comprenant 42 objectifs, il vise à «faire des personnes LGBT+ des citoyennes et des citoyens à part entière», indique la ministre dans un communiqué. Parmi ces différents points, les nouvelles mesures se mêlent à de plus anciennes que le gouvernement souhaite amplifier : la lutte contre les thérapies de conversion, la PMA pour toutes ou encore la facilitation de l'utilisation du prénom d'usage pour les personnes trans dans les documents administratifs non officiels. Véronique Cerasoli, porte-parole de SOS Homophobie, réagit à ces annonces.

Ce plan apporte-t-il des réponses nouvelles contre la haine et les discriminations LGBT+ ?

On attendait la sortie de ce plan depuis plusieurs mois : on est contents qu'il prenne enfin forme. Les pouvoirs publics doivent agir dans la lutte contre la haine et les violences anti-LGBT, c'est une évidence. Les objectifs vont dans le bon sens et certaines mesures annoncées sont intéressantes mais ce n'est pas suffisant. On se satisfait que le plan prenne en compte un large spectre de thématiques car les discriminations et violences LGBTIphobes se retrouvent dans toutes les sphères de la vie : la justice, la santé, la police, l'éducation, le sport, la famille.

Il y a deux choses marquantes : il va y avoir un comité de suivi, que l'on réclamait. Ce n'est pas anodin. La première évaluation aura lieu en mars puis tous les six mois. Il est prévu que les associations y prennent leur part. On peut saluer également l'ajout de mesures spécifiquement liées à la réalité des violences vécues par les personnes intersexes. C'est aussi grâce au travail d'information, d'éducation et de sensibilisation fait par les associations. Pour le reste, ce plan est vraiment dans la continuité du précédent (2016-2019). Ce qui est annoncé reste faible et, surtout, les moyens alloués sont très flous.

L’accent est mis sur l’éducation, un enjeu majeur…

Tout passe par l'école en termes de sensibilisation, d'éducation si on veut que ça change sur le plus long terme. On entend parler de la création d'un site dédié, «Eduquer contre les LGBTphobies», avec mise à disposition de guides. L'un à destination du personnel de l'éducation nationale et du supérieur devrait concerner l'accueil des élèves trans. Très bien, mais comment ces guides vont-ils être élaborés ? Cela ne suffit évidemment pas à former le personnel éducatif, donc in fine les étudiants et élèves, à la sensibilisation mais aussi à l'accueil et à l'accompagnement des élèves LGBT. Le plan propose de créer un observatoire de la haine anti-LGBT+ dans chaque académie. C'est une mesure nouvelle que, fort de nos vingt-cinq ans d'expérience notamment en milieu scolaire, on demande depuis longtemps. Mais nous attendons de voir la suite, car beaucoup de choses étaient indiquées dans le premier plan et sont restées au stade des bonnes intentions.

Notez-vous certains angles morts ?

On a plusieurs déceptions. Parmi les quatre axes, on relève dans le premier sur la reconnaissance des droits le focus sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Nous voulions une loi inclusive et égalitaire. Quand madame la ministre évoque la PMA, on n'est toujours pas sur une loi inclusive puisqu'elle exclut les hommes trans, donc des personnes en capacité de porter un enfant. Elle n'est pas non plus égalitaire puisqu'elle consacre un système de filiation différent de celui des couples hétérosexuels pour les couples lesbiens.

Concernant les personnes trans, la loi de 2016 a permis de démédicaliser le changement de sexe à l'état civil, mais on reste sur une judiciarisation du processus. Ce plan évoque une évaluation de l'application de cette loi et le lancement d'une étude comparée sur ce qui est fait dans les autres pays de l'Union européenne. Les personnes trans sont visibilisées mais l'avancée des droits n'y est pas. Elles devront encore passer devant le juge pour changer d'état civil. Une telle annonce n'est pas satisfaisante en 2020 en France, alors que les choses ont avancé chez nos voisins.

La ministre a cependant bien compris qu'il ne suffisait pas d'avoir des droits et des lois pour qu'ils soient véritablement effectifs. Elle a évoqué les adoptions par les couples de même sexe, autorisées par la loi depuis 2013 mais pas appliquées. Cette prise de conscience est à saluer. Maintenant, on attend de voir les moyens, les budgets pour la formation initiale mais aussi continue des pouvoirs publics, des services publics censés accueillir, accompagner, protéger tous les citoyen·ne·s sans discriminations en raison du genre, de l'identité de genre ou de l'orientation sexuelle. Je crains que les mesures annoncées ne soient pas à la hauteur du contexte de violences et de discriminations LGBTIphobes, de leur ancrage et de leur quotidienneté dans la vie de ces personnes.

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