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Hongrie : la loi contre la "promotion" de l’homosexualité, un texte "liberticide"

Adoptée par le parlement hongrois le 15 juin, la loi interdisant la “promotion” de l’homosexualité auprès des mineurs entre en vigueur mercredi. Un texte jugé liberticide par les défenseurs des droits et dont France 24 détaille les contours et les implications.

Un manifestant devant le parlement hongrois, le jour du vote sur le projet de loi interdisant la "promotion" de l'homosexualité, à Budapest, le 14 juin 2021.
Un manifestant devant le parlement hongrois, le jour du vote sur le projet de loi interdisant la "promotion" de l'homosexualité, à Budapest, le 14 juin 2021. © AFP - Gergely Besenyei
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Un texte de loi qui représente une "honte" et "va à l'encontre de toutes les valeurs fondamentales de l'UE". Le 23 juin, depuis Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’a pas mâché ses mots pour dénoncer la loi hongroise interdisant la "promotion" de l'homosexualité auprès des mineurs. La Hongrie n'a "plus rien à faire dans l'Union européenne" déclarait pour sa part le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, fustigeant un texte discriminatoire visant la communauté LGBT. 

Pourtant, malgré les vives critiques de la communauté internationale et la mobilisation militante en Hongrie, le texte controversé, adopté par le parlement hongrois le 15 juin, entre en vigueur mercredi 7 juillet dans le pays. Une loi qui dresse un dangereux parallèle entre homosexualité et pédophilie et qui suscite l’inquiétude des militants des droits de l’Homme. Explications.  

Une loi contre la pédophilie 

L’amendement interdisant la "promotion" de l'homosexualité s’inscrit dans un projet de loi plus large dont l'objectif est de combattre la pédophilie. En avril 2020, l’ambassadeur hongrois au Pérou, Gábor Kaleta, est démis de ses fonctions dans une affaire de pédopornographie : près de 20 000 clichés d’enfants ont été retrouvés sur son ordinateur. Rapatrié et jugé en Hongrie, le diplomate écope d’une faible amende et échappe à la prison. Une peine jugée bien trop légère par la population et qui suscite des critiques. Le parti au pouvoir décide alors de plancher sur un projet de loi pour lutter plus efficacement contre les criminels sexuels. Les députés souhaitent notamment réévaluer la durée des peines et créer un registre public répertoriant les pédophiles. Mais quelques semaines avant le vote au parlement, le 15 juin, un nouvel amendement est ajouté à ce projet de loi : il s’agit d’un volet dédié à la "protection des enfants" qui n’a alors plus rien à voir avec la pédophilie, mais vise les contenus faisant référence à la sexualité et notamment l’homosexualité.  

"Protéger les enfants et les parents" 

Ce nouvel amendement tend à interdire toute référence à l’homosexualité ainsi qu’à la transsexualité au sein des contenus éducatifs et culturels accessibles aux mineurs. "La pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l'identité de genre, le changement de sexe et l'homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans", spécifie le texte. 

"Les lois bafouant les droits des homosexuels sont légion en Hongrie", déplore Judit Takacs, sociologue hongroise spécialiste des questions LGBT contactée par France 24. "En 2020, pas moins de trois réformes sont passées, pour rendre impossible la reconnaissance du changement d’identité, ajouter la notion de genre dans la définition du père et de la mère ainsi que pour renforcer le contrôle des adoptions. Mais cette fois, en créant cet amalgame entre pédophilie et homosexualité au sein d’un projet de loi unique, le gouvernement Orban est allé vraiment trop loin".  

À la veille du vote, des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement pour demander le retrait de l’amendement. Accusé d’homophobie par les dirigeant européens, Viktor Orban reste sur sa ligne. "Il ne s’agit pas d’une loi sur l’homosexualité mais d’une loi sur la manière d’éduquer les enfants sur les questions de sexualité. (…) Il revient aux parents d’en décider. C’est une loi pour protéger les enfants et les parents", insistait-il au sommet de Bruxelles, le 24 juin.

>> Lire aussi : Droits LGBT en Hongrie, que peut faire l'Europe pour s'opposer à Viktor Orbán ?

Vers la censure généralisée ? 

Cette nouvelle loi pourrait mener à une censure de masse en Hongrie. Plusieurs ONG se sont inquiétées de voir de nombreux produits de la culture populaire destinés à la jeunesse potentiellement interdits, comme la série "Friends", dont l’histoire inclut une relation lesbienne, ou bien "Billy Elliot", film dans lequel un garçon révèle son homosexualité.  

L’inquiétude est d’autant plus grande que plusieurs affaires de ce type ont déjà défrayé la chronique en Hongrie. En 2019, une publicité pro-LGBT pour Coca-Cola avait été vertement critiquée par certains membres de la majorité, qui avaient appelé à boycotter la marque. L’année suivante, c’est un livre inclusif pour enfant "Le pays des merveilles appartient à tout le monde", qui a suscité la colère de membres du gouvernement. Ces derniers ont jugé qu’il s’agissait d’un ouvrage de "propagande homosexuelle".  

"L’application stricto sensu de cette loi paraît difficile, au simple motif qu’elle nécessiterait un travail colossal de vérification", juge Judit Takacs. "Ce qui m’inquiète en premier lieu, c’est l’effet psychologique désastreux que cette loi va avoir sur les jeunes générations. La majorité sexuelle est établit à 14 ans en Hongrie, or toute référence à l’homosexualité est désormais interdite aux mineurs jusqu’à l'âge de 18 ans. Cette loi enferme les jeunes homosexuels dans le silence et la solitude, à un âge crucial qui correspond à la découverte de la sexualité". 

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