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Masculinités : Sean Penn bien mâle inspiré

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L’acteur américain déplore une société dans laquelle les hommes «féminisés» ont troqué «leurs jeans pour la jupe». Une vision essentialiste de ce que doit être et ce à quoi doit ressembler un homme.
par Florian Bardou
publié le 31 janvier 2022 à 18h14

Comment tombent les icônes ? Avec des propos plus que fâcheux, douteux ou carrément à côté de la plaque. Dernier exemple en date : la sortie virilo-mascu de Sean Penn. L’acteur américain, pourtant oscarisé il y a treize ans pour son interprétation remarquable du militant et homme politique gay Harvey Milk, regrette que les hommes (comprendre les vrais, hétérosexuels et cisgenres) se soient «féminisés». Du genre à lâcher, au calme, au quotidien britannique The Independent vendredi : «J’ai des femmes très fortes dans ma vie qui ne perçoivent pas la masculinité comme un signe d’oppression envers elles. Je pense que ce sont les gènes de la lâcheté (qui entrent en jeu) quand les gens abandonnent leurs jeans pour la jupe.»

Autrement dit, pour le producteur aux saillies anti-#MeToo, la civilisation est menacée par des hommes qui s’émancipent des canons de beauté genrés (alors que ceux-ci sont encore minoritaires) et des attendus concernant leur masculinité – en clair, d’une certaine binarité, qui enferme dans des cases plus qu’elle ne libère. On n’est pas loin de la rhétorique réac essentialiste (mais que vient faire la biologie là-dedans !) qui a nourri l’homophobie à la papa – selon la vieille logique que si «un homme n’est pas une femme», alors les homos, ces «non-virils», ne sont pas des hommes et ne méritent pas de considération. Mais n’en déplaise à Sean Penn, les masculinités poursuivent leur réinvention. Et c’est libératoire, à condition que les hommes ne subissent aucune nouvelle injonction à être et paraître.

On ne refera pas l’histoire de la mode, mais, oui, des hommes bien machos ont porté la robe ou des vêtements du même acabit (toge, tunique, jupes) jusqu’au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, vingt ans après l’irruption de la figure urbaine du garçon métrosexuel, des hommes, archi célèbres ou anonymes, gays, bis ou hétéros, cisgenres comme trans, puisent enfin dans les possibilités infinies du vestiaire, y compris «féminin». Ils portent du vernis ou se maquillent, ils arborent une barbe de dix jours ou un minois glabre ; d’autres prennent soin de leur peau, multiplient les crèmes comme les séances de spa – après tout il n’y a pas de mal à se faire du bien quel que soit son genre. Enfin, et c’est le plus important, beaucoup acceptent désormais de ne plus contenir leurs sentiments ou d’exprimer leurs émotions. Ces hommes n’ont plus peur d’être vus en train de pleurer, de se livrer, d’être perçus comme doux, sensibles ou à fleur de peau. D’être eux-mêmes, en somme, ce qui est tout de même le moindre des droits.

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