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Vierge aux couleurs arc-en-ciel : des activistes LGBT polonaises acquittées

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Trois militantes polonaises étaient poursuivies pour avoir distribué des affiches où l’auréole de la Vierge Marie avait été peinte aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT.
par Eva Moysan
publié le 2 mars 2021 à 15h59

Soulagement pour les activistes LGBT polonaises. Joanna Gzyra-Iskandar, Anna Prus et Elzbieta Podlesna ont été acquittées par le tribunal de Plock ce mardi matin. Elles étaient poursuivies pour avoir peint aux couleurs du drapeau LGBT l’auréole de la Vierge de Czestochowa, vénérée dans le pays, et distribué ces affiches arc-en-ciel à Pâques, en 2019. Les activistes l’avaient renommée «Notre Dame de l’Egalité». Une action qui avait choqué une partie de la classe politique polonaise, dont le député européen Joachim Brudzinski, qui avait qualifié l’œuvre de «barbarie culturelle». Les trois femmes risquaient jusqu’à deux ans de prison au motif d’«offense aux convictions religieuses». «Je ne crois pas qu’un arc-en-ciel puisse offenser qui que ce soit», a rétorqué Elzbieta Podlesna, l’une des trois militantes, lors de l’audience.

A l’annonce de l’acquittement, l’émotion a saisi les prévenues. Les nombreuses caméras présentes ont saisi leurs longues étreintes et leurs yeux embués. La juge a estimé que les activistes n’avaient pas cherché à offenser les sentiments religieux, ni insulté l’image de la Vierge Marie. Par leur action, elles ont soulevé la question des droits des personnes LGBT dans le débat public, ce qui est protégé par la liberté d’expression, a précisé le tribunal. En Pologne, ce sujet est particulièrement inflammable. Et le parti au pouvoir, le PiS, souffle sur les braises de l’homophobie avant chaque élection.

Haine systématique

Lors de l’élection présidentielle, en juin 2020, le président sortant, Andrzej Duda, a affirmé que l’on tentait d’inculquer aux enfants «une nouvelle idéologie [LGBT], qui est une sorte de néobolchevisme». Une comparaison d’autant plus violente quand on sait que les plaies de la répression communiste sont loin d’être cicatrisées en Pologne. «Les LGBT ne sont pas des gens, c’est une idéologie», avait appuyé le député du PiS Jacek Zalek. Dans son programme, Andrzej Duda, depuis élu à la présidence, s’était engagé à ne pas autoriser le mariage homosexuel, ni l’adoption pour les couples de même sexe. Il en avait profité pour ériger son adversaire, Rafal Trzaskowski, investi par le parti de centre droit Plateforme civique, en dangereux soutien de la «Pologne arc-en-ciel».

Pour la section polonaise d’Amnesty International, le procès de Joanna Gzyra-Iskandar, Anna Prus et Elzbieta Podlesna montre le climat de haine et de discriminations que subissent les militants LGBT dans le pays. «Cibler ces activistes avec des charges aussi absurdes et infondées est emblématique d’un système plus large de harcèlement et d’intimidation des défenseurs des droits humain en Pologne», signale à Libération Miko Czerwinski, coordonnateur de campagne à Amnesty. Il ajoute qu’il suit avec attention la réaction du gouvernement et du procureur, qui ont sept jours pour faire appel. «Du côté de l’accusation, le prêtre de l’église locale a déjà demandé une justification écrite, ce qui est une première étape avant un possible appel», relève Miko Czerwinski.

Changements profonds

La violence des attaques gouvernementales polonaises va à l’encontre des préconisations de l’Union européenne en matière des droits des personnes LGBT. Le 12 novembre, la vice-présidente de la Commission, la Tchèque Vera Jourova, et la commissaire chargée de l’Egalité, la Maltaise Helena Dalli ont présenté la première stratégie visant à consolider les droits des familles homoparentales et transparentales dans tous les pays des Vingt-Sept. Le projet espère également inscrire l’homophobie et la transphobie dans les crimes des traités de l’UE, aux côtés du racisme et de la xénophobie.

L’homophobie gouvernementale polonaise s’ajoute au bilan catastrophique en termes de droits des femmes. Le tribunal constitutionnel a décidé en octobre d’interdire presque totalement l’avortement, provoquant la colère des féministes qui ont inondé les rues de slogans et d’éclairs rouges, le symbole du mouvement. Surpris par la popularité des mobilisations et l’agressivité des messages à son égard, le gouvernement a temporisé. Il n’a pas repris immédiatement le verdict dans le Journal officiel et a attendu la fin du mois de janvier pour le publier. Les manifestations ont immédiatement repris, à Varsovie et dans une cinquantaine de villes. Pour certains observateurs, ces mobilisations sont le signe que la Pologne a changé. Le pays s’est ouvert, sa jeunesse s’est européanisée et l’influence de l’Eglise catholique s’érode à toute vitesse. En 2019, l‘Eurobaromètre des discriminations de la Commission européenne mesurait que 49% des Polonais jugeaient que les personnes LGBT doivent bénéficier des mêmes droits que les hétérosexuels, un pourcentage en hausse à chaque enquête.

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