Sur le terrain, dans les gradins, des filles partout. Frappes, dribbles, ciseaux, les seins bougent sous les maillots des Lyonnasses ou des Touffes unies. Le thermomètre accuse près de 40 °C en ce 18 juin et il n’y a pas d’ombre. « On va queer », plaisante l’une. Ce samedi de canicule au centre sportif Maryse-Hilsz, près de la porte de Montreuil, à Paris, des bandes de filles de toute la France défendent les couleurs du Bayern de Monique, du Toofball Club de Caen et de l’Olympique Montmartre. Le tournoi est organisé par Les Dégommeuses, la pionnière de ces équipes de lesbiennes, qui fête ses 10 ans. En touche, Alice Coffin, conseillère Europe Ecologie-Les Verts de Paris, attend son match.
A 44 ans, les quadriceps un peu lents à la détente, la militante féministe a lâché ce jour-là Les Dégommeuses pour l’équipe vétérane des VG, Les Vieilles Gouines. « L’humour pallie notre piètre niveau, c’est l’esprit chez nous », lance-t-elle. Prête à rejoindre sa troupe de quadras et plus, elle savoure la chaleur soudaine, la multitude de filles joyeuses sur le gazon, celles qui s’arrosent chemise ouverte, la sono qui passe les chanteuses Pomme, Adele ou Cléa Vincent (« Je n’ai pas vraiment le sexe d’un garçon, mais ce qu’il faut pour me faire entendre »). Dans son maillot rouge des VG, entourée des siennes, Alice Coffin vit « un moment lesbien ». Elle est aux anges.
« Je trouve la passe et je relance »
Imaginer 200 joueuses lesbiennes, non binaires et transgenres dans un stade pour eux·elles tout·es seul·es. Pas un homme cisgenre dans le paysage. Pour les non-initiés, un non-binaire est quelqu’un qui refuse d’être assigné à un genre et un cisgenre, un individu dont l’identité de genre correspond à celle qui lui a été attribuée à la naissance, contrairement à un transgenre. « Ceux qui occupent généralement tous les terrains de foot », précise Alice Coffin.
Enfant, à Paris, elle jalousait ses trois frères fous du ballon rond. Leurs shorts, leurs genoux étoilés, l’esprit de club, tout la faisait rêver. « Mais j’avais intériorisé que je ne jouerais jamais. C’était un interdit, comme être lesbienne. » Grande et bien plantée, chaleureuse et susceptible, elle joue libéro depuis qu’elle a libéré sa libido, vers l’âge de 20 ans. « Libéro, c’est le dernier défenseur avant la goal, il est là pour encaisser et relancer, explique-t-elle. Au fond, c’est comme dans ma vie : dès qu’il y a un interstice, je trouve la passe et je relance. »
« Les femmes participent au financement des stades par l’impôt, au même titre que les hommes. Mais les équipements publics en accès libre restent majoritairement occupés par les garçons. » Cécile Chartrain, fondatrice des Dégommeuses
Il vous reste 84.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.