Dimanche 31 mars, lors d’une manifestation d’opposants au président algérien Abdelaziz Bouteflika qui se tenait place de la République à Paris, une femme a été victime d’une agression transphobe. Une enquête a été ouverte le jour des faits pour « violences commises en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre de la victime », a précisé mardi au Monde une source judiciaire.
Les images, filmées sur un téléphone portable, ont été publiées par le coordinateur national de l’association Stop Homophobie, Lyes Alouane, mardi matin sur Twitter. On y voit une femme, habillée d’une robe noir et blanc, remonter les escaliers du métro République puis se faire alpaguer et frapper par des manifestants.
« L’auteur de la vidéo m’a raconté qu’un jeune a craché sur cette femme transgenre. Elle s’est approchée pour avoir des explications et c’est là qu’elle s’est fait frapper. Elle a été humiliée », a expliqué Lyes Alouane à Franceinfo. Et de poursuivre :
« Le groupe d’hommes chante en arabe. Les paroles de cette chanson signifient : “Tu es une friandise”, “tiens voilà le gâteau ou le bonbon, le chocolat”. Cela la réduit à un objet sexuel. »
« T’es un homme toi ! »
Selon la victime de l’agression, dont Le Parisien publie le témoignage, la vidéo ne montre pas tout. Julia, 31 ans, raconte qu’après avoir passé un moment au canal Saint-Martin, elle s’est dirigée en fin de journée vers le métro République. Alors qu’elle s’approche de l’entrée, trois hommes lui bloquent le chemin, poursuit-elle.
« L’un d’eux m’interpelle et me dit “T’es un homme toi !” Je ne lui réponds pas et cherche à passer. Il se décale pour de nouveau me bloquer le passage et me dit “Je t’ai posé une question, tu réponds ! Tu passeras pas !” Un autre me dit “Mais t’as des seins” et me touche la poitrine. Je le repousse et lui dis de ne pas me toucher. Un troisième sort alors son sexe en le secouant et en disant que j’allais lui faire plaisir. Pendant ce temps, on me jetait de la bière. »
C’est à ce moment qu’elle fait demi-tour et remonte les marches. Le reste est visible dans la vidéo. Sauf une gifle, qu’elle dit avoir reçue par l’homme qui l’ébouriffe. C’est pour cela qu’elle est allée à sa rencontre.
La victime est ensuite emmenée dans leurs locaux par les agents RATP. « Ils m’ont appelée à plusieurs reprises “Monsieur”, j’ai dû les reprendre. J’ai aussi dû justifier de ma présence alors qu’il y avait la manifestation. » Julia prend ensuite le métro pour rentrer chez elle.
« Les agresseurs doivent être poursuivis »
La vidéo a suscité de nombreuses réactions politiques, au premier rang desquelles celle d’Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement de Paris, où les faits se sont produits :
« J’ai signalé les faits au commissariat de police (…) : les agresseurs doivent être poursuivis. »
Ont suivi dans la matinée les réactions de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s’est dite « indignée par cette agression transphobe, que je condamne avec la plus grande fermeté », ainsi que celle de la secrétaire d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa.
Selon un bilan provisoire dressé en novembre 2018, les plaintes pour agression contre des personnes LGBT ont augmenté de 15 % entre janvier et septembre de cette année-là. Il est toutefois difficile de distinguer ce qui, dans ces chiffres, relève de la libération de la parole des victimes et ce qui reflète l’expression d’une haine décomplexée.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu