Versailles : « Dans la ville il y a beaucoup d’agressions envers les homosexuels »... Les LGBT+ font de la pédagogie sur le marché

L’événement a suscité de vives réactions ce dimanche. Il fait suite à la demande auprès de la mairie de trois personnes, dont une conseillère municipale, de retirer des affiches de campagne pour la lutte contre l’homophobie.

Versailles, ce dimanche. Un collectif LGBTQI+ a suscité quelques vives réactions sur la place du marché en ouvrant le dialogue sur l'homophobie. LP/Julie Ménard
Versailles, ce dimanche. Un collectif LGBTQI+ a suscité quelques vives réactions sur la place du marché en ouvrant le dialogue sur l'homophobie. LP/Julie Ménard

    « Vous êtes des traîtres, vous serez pendus sur la place publique. » Cette attaque lancée par une dame âgée au collectif LGBT + de Versailles ne choque même plus. Ce dimanche sur la place du marché, deux affiches de la campagne de lutte contre l’homophobie menée par Santé publique France ont été déployées au milieu de la foule. « Notre but est de créer du dialogue, explique Jacky, membre du groupe. Il y a un esprit très conservateur à Versailles. On veut défendre le droit d’être et d’aimer qui on veut. »

    « Oui, ma fille est lesbienne », « Oui, mon pote est gay », peut-on notamment lire sur ces panneaux. De quoi en énerver plus d’un. « C’est ridicule, pourquoi on fait de la pub pour ça », s’agace Catherine, la soixantaine. « C’est de la victimisation, ça m’énerve, renchérit son mari André. Personnellement ça me choque que l’Etat prenne parti ! » Certains sont tellement virulents que les insultes fusent. « Je ne dialogue pas avec vous, je vous dis de dégager et d’aller à Trappes faire vos conneries ! », lance à la volée un homme aux cheveux blancs.

    Ces comportements n’étonnent personne à Versailles. Même la police municipale se tient prête à intervenir, consciente que la situation peut vite dégénérer. Un climat conservateur qui exaspère les membres du collectif LGBT +. « C’est ici que la Manif pour tous a été créée, rappelle Frédéric. Dans la ville il y a des drapeaux partout, et aussi beaucoup d’agressions envers les homosexuels. »

    Le phénomène est tel que trois personnes impliquées dans la politique locale, dont une conseillère municipale d’opposition, ont écrit au maire (DVD) de Versailles fin mai pour lui demander de retirer les affiches de cette campagne nationale pourtant reconnue d’intérêt général. « Je n’ai pas eu de réponse mais j’ai dit ce que j’avais à dire, explique Céline Jullié, conseillère municipale d’extrême droite. Ce qui me choque c’est qu’on utilise l’argent public pour une communauté. Quand on a des enfants qui voient les affiches on se retrouve à devoir aborder des sujets dans des temps qu’on n’a pas choisi. C’est un contrôle de pensée qu’exerce l’Etat et c’est dangereux. Les gens que j’aime ou non ça me regarde ! »

    Place du marché (Versailles), le 13 juin 2021. Les affiches ont rapidement interpellé les passants, nouant des dialogues parfois bienveillants, parfois agressifs.
    Place du marché (Versailles), le 13 juin 2021. Les affiches ont rapidement interpellé les passants, nouant des dialogues parfois bienveillants, parfois agressifs.

    Les deux autres expéditeurs de cette requête sont François Billot de Lochner et Constance Prazel, respectivement président et déléguée générale de l’association Liberté politique dont la vocation est de « porter la parole des chrétiens dans les grands débats de société ». Lui était également candidat (DVD) aux élections législatives de 2017. Si le maire François de Mazières n’a pas donné suite à leur mail, les affiches de lutte contre l’homophobie n’ont pas été retirées.

    « Ras le bol de ces ultra-conservateurs qui s’expriment mais ne représentent pas la majorité des Versaillais »

    Reste que ce mutisme dérange Didier Baichère, député (LREM) de la 2e circonscription de Versailles et présent ce dimanche lors des échanges. « Je suis scandalisé, c’est aussi répréhensible de demander ce genre de chose que de ne pas y répondre, fulmine le parlementaire. Ras le bol de ces ultra-conservateurs qui s’expriment mais ne représentent pas la majorité des Versaillais. »

    Une position partagée par quelques habitués du marché. « Non mais c’est insupportable, s’énerve Sylvie, 53 ans. Ce n’est juste pas possible pour nous d’être associés à ces gens qui écrivent au maire ». Nicole, elle, n’a pas toujours été de cet avis. Mais à 72 ans, son point de vue a évolué. « L’homosexualité est quelque chose qui me dérangeait mais le fait qu’on m’en parle, que je connaisse des gens concernés, ça m’a fait changer d’avis. Ce n’est pas normal que les gens souffrent de ce genre d’intolérance. »



    Des messages de soutien qui ont ému les membres du collectif LGBT +. « Il faut arrêter de parler des homosexuels comme d’une communauté, pointe Mickael, 28 ans. C’est le genre de choses qui laisse penser qu’on est différents des autres alors que l’homosexualité est quelque chose de commun. » Et Melio, 22 ans, de conclure : « Ces affiches peuvent paraître peu de chose mais ça peut aider les jeunes qui ont des pensées suicidaires. Ceux qui n’en veulent pas donnent une mauvaise image de Versailles. On est tous pareils : des citoyens. »