Roxane Gay : « La grossophobie dans les espaces queer est bien plus douloureuse et frustrante »

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Le cinquième livre de Roxane Gay, « Hunger », vient d'être traduit en français. Elle y écrit sur les violences sexuelles, la grossophobie, le féminisme et la bisexualité. Et on en a parlé, sans détour, avec l'autrice.

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Roxane Gay - Marla Aufmuth/TED
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Cinq ans seulement après la parution de son premier livre, Roxane Gay est devenue l'une des figures féministes les plus influentes de la scène littéraire américaine, aussi bien dans les milieux intellectuels que dans la pop culture. Avec Hunger, l'écrivaine et autrice de BD livre un témoignage poignant à la vulnérabilité crue sur le viol, les violences sexuelles, la grossophobie et la culture du régime. Notre Bad Feminist préférée y aborde également la question du racisme et celle de sa bisexualité. Une lecture dont on ne sort pas indemne, qui secoue et qui transforme. Pour célébrer la traduction de son ouvrage en français chez Denoël, celle qui préfère souvent prendre sa propre plume pour se raconter plutôt que de se confier aux médias nous a fait l’honneur de nous accorder une interview, depuis l’autre côté de l’Atlantique. Les réponses de Roxane Gay à nos questions sont à l’image de son écriture : concises, et d’une honnêteté brute, mais légère. Entretien.

Komitid :  Votre livre Hunger vient juste d'être publié en français. Qu'est-ce que ça vous fait ?

Roxane Gay : C'est toujours une sensation géniale lorsque mon travail trouve un écho à l'international ! Et ce n'est pas anodin que Hunger (initialement paru en juin 2017 en anglais, nldr) sorte en France, au vu du succès qu'a rencontré le livre de Gabrielle Deydier, On ne naît pas grosse, depuis sa sortie en 2017.

Vous savez que la légende urbaine de Ces Françaises Qui Ne Grossissent Pas est un gros mensonge, n'est-ce pas ?

Oh oui, je sais bien que le mythe des femmes françaises qui ne pourraient pas grossir est faux. C'est une idée sexy, présentée comme ça, mais c'est aussi absurde, car ça ne repose sur aucune forme de réalité.

Dans Hunger, vous racontez que vos relations avec des femmes n'étaient pas forcément plus « safe » que celles avec les hommes. Vous avez aussi mentionné vous faire en quelque sorte dégenrer à cause de votre poids. La grossophobie dans les cercles LGBT+ est-elle différente de celle que l'on trouve en dehors ?

La grossophobie est répandue dans la plupart des communautés. Durant ma vingtaine, j'avais l'impression que les femmes étaient plus sécurisantes, en termes de sécurité disons physique. Je n'ai jamais vu le fait de sortir avec des femmes comme un bouclier contre la grossophobie ou tout autre forme de blessures. La grossophobie dans les espaces queer est bien plus douloureuse et frustrante que dans les cercles hétérosexuels. C'est, je pense, parce que j'attends mieux de la communauté queer ! J'attends de ces espaces communautaires une acceptation des différents corps qui existent. Nous devrions pourtant savoir, étant donné la marginalisation à laquelle on fait face dans le monde.

« Ma bisexualité n'est pas politique »

Dans votre livre, vous avez aussi abordé une difficulté vécue par beaucoup de femmes bies : essayer de « choisir » les femmes pour éviter la violence des hommes. Existerait-t-il aussi une bisexualité politique ?

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