Lancé en mars, ce magazine composé entièrement d'illustrations s'attaque avec humour à la figure du corps masculin. Ou, tout du moins, à une partie bien ciblée : l'entrejambe.

"Bulge", en anglais, désigne le paquet. Pas celui de cigarettes, ni de chips. Il s'agit bien de l'entrejambe, du kit trois-pièces. Et c'est désormais le nom d'un nouveau périodique. Pensé par le dessinateur Pochep, Bulge Magazine se veut être une revue illustrée à la tonalité parodique. Page après page, il détourne les codes des magazines homoérotiques vintage et laisse une multitude d'auteurs s'approprier la notion de "bulge" pour le plaisir de nos yeux (et de nos zygomatiques parfois même).

Alors qu'un deuxième numéro est dans les tuyaux, son créateur nous a expliqué en détails les origines de ce projet atypique, sa mise en place et son futur qui s'annonce radieux.

Qui es-tu ? Peux-tu nous en dire plus sur toi ?

Pochep : Je suis dessinateur de BD. Je suis arrivé tardivement dans ce milieu-là, je m'y suis mis à 40 ans environ. Et là, ça fait un peu plus de 10 ans que j'en fais. Je travaille avec Fluide Glacial, Topo, La Revue dessinée... Et j'ai publié quelques albums dont Vieille peau en 2017.

Comment est né le projet Bulge ?

Dans mes BD, il y a régulièrement des personnages gays. Et parfois, on voyait apparaître des faux titres de presse. Ils n'étaient pas forcément liés à l'intrigue, ils pouvaient être sur un présentoir ou posés dans le décor d'une case. Bulge n'existait qu'à travers ces fausses couvertures. Et au fil des années, je me suis dit que ce serait vraiment bien d'en faire au moins un vrai numéro. Au cours de l'année 2019, je me suis lancé avec mes petits moyens.

Bulge regroupe des artistes comme Bastien Vivès, Arthur de Pins, Rica... plus d'une trentaine de dessinateurs ont pris part à ce premier numéro. Comment les avez-vous convaincus d'y contribuer ?

Ce sont des gens que je croise régulièrement, on se connaît bien. Certains sont de très bons amis. J'ai posé la question autour de moi afin de voir qui avait le temps et l'envie. Beaucoup ont été amusés par l'idée. À part des gens qui étaient très occupés et qu'on retrouvera d'ailleurs dans le deuxième numéro, tout le monde a volontiers joué le jeu. Des hommes, des femmes. Des auteurs confirmés, d'autres plus débutants. Des gays, des hétéros. Il y a de tout.

Quelle est la ligne directrice du magazine ?

C'est très inspiré des revues homoérotiques, passées à la moulinette de l'humour et du burlesque. Pour moi en revanche, ce qu'il y avait d'intéressant, c'était de soumettre le sujet à des gens très différents. Comme tout le monde n'est pas homo dans le casting par exemple, tout le monde ne porte pas le même regard sur le corps masculin ou ne va pas immédiatement l'érotiser. Je voulais un mélange de tout ça.

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Quelles directions avez-vous donné aux dessinateurs ?

Il y avait des contraintes de formes, bien sûr. Cela dit, je ne voulais pas leur donner un cahier des charges trop précis. Je sais que, dans des travaux de commande, si on pose trop de contraintes, ça bride la créativité. Je voulais vraiment que les gens s'approprient le sujet du corps masculin. La seule contrainte, c'est qu'il ne devait pas y avoir de nu dans le sens où le concept, c'est le paquet. Leurs personnages pouvaient être jeunes, vieux, gros, maigres, poilus ou imberbes... Tout ce qu'ils voulaient. Ce qui a permis au final d'avoir des corps très, très différents.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour tout mettre en place ?

J'ai contacté des gens à partir de septembre 2019. J'ai envoyé un premier message en leur expliquant le projet, puis je leur ai donné du temps pour agir. Ce qui m'a intéressé dans cette aventure, c'est de construire l'objet petit à petit. En plus, Bulge m'a permis d'écrire une histoire que j'aime particulièrement. C'est un petit écrit de 11 pages sur un ado qui fait une fixette sur son prof de gym. Et maintenant, j'ai envie de la développer. Onze pages, c'est trop peu pour ce personnage. J'ai encore plein de choses à lui faire dire. Bulge a permis la création de cette histoire qui plus tard, je l'espère, vivra dans un autre format.

Où peut-on trouver Bulge Magazine ?

La distribution, c'est bien mon problème. Après tout, mon but n'était pas de gagner de l'argent. C'était juste un gag. J'ai regardé combien ça coûtait à imprimer, je suis passé par un imprimeur en ligne et, pour la distribution, je l'ai faite avec mes moyens et mes petits bras. Il est disponible soit en vente directe ou par correspondance si les gens me contactent sur mes réseaux sociaux, soit aux Mots à la bouche. Ils ont déjà écoulé une centaine d'exemplaires dans leur boutique.

Le second numéro, on l'attend pour quand ?

Je vais en faire trois au total, étalés sur 2020, 2021 et 2022. En septembre, je vais lancer le chantier et donner trois mois aux gens qui ont accepté pour agir. On fera le montage en janvier. J'espère une sortie en février 2021. J'aimerais qu'il y ait sans doute quatre BD, un peu moins longues mais avec des styles différents. Il faudra voir parce que ce sont aussi des questions de coût à prendre en compte. Je n'ai pas utilisé les plateformes de financement pour le premier numéro, mais peut-être pour le deuxième.