coming outThomas Delano fait bouger les lignes pour les LGBT en entreprise

Par Ingrid Falquy le 04/01/2019
Thomas Delano fait bouger les lignes pour les LGBT en entreprise

Faire son coming-out en entreprise n’est pas toujours chose aisée. A 28 ans, Thomas Delano s’engage en expliquant aux entreprises pourquoi elles auraient intérêt à encourager la diversité.

Si 80% des personnes LGBT+ se disent prêts à faire leur coming-out au travail, seule une sur deux a réellement franchi le pas. La cause : 35% d'entre elles pensent que sortir du placard peut être un frein à leur carrière. Ils et elles sont donc trop souvent amené.e.s à gaspiller leur énergie à mentir par omission pour protéger le "secret" de leur orientation sexuelle. Ainsi, les hommes gays se retrouvent à transformer les "mon copain" en "ma copine" lorsqu'ils évoquent leur vie privée, et vice-versa pour les lesbiennes. Résultat : des noeuds au cerveau, une cohésion moins grande avec le reste de l'équipe, mais aussi un vrai mal-être au travail.

Ces chiffres qui permettent de rendre compte des souffrances que peuvent connaître les lesbiennes, gays, bi et trans' en entreprise, on les connaît grâce à Thomas Delano. Ce jeune chef de projet au Boston Consulting Group (BCG) milite activement pour la meilleure intégration des LBGT+ dans le monde du travail. Il est ainsi à l’origine du Baromètre Out@Work sur le coming-out en entreprise, réalisé auprès de 4.000 personnes de 60 nationalités dans plus de dix pays. Une étude qui révèle que la France est loin d’être une bonne élève sur la question des entreprises LGBT-friendly (seulement le 7e pays sur 10).

Donner un espace de discussion aux LGBT

A 28 ans, Thomas Delano est engagé dans la cause LGBT+ depuis plusieurs années. Et même si ce modeste ne l’avoue qu’à demi-mots, il peut être fier d’être un moteur du changement. Au sein de son entreprise d’abord, où il est responsable de l’initiative "Pride@BCG" en Europe, Afrique et Amérique du Sud.

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"Pride@BCG, c’est un réseau pour les personnes LGBT+ et leurs allié.e.s. Quand je suis arrivé dans le bureau de Paris en 2012, au moment du mariage pour tous en France, l’initiative était focalisée sur les Etats-Unis et les pays anglo-saxons. Avec un collègue, nous avons décidé de la mettre en place ici. Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine de personnes à faire partie du réseau parisien, preuve qu’il y avait un véritable besoin", développe-t-il.

Ce réseau, en plus de soutenir de grandes opérations internationales de défense des droits LGBT, se présente comme un espace de conseils et d’échanges dans l’entreprise. "L’objectif est que les salariés se sentent bien. Les jeunes LGBT qui débarquent dans la vie active peuvent avoir des questions spécifiques. L’existence de Pride@BCG leur permet de savoir vers qui se tourner."

Faire son coming-out, mission impossible ?

L’une des préoccupations principales de ces jeunes, justement, est la question du coming-out. Pour ceux qui préfèrent ne pas révéler leur homosexualité ou transidentité, rester dans le placard demande une énergie considérable. "C’est par exemple, des pirouettes pour ne pas révéler le genre de son partenaire, quand on raconte son week-end à son chef le lundi matin devant la machine à café", développe Thomas Delano.

Pour celui qui est arrivé directement au BCG après ses études, sortir du placard au travail s’est fait assez naturellement. Il se rappelle : "Ma première journée de stage de fin d’études au BCG, je suis resté assez tard au bureau et ma chef de projet m’a dit de partir pour rejoindre ma copine. S’en est suivi un dialogue assez drôle puisque quand je lui ai dit que je n’en avais pas. Elle m’a répondu : 'Ce n’est pas en restant tard avec moi que tu vas en trouver'." Il a fini par tout expliquer.

Il explique qu’à ce moment-là, il a dû faire un choix assez rapide : entretenir le flou ou donner des explications. Car dans une société hétéronormée, même les plus bienveillants vous mettent d’office dans la case hétéro. Et il a bien conscience que, pour certains, tout expliquer est beaucoup plus difficile, pour des raisons personnelles ou parce qu’ils perçoivent un climat moins favorable dans l’entreprise.

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Donner aux entreprises l’envie d’intégrer les LGBT

C’est donc face à ce constat que Pride@BCG a mis en place le Baromètre Out@Work, qui en est à sa quatrième édition. Son objectif est double : décrire cette réalité, mais aussi faire de la pédagogie à destination des entreprises, pour leur donner envie d’être moteur de changement. La deuxième partie de l’étude est consacrée aux leviers qu’il est possible de mettre en place pour favoriser la diversité.

"L’étude se concentre sur des salariés travaillant dans des pays où, en théorie, la question des droits LGBT est bien avancée, qui ont le mariage pour tous par exemple. On se rend bien compte que même quand la société civile a changé, le monde professionnel peut être à la traîne. Les entreprises ont une responsabilité sociétale et il est important d’accompagner ceux qui ont une volonté de faire changer les choses", assure Thomas Delano.

Lui-même prend toujours du temps pour conseiller les entreprises qui ne savent pas par où commencer. Il a également de bons arguments pour ceux qui savent que favoriser la diversité est "la bonne chose à faire" mais qui ne savent pas comment convaincre leurs responsables : "Une entreprise plus LGBT-friendly, c’est une entreprise plus attractive et plus productive, qui ne se prive pas de talents".

En clair, il montre bien qu’intégrer les LGBT+ dans le monde du travail, c’est du win-win : pour les concerné.e.s, pour les entreprises. Et pour la société, en général.

Crédits photos : Manumovies pour THE BOSTON CONSULTING GROUP.

 

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