CanadaMégenrage délibéré d'une personne non-binaire : un employeur canadien condamné

Par Nicolas Scheffer le 05/10/2021
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Les pronoms sont "une partie fondamentale de l'identité d'une personne", a tranché un tribunal canadien, soulignant qu'à défaut, les personnes trans ou non-binaires "doivent répéter au monde entier : j'existe".

Mégenrer délibérément quelqu'un au travail est illégal. C'est en tout cas ce qu'affirme au Canada le British Columbia Human Rights Tribunal dans une décision du 29 septembre. Jessie Nelson, une personne non-binaire, y a gagné son action en justice contre son ancien manager qui refusait d'utiliser ses véritables pronoms et l'a renvoyé·e. La cour a considéré qu'il s'agissait d'une atteinte à ses droits humains.

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L'employeur, un restaurant "Buono Osteria" à Gibson, une ville dans l'ouest du Canada en Colombie Britannique, a été condamné à verser 30.000 dollars d'amende. Le tribunal, spécialisé dans les affaires de droits humains, lui a également demandé de former les encadrants et le personnel de son établissement à la diversité et à l'inclusion, lui imposant d'intégrer le respect des pronoms dans le règlement de son entreprise.

Genrer correctement "n'est pas une option"

"Utiliser les véritables pronoms d'une personne trans n'est pas une option. C'est désormais une obligation légale", s'est félicitée l'avocate de Jessie Nelson après le délibéré, citée par le média Them. Alors que certains collègues faisaient des efforts pour utiliser les pronoms corrects de Jessie Nelson, son supérieur direct employait uniquement pour parler d'iel des surnoms "féminins", que Jessie considérait comme "offensants, dégradants et réducteurs".

En 2019, Jessie demande à être genré·e correctement (avec les pronoms they/them en anglais, qui existent déjà et s'appliquent aux personnes non-binaires), ce que son manager refuse. Il lui reproche de vouloir "réglementer le langage des employés". "Ce n'est pas pour cela que mon grand-père s'est battu à la guerre", aurait-il insisté. Après cette altercation, le manager a jugé que lui et son employé·e ne pouvaient "plus être dans la même pièce", avant de renvoyer Jessie, rapporte la chaîne de service public canadien CBC.

"Utiliser les pronoms corrects valide et affirme que les personnes trans, non-binaires et autres personnes non-cisgenres sont des personnes qui méritent le même respect et la même dignité que les autres."

Dans une décision de 42 pages, le tribunal considère que les pronoms sont "une partie fondamentale de l'identité d'une personne" et leur bon usage indique que "nous voyons et respectons une personne pour ce qu'elle est". Plus encore : "Utiliser les pronoms corrects valide et affirme que les personnes trans, non-binaires et autres personnes non-cisgenres sont des personnes qui méritent le même respect et la même dignité que les autres".

Le jugement rappelle que "l'utilisation des bons pronoms permet aux personnes transgenres de se sentir en sécurité". À défaut, "la sécurité des personnes mégenrées est sapée et ces personnes doivent répéter au monde entier : j'existe". Cette décision est la première à se baser sur la loi C-16, adoptée dans le pays en 2017 qui inclut "l'identité de genre ou son expression" dans le champ des discriminations.

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Crédit photo : Katie Rainbow/Unsplash