Les dernières tirades sur les conséquences de la loi, puis un vote sans appel suivi de quelques applaudissements. Mardi 15 octobre, les 545 députés présents à l’Assemblée nationale ont adopté en première lecture, par 359 voix pour, 114 contre et 72 abstentions, le projet de loi de révision de la bioéthique.
Une première étape est ainsi franchie par ce « texte de tous les dangers », comme l’avait qualifié lui-même Emmanuel Macron, le 16 septembre, devant ses troupes. Le terrain avait été largement déminé en amont. De nombreux avis et rapports, la convocation d’Etats généraux, une mission parlementaire et les travaux d’une commission spéciale ont précédé ce vote solennel, qui intervient lui-même après l’examen des 32 articles du texte. Les trois ministres concernées (Agnès Buzyn à la santé, Nicole Belloubet à la justice et Frédérique Vidal à la recherche) l’ont défendu pied à pied, en particulier Mme Buzyn.
Plus de 2 600 amendements avaient été déposés sur le texte, mais, sur le fond, le projet de loi n’a finalement été modifié qu’à la marge. La meilleure prise en charge des enfants intersexes, dotés de caractéristiques sexuelles féminines et masculines à la naissance, y a fait son entrée. Par ailleurs, un amendement issu des rangs du groupe Les Républicains (LR) a mis un terme à la technique dite du « bébé-médicament ». Autorisée depuis 2011, elle consistait à concevoir un bébé afin de sauver un grand frère ou une grande sœur atteint d’une maladie génétique en utilisant les cellules souches prélevées sur le sang du cordon du bébé à naître.
Sans surprise, c’est le premier article, qui acte l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, qui a été le plus longuement discuté, mobilisant les députés pendant trois jours au détriment d’autres enjeux importants qui y figurent, concernant notamment la recherche sur les cellules souches embryonnaires, les greffes d’organes ou l’intelligence artificielle.
L’ouverture aux femmes seules, en particulier, a divisé jusque dans les rangs du MoDem et de la majorité. Mais l’esprit de l’article reste inchangé : toutes les femmes, quels que soient leur orientation sexuelle ou leur statut marital, pourront bénéficier, après l’entrée en vigueur de la loi, d’une PMA, aux mêmes conditions de remboursement que les couples hétérosexuels considérés comme infertiles qui, seuls, y avaient jusqu’alors accès.
Lutte contre l’infertilité
Outre la PMA, la loi acte deux évolutions importantes : pour les femmes, la possibilité de déjouer la baisse de leur fertilité en faisant congeler leurs ovocytes et, pour les enfants nés de dons, le droit d’accéder, à leur majorité, à l’identité de leur donneur. Sur ces deux articles, les modifications apportées dans l’Hémicycle sont minimes.
Contrairement à ce qui avait été décidé en commission, les députés ont finalement refusé d’accorder un agrément pour que les centres privés puissent procéder à cette conservation ovocytaire, au nom d’un risque de dérive marchande et malgré les mises en garde de certains sur les inégalités territoriales que cela pourrait entraîner. Sur l’article 3, qui consacre le nouveau droit d’accès aux origines pour les personnes nées de dons, un amendement a été adopté permettant aux donneurs de connaître le nombre d’enfants nés de leur don, « ainsi que leur sexe et leur année de naissance ».
Dans un rare moment d’unanimité, l’Assemblée a aussi adopté un amendement transpartisan prônant un plan national de lutte contre l’infertilité. Reste maintenant à voir ce qui sera détricoté par le Sénat, qui se penchera à son tour sur le texte à partir de janvier, avant un vote final espéré par le gouvernement « avant l’été ».
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