justiceLa plateforme Leetchi refuse une cagnotte pour aider un futur papa à faire une GPA aux États-Unis

Par Nicolas Scheffer le 20/01/2021
GPA

INFO TÊTU. La plateforme de crowdfunding a refusé de verser à un futur père le montant de sa cagnotte, destinée à financer sa GPA aux États-Unis. Pour Leetchi, la cagnotte est illégale.

Ses amis et sa famille s'étaient mobilisés à hauteur de 6.240 euros. Alors certes, ce n'est pas grand chose rapporté au coût d'un projet de Gestation pour autrui (GPA) aux États-Unis, mais ça aide. Frédérik avait récolté cette somme sur la plateforme Leetchi. Mais il ne pourra pas y toucher : la plateforme lui a refusé le versement de cette somme, au prétexte que la GPA n'est pas légale en France.

"C'est un cap important à franchir de faire une cagnotte pour un projet aussi personnel. Leetchi m'a laissé récolter de l'argent pendant cinq mois pour finalement me refuser la cagnotte quand j'ai voulu transférer l'argent", regrette Frédérik. Le 7 janvier, le jeune parisien a reçu un mail lui indiquant que sa cagnotte était "contraire aux bonnes mœurs (sic) ou aux dispositions législatives et réglementaires applicables". Depuis, la page de la cagnotte est supprimée, sans plus d'explications.

"Je ne passe pas de la drogue aux frontières !"

"Quand je reçois ça, je tombe des nues. Je ne passe pas de la drogue aux frontières ! Dans mon texte de présentation, j'expliquais tout et notamment que j'allais réaliser ce projet aux États-Unis et non en France", raconte le futur papa à TETU qui a déjà pris contact avec les agences américaines. Depuis, tous les participants ont été remboursés, et sauf à rappeler chacun des 38 participants, Frédérik ne peut pas obtenir l'argent récolté. "Cet argent m'aurait bien aidé à payer les voyages, notamment", regrette-t-il.

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Il ne s'attendait pas à ce que la cagnotte pose problème : certes, la GPA est interdite en France. Mais elle est autorisée dans d'autres pays et la transcription des états-civils a été validée par la justice. De plus, la plateforme héberge des cagnottes pour des projets de PMA réalisés à l'étranger. "Quand je vois que le documentaire Hold Up qui contient des affirmations mensongères sur le coronavirus, a été financé sur des cagnottes participatives, je n'aurais jamais imaginé que la mienne puisse poser problème", dit-il.

"C'est le bien fondé de la cagnotte qui prime"

"La législation française frappe de nullité toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui . Dans ces conditions, et en accord avec la réglementation française, nous ne pouvons donc accueillir de cagnotte dont l'objet a pour but de financer une GPA. Bien que le projet soit réalisé dans un pays où la GPA est autorisée, c'est le bien fondé de la cagnotte qui prime", indique l'entreprise à TÊTU.

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"Malheureusement, Leetchi a des arguments pour demander la nullité de la cagnotte. Ici, il y a un problème de rattachement du contrat : alors que le futur père veut faire un contrat de GPA aux États-Unis, ce contrat n'est pas reconnu en France, or, il est au cœur du projet de la cagnotte", estime auprès de TÊTU, l'avocate spécialisée dans le droit des familles homoparentales, Caroline Mecary. "Si la législation française évolue demain et le permet, nous serons tout à fait prêts à accueillir chez Leetchi des cagnottes ayant pour but de financer une GPA", conclut l'entreprise.

Préciser les contours du projets

L'avocate cite une décision du tribunal, rendue tout début janvier. En première instance, la justice a validé l'annulation de la cagnotte du boxeur et Gilet jaune Christophe Dettinger, qui s'en était pris à des forces de l'ordre.  Selon les juges, la cagnotte représentait un trouble à l'ordre public. Le tribunal en déduit que « la collecte de fonds dans cet objectif heurte suffisamment la moralité et l’ordre public pour être considéré comme un but illicite »

Il reste que la plateforme pourrait accompagner davantage ses utilisateurs, notamment dans la formulation de leur projet.  "On ne pourrait que trop conseiller à l’avenir aux créateurs de cagnotte de limiter l’objet de ces dernières afin d’éviter que la généralité de leur dénomination implique leur annulation pour but illicite", commente le média spécialiste du droit Dalloz.

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"On ne m'a posé aucune question lorsque j'ai créé la cagnotte. Il faut imaginer tout l'espoir que cela soulève : je ne peux pas reprendre l'argent aux gens. Dès le départ, j'aurais pu dire que j'achetais un meuble, j'ai été honnête, maintenant je le paie", regrette le jeune homme.

 

Crédit photo : Mikael Stenberg / Unsplash