FAMILLELe désarroi des couples qui ont lancé une procédure de GPA en Ukraine

Guerre en Ukraine : Le désarroi des couples qui ont lancé une procédure de GPA dans le pays

FAMILLEDes couples de Français voient leur projet de gestation pour autrui (GPA) en Ukraine contrarié par le conflit et s’inquiètent aussi bien pour leur enfant à naître que pour le sort de leur gestatrice
Illustration d'une chambre d'enfant
Illustration d'une chambre d'enfant - Pixabay / Pixabay
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Les couples français qui ont entamé un parcours de gestation pour autrui (GPA) en Ukraine, s’inquiètent du sort des mères porteuses et de leur futur enfant à naître.
  • Pauline et Marie se sont ainsi confiées à 20 Minutes. Même sauvés des bombes, les bébés nés d’une GPA risquent de faire l’objet à un imbroglio administratif, les services ukrainiens d’état civil ne fonctionnant plus.
  • Des critiques sont formulées à l’égard de certaines cliniques proposant la GPA en Ukraine. Et des associations anti-GPA fustigent les parents d’intention.

Pour Pauline, juillet 2022 devait être le plus beau de sa vie. Désormais, quand elle y pense, c’est avec un nœud dans le ventre. Cette quadragénaire et son mari doivent partir cet été dans un village près de Kiev en Ukraine chercher leur petite fille, conçue dans le cadre d’une GPA (gestation pour autrui). Le pays autorise cette procédure aux couples hétérosexuels et mariés ayant fourni la preuve de leur infertilité. Son amie Marie, qui habite en Belgique, a elle aussi rendez-vous dans le centre du pays pour découvrir son fils, dont la naissance est prévue également en juillet.

Mais la guerre en Ukraine a transformé leurs pensées douces en angoisses. « J’ai peur que la femme qui porte mon bébé décède sous un bombardement. Cette pensée me tétanise tous les jours », confie Pauline. Chaque jour ces deux « mères d’intention » comme on les appelle, glanent toutes les informations qu’elles peuvent trouver sur l’évolution du conflit. Et alors qu’avant la guerre, elles communiquaient avec les mères porteuses uniquement par l’intermédiaire de la clinique en charge de la GPA, elles les contactent désormais directement. « J’ai des nouvelles chaque jour. On a noué une relation super forte. Pour l’instant, son village n’est pas touché par les bombardements et elle ne veut pas le quitter. Car toute sa vie est là-bas : son mari et ses deux enfants. Mais je lui ai proposé plusieurs fois d’aller la chercher elle et sa famille à la frontière polonaise ».

« Ce n’est pas parce qu’elle porte mon enfant que j’ai des droits sur elle »

Marie entretient aussi un lien très étroit avec la mère porteuse de son fils : « Des villes proches sont bombardées, mais pas la sienne. Et dès qu’elle entend une sirène, elle va se réfugier dans un abri anti-bombardement. J’ai proposé notre aide financière plusieurs fois ou d’aller la chercher à la frontière polonaise, mais elle ne veut rien de nous. Ses proches et elle ne veulent pas partir car ils estiment que ce serait donner raison à Poutine. Mais elle m’a promis que dès qu’elle ne se sentirait plus en sécurité, elle partirait. Je respecte son choix. Ce n’est pas parce qu’elle porte mon enfant que j’ai des droits sur elle. »

Si la guerre continue dans les prochains mois et si les bébés voient le jour, se posera la question de la marche à suivre pour aller les chercher. Certains couples européens qui étaient partis récupérer leur enfant se sont retrouvés bloqués en Ukraine. D’autres se sont récemment envolés pour la Pologne pour y récupérer leur enfant à la frontière, avec plus ou moins de complications à la clé. « Si la guerre fait encore rage en juillet, on espère que la mère porteuse pourra accoucher en Ukraine et être acheminée vers la frontière polonaise via un corridor militaire. Ou qu’elle puisse partir accoucher dans un autre pays, si elle le souhaite », indique Pauline.

« On n’est pas seulement inquiet pour notre enfant, mais pour la mère porteuse »

L’autre souci est d’ordre administratif : « Pour l’instant, les services d’état civil sont fermés en Ukraine, donc les parents ne peuvent pas obtenir d’acte de naissance. Ils ne peuvent utiliser que le contrat qui a été passé devant le notaire avant la GPA pour prouver que l’enfant est le leur », indique Marie.

Bien sûr, Marie et Pauline ont été meurtries par certains articles parus dans les médias qui qualifient l’angoisse des parents d’intention d’indécente au regard du sort des mères porteuses. Et par la manifestation des anti-GPA le 5 mars à Paris. « Nous ne sommes pas des égoïstes. On n’est pas seulement inquiet pour notre enfant, mais pour la mère porteuse. On a le sentiment de faire partie de la même famille et j’ai une reconnaissance énorme pour ce que fait cette femme pour nous. Nos détracteurs ne connaissent pas notre histoire. On a tous eu des parcours de PMA atroce. Et la GPA était notre dernière solution ». Marie défend aussi son choix : « Certes, les mères porteuses reçoivent de l’argent de notre part, mais c’est parce qu’elles ne peuvent pas travailler. Et il faut rappeler qu’elles portent un embryon, mais qu’elles n’ont aucun lien biologique avec lui, puisqu’il ne s’agit pas de leurs ovocytes ».

« Ces bébés sont innocents, il faut les défendre »

Sylvie Mennesson, présidente de l’association pro-GPA « Clara » qui accompagne les familles dans leurs démarches, explique avoir « toujours dissuadé les couples » de choisir l’Ukraine pour leur GPA, car ce pays « ne remplit pas les conditions éthiques » et « les intermédiaires n’y sont pas toujours honnêtes et les procédures pas toujours transparentes ».

Mais elle estime cependant que les pouvoirs publics français doivent trouver des solutions : « Si des bébés nés d’une GPA ne peuvent pas être récupérés par leurs parents d’intention, ils vont devoir rester avec leur gestatrice qui ne l’a jamais souhaité. Ou ils risquent d’être mis dans une pouponnière. Ils sont innocents, il faut les défendre », insiste-t-elle. « Les mères gestatrices et les parents d’intention sommes des dommages collatéraux de la guerre. Il faut nous aider », renchérit Pauline.

Sujets liés