« Ce sont des gens dont on ne parle jamais » : pourquoi il faut regarder l'enquête d'« Envoyé Spécial » sur la GPA en France

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Ce jeudi 31 janvier, « Envoyé Spécial », le magazine de reportage de France 2, s'intéresse aux personnes qui ont recours à la gestation pour autrui (GPA) en France bien qu'elle soit illégale. Matthieu Boisseau, l'un.e des journalistes qui a mené l'enquête, a répondu à nos questions.

« Bébé sur Internet : le marché clandestin » - Envoyé Spécial
Image extraite de l'émission Envoyé Spécial

Parler de la gestation pour autrui (GPA) à travers celles et ceux qui la pratiquent en France, c’est ce que propose le magazine Envoyé Spécial ce soir sur France 2. 32 minutes durant lesquelles nous allons à la rencontre de couples qui se sont tournés vers cette pratique et ces femmes qui ont proposé de porter ces enfants.

En France, la gestation pour autrui est une pratique interdite depuis 1994, passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Mais cette interdiction est loin d’empêcher tout un marché parallèle de se développer, avec les difficultés et les risques que cela induit. Cette réalité, le journaliste Matthieu Boisseau, qui a mené l’enquête, ne la soupçonnait pas. Une recherche Google et quelques clics plus tard, c’est tout un monde qui s’est ouvert à lui : « Je me suis rendu compte qu’il y avait des annonces, des gens pour y répondre, aussi bien des couples que des mères porteuses », explique-t-il à Komitid. « Ça a été une découverte totale. À partir du moment où c’est illégal, vous ne pouvez pas vous attendre à ça. Ce sont des gens dont on ne parle jamais parce qu’eux-mêmes n’osent pas en parler, parfois même à leur entourage. »

Traiter le sujet de la GPA n’est pas chose aisée quand on sait les débats passionnels, pour ne pas dire hystériques, que cette pratique suscite. Loin de se positionner pour ou contre, l’enquête livre des récits que l’on entend peu voire pas du tout et qui permettent de mettre des personnes derrière cette réalité. « Le sujet parle essentiellement des gens, de leur parcours, de leur vie de tous les jours, des petites combines juridiques, de rencontres, de sommes d’argent… J’ai essayé de m’intéresser aux détails pratiques parce que c’est ce qui fait leur vie quotidienne. On s’est essentiellement intéressé aux histoires humaines, que ça soit le plus équilibré possible, que les gens puissent s’exprimer en longueur, qu’ils aient le temps de donner leurs arguments », confie Matthieu Boisseau.

Pour le meilleur ou pour le pire

Différents portraits se succèdent au fil de cette enquête où la parole est donnée aussi bien à des mères porteuses qu’à des couples qui se sont tournés vers la gestation pour autrui, pour le meilleur ou pour le pire. « On a essayé de montrer différentes situations : parfois ça se passe bien, parfois ça se passe pas bien, parce que c’est un marché totalement clandestin, hors de tout cadre juridique donc au moindre dérapage, ça peut prendre des proportions gigantesques, dramatiques. » Ça a été le cas par exemple pour le couple formé par Alexandre et Anthony pour qui tout s’est effondré en l’espace de quelques instants, le jour de l’accouchement, et qui se battent encore aujourd’hui pour avoir un lien avec leur enfant.

Alexandre et Anthony, témoin dans l'enquête d'Envoyé Spécial sur la GPA

Alexandre et Anthony, témoin dans l’enquête d’Envoyé Spécial sur la GPA

Mais il y a aussi Stéphanie, qui a porté deux enfants pour d’autres couples et pour qui tout s’est bien passé. Un témoignage qui offre une autre lecture de la démarche, loin d’être seulement focalisée sur l’appât du gain. « C’est aussi ce qu’on a voulu montrer dans le reportage. Il y a vraiment des profils très différents de mères porteuses et des motivations très différentes. Dans les cas où ça se passe bien, ce sont des femmes qui ne font pas de l’argent leur unique motivation, ce sont des femmes qui sont animées, en plus de la question financière, par cette envie de rendre service, de créer du bonheur autour d’elle, même auprès de gens qu’elles ne connaissent pas », analyse le journaliste. C’est d’ailleurs en ce sens que va le témoignage d’une mère porteuse qui sera interviewée à visage découvert après la diffusion du reportage par Élise Lucet, la présentatrice de l’émission.

Pourquoi regarder cette enquête d’Envoyé Spécial ? Pour la réalité qu’elle met en lumière et les récits personnels des personnes concernées. Aussi parce qu’elle montre combien l’interdiction de cette pratique ouvre la porte à de multiples dérives et peut causer de vrais dégâts. « On se rend compte qu’interdire ne résout pas entièrement la question, que c’est loin de clore le débat », avance Matthieu Boisseau qui nuance immédiatement et estime que cette prohibition « empêche sans aucun doute le développement d’un marché de plus grande ampleur en France. » Souhaitable ou non, une chose est sûre, la France pourra difficilement continuer à ne pas débattre autour de cette pratique.

Bébé sur Internet : le marché clandestin — Une enquête de Matthieu Boisseau, Emmanuel Bach, Rémi Bonnefoy et Benoît Sauvage – France 2, 21 heures

  • phil86

    Bien sûr qu’il faut légaliser la pratique pour l’encadrer. L’interdiction ouvre les portes vers les dérives que ceux qui sont favorables à l’interdiction prétendent combattre.