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Pécresse va-t-elle faire payer par le contribuable sa plainte contre Act Up Paris?

Oui. L'association avait notamment qualifié la présidente de région de «délinquante» dans une campagne dénonçant la non application d'un jugement concernant la tarification réduite pour les étrangers sans papiers dans les transports publics.
par Cédric Mathiot
publié le 18 octobre 2018 à 15h04

Question posée par le 18/10/2018

Bonjour,

Votre question a été modifiée, la voici en intégralité : «Un article de Komitid affirme que les frais d'avocats de Valérie Pécresse contre Act Up-Paris seront payés par IDF Mobilités. Est ce que c'est vrai ?»

Vous renvoyez à un article du site Komitid qui affirme que le Conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités «a voté mardi 9 octobre pour la prise en charge des frais d'avocats de Valérie Pécresse, dans le cadre d'une plainte contre Act Up-Paris. La plainte pour diffamation avait été déposée par la présidente de la région Île-de-France qui dénonce la campagne « Pécresse délinquante » menée par l'association de lutte contre le VIH/sida.»

Contacté par Checknews, un porte-parole de la région confirme :«le Conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités a effectivement voté la "protection fonctionnelle" pour Valérie Pécresse. Ce qui est classique quand un responsable d'une collectivité locale doit se défendre pour des faits relevant de ses fonctions».

Pierre Serne, conseiller régional (groupe Alternative Écologiste et Sociale) d'Île-de-France, présent au Conseil d'administration, avait également confirmé l'information dans un long post sur Facebook : « Je suis intervenu pour dire toute l'indécence et la violence de cette plainte contre une association de défense des malades ».

Valérie Pécresse avait porté plainte le 20 juillet contre Act Up à propos d’une campagne traitant la présidente de région de «délinquante» pour n’avoir pas appliqué une décision de justice octroyant la tarification réduite aux étrangers bénéficiaires de l’AME (donc en situation irrégulière) dans les transports publics. L’association insistait sur les conséquences sanitaires d’une telle politique pour les étrangers malades.

Contacté par Checknews, un porte-parole de la région estime que le terme «délinquante» est «évidemment diffamatoire», et insiste sur le texte lui-même, accusant Valérie Pécresse de «faire le lit de l'épidémie du VIH» et de se rendre «coupable d'interruptions de traitement et de nouvelles contaminations».

«Nous sommes consternéEs que la grande priorité de Mme Pécresse soit d'attaquer une association nationale de lutte contre le sida dont l'objet du plaidoyer est seulement de lui demander de faire appliquer les décisions du Tribunal Administratif de Paris et de la Cour d'Appel de Paris», avait réagi l'association sur Facebook.

Voici une chronologie de l'affaire, que nous avions déjà évoquée sur Checknews :

En 2001, la région Ile-de-France décide d'octroyer une réduction aux étrangers bénéficiaires de l'AME dans les transports publics. Il s'agit alors de mettre en application l'article 123 de la loi SRU de 2000 obligeant les autorités de transport à offrir au moins 50% de réduction à toutes les personnes dont les ressources sont inférieures ou égales au seuil d'obtention de la CMU-C. Ce qui inclut donc les bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat, cette dernière obéissant aux mêmes conditions de ressources que la CMU-C. En 2015, sur les 165 000 bénéficiaires de l'AME en Ile-de-France, 110 000 avaient fait les démarches afin de profiter de cette tarification sociale pour les transports.

Le 17 février 2016, conformément à la promesse de Valérie Pécresse lors de la campagne des élections régionales, le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF, devenu depuis Île-de-France Mobilités) exclut les bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat de l'accès à la carte «solidarité transport». C'en est fini des réductions tarifaires octroyées aux «sans papiers».

Le 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Paris retoque cette décision. Le tribunal estime cette délibération méconnaît «les dispositions de l'article L. 1113-1 du code des transports», qui «ne subordonnent, en effet, le bénéfice de la réduction tarifaire qu'à une seule condition de ressources, et non à une condition de régularité du séjour en France». Les bénéficiaires de l'AME peuvent donc, en théorie, prétendre à une réduction de 50% (le minimum prévu par la loi).

Le 6 juillet, la Cour administrative d'appel de Paris confirme la décision du tribunal administratif, estimant que la présidente de la région Ile-de-France a commis une «erreur de droit». La Cour insiste à son tour sur le fait que selon la loi, «le bénéfice de la réduction tarifaire n'est subordonné qu'à des conditions de ressources» et pas à la légalité du séjour en France.

Depuis janvier 2018 et la première décision du tribunal administratif, Act Up-Paris n’a eu de cesse de dénoncer le refus de la région d’appliquer le jugement, justifiant ainsi l’utilisation du terme «délinquante».

Pour sa défense, la région faisait, elle, valoir qu’elle avait déposé immédiatement un recours, ainsi qu’une requête de sursis à exécution du jugement, en attendant l’appel.

«Nous avons toujours dit qu'étant donné le coût et la lourdeur du dispositif, nous appliquerions le jugement après les recours. Et nous avons pris une délibération en ce sens dès le 11 juillet, après le jugement en appel», affirme un porte-parole de la région.

Ce qui ne signifie pas que les bénéficiaires de l’AME peuvent profiter depuis cette date de la réduction à 50% à laquelle ils ont droit. En effet, selon le même porte-parole de la région, ils ne pourront bénéficier de tarifs réduits qu’à compter du 1er novembre. Soit près de neuf mois après le jugement du tribunal administratif, et près de quatre mois après la décision de la Cour d’appel.

Et encore ils ne pourront pas bénéficier tout de suite d’un forfait à prix réduit à l’achat. Au 1er novembre, les personnes concernées pourront soit acheter un forfait hebdomadaire ou mensuel au prix normal (et se faire rembourser le mois suivant), soit demander une carte spécifique leur permettant d’acheter des tickets (et non un forfait) à 50%.

Il faudra attendre septembre 2019 pour que les étrangers bénéficiaires de l’AME puissent acheter directement un forfait à 50 % sans avoir à l’acheter plein tarif et se faire rembourser.

La région justifiant ces délais par la (re)mise en place du dispositif par son partenaire comutitres.

Cordialement

Pour aller plus loin :

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