LGBTphobieAu Royaume-Uni, les droits LGBT+ relégués au second plan des élections

Par Timothée de Rauglaudre le 10/12/2019
Royaume-Uni

Les Britanniques votent jeudi lors d'un scrutin qui doit déterminer l'avenir du pays. Alors que Boris Johnson est donné gagnant, les grands partis parlent peu de droits LGBT+.

Jeudi 12 décembre, les électeurs britanniques vont élire leurs nouveaux députés dans le cadre d'un scrutin décisif. En effet, ces élections générales, convoquées par le Premier ministre Boris Johnson, devraient permettre d'en savoir plus sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Dans ce contexte, les droits des minorités sont mises sous le tapis. Heureusement, quelques médias, comme le site d'information LGBT+ PinkNews, continuent de scruter avec attention les engagements pour les droits LGBT+ des cinq principaux partis qui vont se disputer la majorité parlementaire.

Le palme du silence revient sans surprise au Parti du Brexit. Dans son "Contract with the People" ("Contrat avec le peuple"), le parti eurosceptique de Nigel Farage ne fait "pas une seule mention de la moindre problématique ou promesse spécifique à la communauté LGBT+", relate PinkNews. Comme le note dans un autre article le site d'information, Nigel Farage est apparu plusieurs fois, entre 2011 et 2016, dans le show télévisé de Rick Wiles, un pasteur fondamentaliste notoirement homophobe, antisémite et islamophobe.

Inclusivité à l'école

Les quatre autres grands partis - le Parti conservateur, le Parti travailliste, les Libéraux-démocrates et le Parti vert - se sont engagés de concert à promouvoir l'inclusivité LGBT+ à l'école, qui subit une offensive conservatrice. En effet, depuis quelques mois, des groupes religieux, notamment musulmans, protestent contre des cursus dans certaines écoles pour apprendre à respecter de la même manière toutes les orientations sexuelles.

En revanche, contrairement aux partis de gauche et aux Libéraux-démocrates, les conservateurs ne disent rien dans leur manifeste sur les droits des personnes transgenres, sur l'accès à la PrEP ni sur les problématiques de santé spécifiques à la population LGBT+.

"Tarlouzes en débardeur"

Le premier ministre Boris Johnson, en tête des sondages, a vu des citations outrancières de son fait déterrées depuis son arrivée à pouvoir. Celles-ci refont de nouveau surface à la veille des élections. Ainsi, en 2000, dans le magazine conservateur The Spectator, il s'en prend au "programme épouvantable des travaillistes, qui encourage l'enseignement de l'homosexualité dans les écoles".

Dans son livre Friends, Voters, Countrymen publié en 2001, il écrivait : "Si le mariage gay était acceptable - et j'étais incertain sur cette question -, alors je ne voyais pas de raison, en principe, pour laquelle une union entre trois hommes, tout autant que deux hommes, ou même trois hommes et un chien, ne pourrait être consacrée." Une citation qui n'est pas sans rappeler certains commentaires des années 2012-2013 en France, pendant les débats sur le mariage pour tous. En 1998, dans une chronique pour le Telegraph, il raillait le travailliste gay Peter Mandelson, dont la démission du gouvernement susciterait selon lui la tristesse des "tarlouzes en débardeur".

Un ambassadeur mondial LGBT+ ?

Lors d'un débat sur la BBC, une militante pro-conservateurs, Nimco Ali, a été interrogée sur cette citation à plusieurs reprises par le chroniqueur du Guardian Owen Jones, homosexuel et soutien du Parti travailliste. Celui-ci lui a demandé si parler de "tarlouzes en débardeur" était "acceptable". Réponse de l'intéressée : "Ça dépend du contexte dans lequel c'est dit." Les commentaires homophobes passés mettent visiblement les conservateurs très mal à l'aise. D'autres citations, qualifiées de sexistes, racistes ou islamophobes, ont par ailleurs été exhumées.

Comme le relève PinkNews, Certains partis proposent un petit plus par rapport aux autres. Par exemple, les travaillistes sont les seuls à s'engager à ouvrir un poste d'ambassadeur mondial sur les questions LGBT+. Les libéraux-démocrates, de leur côté, ont la particularité de proposer une réforme de la politique d'accueil des demandeurs d'asile LGBT+. Ces derniers veulent aussi, comme les Verts, introduire une mention neutre sur les passeports britanniques pour les citoyens qui ne se reconnaissent pas dans le genre masculin ni dans le genre féminin.

Un quart d'électeurs gays indécis

De son côté, le site d'information The Gay UK a réalisé un sondage en ligne pour demander aux Britanniques homosexuels s'ils étaient décidés ou non quant à leur vote aux élections de jeudi. Sur 400 personnes ayant répondu à la question, 23 %, soit près d'un quart, n'ont pas encore décidé quel bulletin ils mettront dans l'urne. L'abstention chez les LGBT pourrait aussi changer le résultat du vote. Plusieurs militants ont appelé les gays britanniques à voter sur Grindr, et même... sur Onlyfans. 

https://tetu.com/2019/11/27/si-grindr-et-onlyfans-changeaient-le-resultat-des-elections-britanniques/

Dans un sondage précédent, The Gay UK avait demandé à ses lecteurs pour quel parti ils comptaient voter, pour ceux qui s'étaient déjà décidé. 38 % avait répondu que leur premier choix se porterait sur le Parti travailliste emmené par Jeremy Corbyn, suivi de près par les Libéraux-démocrates de Jo Swinson. Celle-ci est allée défendre les droits des personnes transgenres dans plusieurs médias, dont la BBC où elle a estimé que cette question était un "débat sur des personnes et leurs vies".

 

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