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BrésilInvestiture de Bolsonaro au Brésil : qui est Damares Alves, la ministre chargée des questions LGBT ?

Par Rozenn Le Carboulec le 01/01/2019
Crédit photo : Sergio LIMA / AFP.

Ce 1er janvier 2019, Jair Bolsonaro a pris ses fonctions de président du Brésil. Dans son gouvernement, c'est Damares Alves, une femme pasteure, qui a été nommée "ministre de la Femme, de la Famille et des droits de l’Homme". Elle sera également chargée des questions LGBT+.

Une femme pasteure évangélique à la tête des questions LGBT+ au Brésil. Le 6 décembre dernier, Damares Alves a été nommée "ministre de la Femme, de la Famille et des droits de l’Homme". Elle aura également la responsabilité des populations indigènes, à travers sa tutelle sur la Fondation nationale de l'Indien (FUNAI).

Elle est l'une des deux seules femmes du nouveau gouvernement de Jair Bolsonaro, qui a pris ses fonctions le 1er janvier 2019. Une équipe totalement blanche qui compte, par ailleurs, pas moins de sept militaires.

Conservatrice et anti-IVG

Damares Alves est avocate, ex-chargée de la communication du député Magno Malta, également pasteure évangélique et alliée de poids de Jair Bolsonaro. "Ce dernier est une personnalité marquante, il s'est notamment battu contre la pédophilie, mais il a été impliqué dans des affaires de corruption, d'où le choix de nommer plutôt son assistante directe", explique à TÊTU Stéphane Witkowski, président du Conseil d’orientation stratégique de l’Institut des Hautes Etudes d’Amérique Latine (IHEAL), spécialiste du Brésil.

La création de ce ministère un peu "fourre-tout", qui était auparavant celui "des Droits humains", est une manière de calmer les craintes des minorités de la société civile, estime le chercheur : "Ce n'est pas un portefeuille important pour Bolsonaro. Il y a d'ailleurs nommé une femme peu connue dans l'opinion publique brésilienne. Il y a une certaine cohérence intellectuelle dans ce choix".

Et Stéphane Witkowski d'ajouter : "Elle prétend défendre les droits des minorités, mais quand on reprend ses déclarations passées, elle est tout de même marquée par un discours idéologique très à droite et réactionnaire". 

Clairement anti-IVG, tout comme le nouveau chef du gouvernement, la ministre des droits de l'Homme estime que "le premier droit et le plus grand est le droit à la vie""Nous voulons un Brésil sans avortement (...) seulement dans les cas prévus par la loi. Je crois que la loi ne doit pas changer", a-t-elle affirmé. Actuellement, celui-ci n'est autorisé dans le pays qu'en cas de viol, de risque pour la mère ou de risque de malformation du foetus.

De "bonnes relations" avec les assos LGBT ?

En ce qui concerne les questions LGBT+, l'élection de Jair Bolsonaro, ouvertement homophobe, fait craindre le pire. A l’approche de sa prise de fonction, le nombre de mariages entre personnes de même sexe a explosé au Brésil. Le 30 octobre dernier, plusieurs jeunes LGBT+ confiaient à TÊTU qu'ils envisageaient même de quitter leur pays.

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Devant la presse à Brasilia, Damares Alves a toutefois voulu se montrer rassurante : "Les revendications des personnes LGBT sont très délicates, mais mes relations avec les mouvements LGBT sont très bonnes. Il est possible d'avoir un gouvernement de paix entre le mouvement conservateur, le mouvement LGBT et les autres mouvements", a-t-elle assuré. Lors d'une réunion avec des représentants d'associations LGBT+, qui s'est tenue le 20 décembre, les militants présents ont remis à la future ministre un document intitulé "Ce que nous voulons de l'État brésilien", dans lequel ils demandent notamment une meilleure reconnaissance des familles homoparentales. Damares Alves s'est montrée "très emphatique et respectueuse", selon le président de l'Alliance nationale LGBT, Toni Reis, interrogé par le journal O Estado de S. Paulo.

Toujours selon ce média, la ministre s'est engagée pendant la rencontre à lutter contre les violences à l'égard de la communauté LGBT+, et pour une meilleure insertion professionnelle des personnes trans'. "Si besoin, je serai dans la rue avec les 'travestis'. Si besoin, je serai devant la porte de l'école avec les enfants victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle", a-t-elle par ailleurs déclaré, démontrant une certaine bonne volonté, tout comme une méconnaissance du sujet.

Un dialogue qui va s'avérer compliqué

La ligue brésilienne des lesbiennes (LBL) a de son côté estimé qu'il était "impossible d'initier un dialogue avec les défenseurs de l'existence de la soi-disant 'théorie du genre', qui remettent en cause des débats et des droits durement acquis grâce à nos luttes sociales".

Difficile, en effet, d'imaginer une ministre qui estime que "les femmes sont nées pour être mères" et rester à la maison, mener dans le même temps une politique très progressiste à l'égard des minorités. A défaut de faire évoluer les droits des personnes LGBT+, elle a en tout cas affirmé ne pas vouloir revenir sur le mariage entre personnes de même sexe, autorisé au Brésil depuis 2013.

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Crédit photo : Sergio LIMA / AFP.