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Le Sénat vote très largement en faveur de l’interdiction des « thérapies de conversion »

Après les députés, les sénateurs ont voté mardi, à 305 voix contre 28, la création d’un délit pour interdire les « thérapies de conversion », pratiques visant à imposer l’hétérosexualité aux personnes LGBT.

Le Monde avec AFP

Publié le 07 décembre 2021 à 21h37

Temps de Lecture 4 min.

C’est une étape essentielle qui va permettre l’adoption prochaine de la loi « interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne ». Le Sénat, à majorité de droite, s’est prononcé très largement, mardi 7 décembre, en faveur de l’interdiction des pseudo-« thérapies de conversion », pratiques visant à imposer l’hétérosexualité aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT).

Les sénateurs ont adopté par 305 voix contre 28 la proposition de loi, déposée en mars par la députée Laurence Vanceunebrock, de La République en marche, lui apportant quelques modifications. Le texte, soutenu par la majorité ainsi que par le gouvernement, prévoit notamment la création d’un délit spécifique contre les soi-disant « thérapeutes » ou religieux qui prétendent « guérir » les personnes homosexuelles, qui pourront être punies de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. L’Assemblée avait adopté la proposition à l’unanimité au début d’octobre.

Créer un délit pour une variété de pratiques « barbares »

« Etre soi n’est pas un crime. Non, l’homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies que l’on pourrait soigner. Non, il n’y a rien à guérir », a martelé mardi la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno, dénonçant dans ces pratiques « des atteintes insupportables à l’intégrité humaine ».

S’il n’existe pas en France d’enquête nationale permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène des « thérapies de conversion », une mission parlementaire, conduite en 2019 par Mme Vanceunebrock et le député Bastien Lachaud, de la France insoumise, a permis de recenser une « centaine de cas récents », et d’alarmer les parlementaires sur « l’augmentation des signalements ».

Dans leur rapport, les deux députés dévoilent notamment la variété que peuvent prendre les pratiques induites par la « thérapie de conversion » : elles englobent aussi bien des traitements par « hypnose », « hormones », voire « électrochocs », des dérives « religieuses » entre « appels à l’abstinence » et séances « d’exorcisme » , que le recours aux « mariages forcés » hétérosexuels.

De tels actes peuvent déjà tomber sous le coup de la loi, pour violences volontaires, abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine, harcèlement ou discrimination. Mais il s’agit, par ce texte, selon Elisabeth Moreno, de « mieux identifier ce délit, mieux protéger les victimes et favoriser la parole ».

Ainsi, la proposition de loi adoptée crée un nouveau délit sanctionné par 30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement. Elle prévoit également que la peine soit portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes, notamment lorsque la victime est mineure, dépendante ou que l’auteur est un ascendant.

« Les postures idéologiques n’ont pas leur place »

Lors de l’examen du texte mardi, des sénateurs de tous bords politiques ont ainsi dénoncé ces pratiques, qualifiées de « barbares », « d’un autre âge » et « indignes », et défendu l’adoption du texte. « Nommer le délit, c’est poser une interdiction franche et c’est reconnaître le mal qui a été fait », a déclaré la rapporteure centriste de la proposition, Dominique Vérien.

Cela n’a pas empêché la teneur de vifs débats sur le texte, notamment entre la majorité sénatoriale, de droite, et le reste des sénateurs. Les 28 élus qui se sont exprimés contre l’adoption de la proposition de loi sont du parti Les Républicains (LR) – comme Bruno Retailleau, le président du groupe, en fait partie.

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Contre l’avis du gouvernement, les sénateurs ont apporté une modification au texte adopté par les députés, en précisant que ne doivent pas être incriminées les personnes tenant des propos répétés visant à inciter à la prudence avant d’engager un parcours médical de changement de sexe. Pour la rapporteure, il s’agit de répondre aux « inquiétudes » de parents et d’associations. Mme Moreno a jugé cette modification « inutile ». « Les conseils prodigués de manière bienveillante et adaptée » ne sont pas concernés, a-t-elle assuré.

Comme en commission d’examen, le Sénat a toutefois rejeté les amendements portés par Jacqueline Eustache-Brinio (LR), visant à supprimer du texte « l’identité de genre », jugée mal définie par l’élue. « On n’a pas de leçon à recevoir (…), on a le droit d’avoir des différences sur les analyses sans être mis au ban », s’est défendue la sénatrice du Val-d’Oise, sous les critiques de la gauche de l’hémicycle.

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La socialiste Marie-Pierre de La Gontrie s’est, elle, « interrogée sur l’obstination de la droite à vouloir mener un combat d’arrière-garde ». « Les postures idéologiques n’ont pas leur place dans un tel débat. Il est question ici d’humains », a affirmé la présidente du Groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, Eliane Assassi.

D’autres pays ont déjà interdit les « thérapies de conversion » en Europe : c’est le cas de Malte et de l’Allemagne, et de plusieurs provinces en Espagne. Au Canada, un projet de loi les interdisant a été adopté le 1er décembre par la chambre basse du Parlement.

Députés et sénateurs français doivent eux désormais s’accorder sur une version commune du texte en commission mixte paritaire pour faire adopter la loi. En cas d’échec d’accord, l’Assemblée nationale, très majoritairement favorable au texte, aura le dernier mot.

Le Monde avec AFP

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