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Pourquoi les propos de Macron sur l’apprentissage des questions de genre et d’orientation sexuelle à l’école font-ils polémique?

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Emmanuel Macron s’est dit opposé à l’apprentissage de ces thématiques dès la primaire et hésite sur leur nécessité au collège. Pourtant, ces sujets sont déjà abordés au sein des cours d’éducation à la sexualité, obligatoires depuis 2001.
par Laura Remoué
publié le 16 avril 2022 à 11h23
Question posée samedi 9 avril.

Bonjour,

Vous nous demandez si l’enseignement des questions de genre et d’orientation sexuelle existe déjà dans les programmes scolaires, alors qu’Emmanuel Macron a déclaré lors d’une interview donnée à Brut le 8 avril qu’il n’était «pas favorable à ce que ce soit traité à l’école primaire», ajoutant : «Je pense que c’est beaucoup trop tôt. Je suis sceptique sur le collège, mais ma position n’est pas arrêtée.» Et de poursuivre en approuvant l’instauration de tels enseignements au lycée, en lien «avec le périscolaire, la médecine scolaire et les enseignants». Une prise de position jugée parfois trop frileuse, et décalée avec la réalité, sur les réseaux sociaux.

L’Education nationale affirme sur son site que l’éducation à la sexualité «se développe à travers tous les enseignements». Lorsque les cours de sciences de la vie et de la terre enseignent la reproduction en classe de «4e et 5e, on essaie d’aborder la question de la sexualité et du respect de l’autre», explique Fabrice Rabat, professeur au collège Charles de Gaulle à Ploemeur, dans le Morbihan. Cette pédagogie dépend néanmoins de l’enseignant. Or, le Haut Conseil à l’égalité rapportait en 2017 une enquête pointant que 88 % du personnel de l’académie de Lyon n’avait pas reçu de formation à l’égalité. L’identité de genre, quant à elle, n’est pas abordée lors de ces cours qui s’en tiennent à l’enseignement du sexe biologique.

Obligatoire depuis plus de vingt ans

Ce rôle revient plutôt aux cours «d’éducation à la sexualité», obligatoires depuis 2001. Contrairement à ce qu’avance Emmanuel Macron dans son interview, ce thème est déjà abordé à l’école primaire par les enseignants. A partir du collège, les élèves doivent bénéficier de trois séances annuelles sur le sujet. Le texte à l’origine de cette mesure date de 2001, dans une loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. C’est à partir de 2016 que l’article 9 du code de l’éducation, qui encadre ces cours, est modifié en vue de préciser l’objectif des interventions : «Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain.» En août 2021, sous le mandat d’Emmanuel Macron, la loi confortant le respect des principes de la République ajoute que les sessions «sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines».

Dans le détail présenté sur le site de l’Education nationale, il est question d’aborder «l’éducation à la sexualité» au travers de trois prismes : «le champ biologique», «le champ juridique et social» et «le champ psycho-émotionnel», qui comprend l’orientation sexuelle et la notion «d’identité sexuée», correspondant en substance au genre, dont le terme n’est pas mentionné.

Des jeunes pas toujours informés correctement

Sarah Durocher, coprésidente du Planning Familial, qui intervient dans 3 000 établissements chaque année, explique que l’association adopte une démarche «d’éducation populaire» : «On parle des questions que les personnes peuvent avoir. On ne va pas parler de genre pour parler de genre, on va en parler parce que ça peut causer des interrogations Et elles se développent très tôt, «dès la primaire avec le partage des jouets. Est-ce qu’un garçon a le droit de pleurer ? Qu’est-ce qu’une fille ? Qu’est-ce qu’un garçon ? On va questionner les stéréotypes dès le départ.»

La transidentité apparaît elle aussi dans le fil des discussions, lorsqu’un élève «est désigné comme une fille ou garçon par la société et ne se sent pas bien dans ce corps-là. Ça peut être une souffrance gigantesque à vivre dans les établissements scolaires ou dans les vestiaires». A ce sujet, l’Education nationale a publié en septembre 2021 une circulaire donnant «les lignes directrices» pour une «meilleure prise en compte de l’identité de genre» à l’école. Celle-ci n’apporte pas de recommandations pour l’enseignement de cette thématique, mais demande au personnel scolaire d’être à l’écoute des élèves et clarifie certaines conditions d’accueil comme l’approbation du changement de nom au sein des établissements, lorsque les parents sont en accord avec cette décision.

Les réflexions sur l’identité de genre arrivent de plus en plus tôt car «les réseaux sociaux ont permis de libérer la parole et les questionnements sur cela», remarque Sarah Durocher. Elle insiste donc sur la nécessité d’intervenir auprès de cette «génération qui n’a jamais été aussi informée», pour «mettre un cadre à ce qu’ils reçoivent et alerter sur ce qui est une bonne et une mauvaise information».

Un enseignement à renforcer

Ces interventions ont beau être obligatoires, le Haut Conseil à l’égalité soulignait en 2016 que «l’application effective des obligations légales en matière d’éducation à la sexualité en milieu scolaire demeure parcellaire, inégale selon les territoires car dépendante des bonnes volontés individuelles». Sur la base d’un baromètre réalisé auprès de 3 000 établissements, un quart d’entre eux déclarait ne pas mettre en place les cours d’éducation à la sexualité lors de l’année scolaire 2014-2015. Au mois de février 2022, une enquête du collectif #NousToutes, réalisée auprès d’élèves, estimait qu’ils n’avaient reçu que 13 % de l’enseignement prévu par la loi de 2001.

Par ailleurs, Sarah Durocher souligne à quel point la notion de genre suscite encore «une peur assez impressionnante». En 2014, la tentative de mettre en place des ABCD de l’égalité, supports d’éducation visant à déconstruire les stéréotypes de genre, avait déclenché rumeurs et protestations, au point d’être finalement retirés.

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